Jim Harrison : pasta et « viril pecorino » (Aventures d’un gourmand vagabond)

Jim Harrison The Raw and the Cooked Adventures of a Roving Gourmand (détail couverture originale)

Les plus anciens de nos dialectrices et lecteurs s’en souviennent : Diacritik avait ouvert ses colonnes aux recettes littéraires. Ainsi se constituait une anthologie gustative, Book and cooks, qui fait son retour aujourd’hui avec le grand Jim Harrison et ses Aventures d’un gourmand vagabond, publié en 2002, chez Christian Bourgois, dans une traduction de Brice Matthieussent.
Pour l’auteur de Dalva, rien de banal à ces deux activités quotidiennes, boire et manger : « manger en Amérique : voilà un immense puzzle aux milliers de pièces, dont bon nombre sont perdues, et qui aboutit à l’image finale d’un diaporama de notre histoire ». Ses Aventures de gourmand vagabond sont une succession d’agapes, une liste infinie de plaisirs variés (et souvent roboratifs) et le commentaire de pratiques culinaires comme le chapitre qu’il consacre au livre de John Thorne, Cuisinier hors-la-loi (Outlaw Cook) : « Considérer Thorne « seulement » comme un auteur écrivant sur la cuisine reviendrait à considérer Raymond Chandler « seulement » comme un auteur de polars. Cuisinier hors-la-loi contient une dimension et une résonance de l’expérience qu’on ne retrouve presque nulle part ailleurs dans la littérature gastronomique américaine, sinon chez cette créature très rare qu’est M.F.K. Fisher. (…) Comme l’écrit Thorne, « tout ce que je désirais faire, c’était d’entrer dans la cuisine et de cuisiner. Pourquoi une chose aussi simple est-elle si difficile ? » Nous devons ici nous rappeler l’observation d’Umberto Eco sur l’obsession américaine de l’imitation : nous sommes submergés, engloutis par une culture où les médias nous tiennent à chaque instant à l’écart d’une éventuelle authenticité, au profit d’une approximation vaseuse. » D’un cuisinier outlaw à Eco, de la cuisine à la culture américaine, on a là tout le sel de ce livre de Jim Harrison. La cuisine est un prisme pour se dire et saisir son époque.

Mais ne tardons plus, voici la pasta promise : « Faites chauffer une quantité raisonnable d’odorante huile d’olive, hachez trois, cinq ou sept gousses d’ail, faites-les sauter jusqu’à l’amollissement désiré, cueillez quelques herbes fraîches, le basilic ou la sauge sont fortement conseillés, ajoutez quelques poivrons, des olives grecques ou des anchois à votre guise, plongez dans l’eau bouillante votre demi-livre ou moins de bonnes pasta d’importation (San Francisco suffira), égouttez puis mélangez, avant de saupoudrer une bonne poignée de viril pecorino. »

Jim Harrison, Aventures d’un gourmand vagabond. Le cuit et le cru, traduit de l’anglais (USA) par Brice Matthieussent, éditions Christian Bourgois, janvier 2002.

Ventimiglia © Christine Marcandier