Une bombe tombe dans le quartier alors que Marcel vient de sortir de la maison de passe de Jupien. La ville est plongée dans l’obscurité. Plusieurs de ceux que le roman compare à des habitants du Pompéi de jadis en profitent pour descendre dans le métro : « Quelques-uns même de ces Pompéiens sur qui pleuvait déjà le feu du ciel descendirent dans les couloirs du métro, noirs comme des catacombes. Or l’obscurité qui baigne toute chose comme un élément nouveau a pour effet, irrésistiblement tentateur pour certaines personnes, de supprimer le premier stade du plaisir et de nous faire entrer de plain-pied dans un domaine de caresses où l’on n’accède d’habitude qu’après quelque temps. »
En temps ordinaire et que ce soit dans un salon ou en rue, il y a toujours et si peu que ce soit un préambule qui empêche de faire plus que regarder la personne désirée en raison de la présence d’autrui. Dans le noir du métro, rien de cela : « Dans l’obscurité tout ce vieux jeu se trouve aboli, les mains, les lèvres, les corps peuvent entrer en jeu les premiers.
Si l’on est mal reçu, il reste l’excuse de l’obscurité et des erreurs qu’elle génère. Si l’on est bien accueilli en revanche : « cette réponse immédiate du corps qui ne se retire pas, qui se rapproche, nous donne de celle (ou celui) à qui nous nous adressons silencieusement, une idée qu’elle est sans préjugés, pleine de vice, idée qui ajoute un surcroît au bonheur d’avoir pu mordre à même le fruit sans le convoiter des yeux et sans demander de permission. »
Mais voilà que l’obscurité persiste et que les habitués de Jupien, ici présents et sans doute tous voués à Sodome, se croient réunis pour célébrer « aux grondements volcaniques des bombes, au pied d’un mauvais lieu pompéien, des rites secrets dans les ténèbres des catacombes. »
Ainsi sont envisagées des pratiques de séduction qui, loin des préliminaires habituels, auraient l’avantage de faire renoncer au « vieux jeu », somme toute à la galanterie.
Le Temps retrouvé, Folio, p. 140-141.