(Très) cher critique hétéro-chiant

© Godard, Histoire(s) du cinéma (1998)

Lamentable ? Navrant ? On a du mal à trouver les mots qu’il faudrait. On ne veut pas lui faire de la pub. On cherche plutôt le symptôme. De quoi cet « essai » est-il le nom ? Des sottises, on en écrit depuis toujours et on devrait s’y être fait… Mais on se sent soudain une âme de lanceur d’alerte et le radar ABRL (« Attention Baufitude en Roue Libre ») clignote trop sa race.

On le sait, toute une part du peuple de droite (grossi dorénavant d’une aile gauche florissante) veut la peau du système d’aide au cinéma français, comme de celle de la culture publique en général. Côté Trump, les néo-libéraux le maudissent, ailleurs on nous l’envie, on rêve de le rendre européen, pendant ce temps, ici-même, les plus hargneux ne cessent de le harceler, d’en grignoter les fondements, et ils y arriveront un jour, c’est certain. Mais qu’un « livre » (sic) mal fagoté, sous couvert d’incorrection politique bas de gamme et de ras-le-bol critique indigné, vienne tirer sur l’ambulance et s’en voit félicité en chœur par l’intelligentsia de plateau, voilà qui en dit long sur un certain état de la culture française. Confusionnisme et inconséquence…

Contrairement à ce qu’avance le CHC, les cinéastes doutent, cherchent, le plus souvent dans la précarité centrale de l’intermittence, presque toujours dans la clandestinité de l’Art et Essai…  Et ces temps-ci, ça ne va pas très fort… Nous apprenons à mourir, plutôt discrètement. Pour tout dire, je n’étais pas de bonne humeur, ce matin-là. Mon dernier projet venait d’être rejeté « à sec » par la commission d’avance sur recettes, et les trois mois d’intermittence escamotés à la suite d’une erreur informatique de Pôle Emploi tardaient à m’être remboursés. Mais quand même (va au bout de ton rêve), je restai toujours branché sur France Culture, comme une huitre s’accroche à un rocher sûr. Mélomane, j’ai immédiatement senti, dans la voix désagréable, sentencieuse et péremptoire qui nasillait dans le poste, quelque chose qui sonnait faux, qui m’agaçait, me blessait.

Une fois n’est pas coutume, on parlait du cinéma français « en général » et je persistais donc à suivre le cours de la discussion malgré la gêne grandissante de la présentatrice, estomaquée par la sottise confondante des réparties du CHC (critique de cinéma, assurait-on, au Figaro, qui plus est), toujours mâlement engoncé dans son autopromo bravache. Plus l’émission avançait, plus d’insondables énigmes me travaillaient : Mais d’où sort-il ? Que fait-il là, sur France Culture ? De quel cinéma français parle-t-il ? Quel est donc ce « NOUS » poisseux dans lequel il m’inclut ? Intrigué, meurtri, je me renseigne un peu : Non, je n’ai pas rêvé, cette voix a un visage, un corps et, visiblement, un nom, une audience, une tribune radiophonique régulière, un éditeur fidèle. Ne me restait alors qu’une issue, me procurer le texte, vérifier. J’aurais certainement dû le voler, mais encore trop respectueux des lieux amis que sont les bonnes librairies françaises, j’ai payé, 14 euros. Et j’ai bien fait. Le calice, la lie, etc. Un peu honteux, dans le métro (et oui, mon Lapin, les pompes à subventions du CNC ont leur Navigo), j’ai lu, tout, jusqu’à la fin, jusqu’au climax, morceau de bravoure programmé, une harangue poussive toute de lyrisme bauf. Pépite : « Voilà le problème. Les réalisatrices sont plus belles que leurs actrices. Qui NOUS rendra les garces d’antan ? La Maison France n’a plus ça en magasin ». Je suis rarement en colère, mais tous en moi, se sont rebellés : Le cinéaste, l’esthète, l’intermittent, le spectateur, l’homosexuel, le féministe, le citoyen, le lecteur, l’ex-junkie, l’artiste, tous enragent et j’en suis presque surpris.

J’en ai vu d’autres. J’aurais sans doute dû lâcher l’affaire. Le doute structurel sur mon travail, sur les films, sur la survie d’une certaine idée du cinéma, m’occupe à plein temps (enfin… entre deux de ces tristes orgies cocaïnées dont le CHC gratifie notre quotidien (si seulement…). Déjà les attaques constantes, toujours plus violentes, contre le système des intermittents du spectacle, contre le système d’aide au cinéma français, constituent un front de veille permanente et nous avons sans doute d’autres chats à fouetter qu’un miaulement intempestif du CHC (qui risquerait d’aimer ça en plus : voir son éloge inopiné de la bonne fessée). On oublierait donc vite, pensais-je, cette nouvelle daube inconsistante qui n’est après tout symptôme de rien que de l’inconséquence ambiante, dont acte. Mais quelques amis espiègles prennent plaisir à me rappeler à mon devoir : L’essai aurait une chance de figurer dans les shortlists de quelques prix littéraires, tu ne devrais pas laisser passer…. Pense à tes étudiants, pense à tous ceux qui ne liront qu’un seul essai sur le cinéma cette année : L’opus nocif du Critique Hétéro-Chiant.

Deleuze disait des années 80 que c’était une période pauvre et que le problème n’était pas la pauvreté d’une période, mais l’arrogance de ceux qui y occupaient le devant de la scène. En 2019, le devant de la scène se réduit comme une peau de chagrin, et le moindre mètre carré de surface critique se dispute à coup de Likes. La pseudo-arrogance désuète du CHC, (grave trop) fier de son livre bâclé, paresseux, irréfléchi et, au demeurant, littérairement pauvre, n’est pas le problème en soi (La Maison France a ça en magasin, hélas). Et on connaît par cœur cette verve néo-hussarde aux petits bras qui se veut mordante, mais dont l’insolence uber-datée fait immanquablement pchiiiiiiit (pour rester dans le rétro). Non, mon souci majeur, c’est le surgissement impromptu de ce « texte » (sic) dans un paysage critique dévasté, sa viabilité indéniable dans un contexte culturel qui spécule largement à la baisse. Le problème que nous pose ce livre, c’est notre responsabilité collective, politique, dans la possibilité même de sa publicité.

Sans doute trop préoccupés à sauver notre peau, nos disciplines, nos prés carrés, nos niches, nous cédons un peu plus chaque jour au relativisme, à la lassitude, au « quelconquisme » (ce qualunquismo que fustigeait déjà Pasolini). A force de second degré, de « dans son genre, c’est pas si mal », dans une préoccupation inquiète de coexistence pacifique « des » cinémas, « des » publics, ne sachant plus trop où placer la barre d’un Art du Cinéma qui tenterait encore d’en transcender l’industrie, la pertinence critique se spécialise, se dilue, se fragmente. La voie est donc libre pour les histrions, les écrivains ratés, les tocards décomplexés, les occupeurs de terrains. Déjà, les affiches des blockbusters de flux font l’impasse sur les citations d’articles, leur préférant un « Trop top, l’histoire (Kevin. Filminfo) » ou « Les acteurs, ils sont trop forts (Allison. Cinétop) ». On le sait, la critique « cinéphile » a du souci à se faire pour son avenir prescripteur et les niaiseries du CHC n’arrangent rien à l’affaire… Selon Barthes, être moderne, c’était « savoir ce qui n’est plus possible ». Et bien cet essai-là, de ce critique-là, n’est plus possible. Pourtant il est là, sous mes yeux (14 euros. 131 pages). Et un jury (dont on n’ose imaginer la composition) nous assure que, de tout ce qui s’est pensé, réfléchi, écrit, en France cette année, c’est cet essai-là de ce critique-là qu’il nous faut retenir. Pince-moi je rêve !

Mais non. Non seulement je n’ai pas rêvé, mais je ne suis donc pas seul à piaffer dans l’ombre. Un NOUS « cinéastes atterrés » se trame en douce pour m’envoyer me friter avec le « NOUS » improbable du CHC. Je cite pour mémoire : « redonnez-NOUS vite des salopes comme Danielle Delorme dans… ». Qui NOUS ?  Et même si (quelconquisme oblige) le CHC peut très bien se retrouver, au point où nous en sommes, à la tête de commissions décisives pour mon avenir dans le cinéma, même si je n’aime pas tant m’adjoindre aux chorus minoritaires du bon droit, et bien qu’au fond, je ne sois pas vraiment concerné par son tir de barrage sur le cinéma d’auteur canno-compatible et césarisable, faire marche arrière est impensable. Parce que le CHC m’a réellement blessé, a blessé l’idée que je me fais de la beauté du geste critique. Je lui en veux, à mort : « Rayez Chantal Akerman de votre vocabulaire. Partez à l’aventure… Prenez des risques. Allez de l’avant… ». Fallait pas, mon Trésor, fallait pas ! Car oui, je « relis Serge Daney, tard le soir » et j’enquille juste après sur le dernier Jean-Louis Comolli, tout comme les Fémisseux impuissants et salonards qu’enfin ton bon sens démasque. Et, je les relirai encore longtemps dans la nuit, tous ces preneurs de tête, ces empêcheuses de filmer les nanas en rond, si toi et ton « NOUS » inquiétant, gagnez à l’usure cette guerre froide de la « surface critique ». Comme Chantal, j’ai toujours pensé les bons films comme des sommations à l’écriture, et je m’y tiens.

La lettre du CHC s’adresse au Cinéma Français dans son ensemble, semble-t-il. Mais une fois le « livre » (sic) refermé, on se rendra vite compte que notre hussard viriliste ne voit en réalité qu’une toute petite partie de ce cinéma honni, un corpus largement filtré par le buzz cannois anar de droite, et par les stratégies d’attaché.e.s de presse démerdard.e.s. On pourrait imaginer qu’un critique probe, sans aller jusqu’à s’intéresser à ce continent de cinéma off-off qui lui échappe, pourrait au moins en avoir (mauvaise) conscience. Dans mes rêves ! Notre critique auto-proclamé est décidément et/ou mal renseigné, et/ou malveillant, et/ou incompétent. Je ne suis pas un inconditionnel de François Ozon, mais ses allusions perfides au « gentil garçon » (et oui, un inverti!, il y en a partout !) n’aboliront pas le fait qu’Ozon ne demande plus aucune subvention depuis longtemps, et qu’il ne représente en rien une avant-garde cinématographique quelle qu’elle soit (si ce n’est aux yeux de youtubeurs Manif pour Tous incultes). By the way, mon Loupiot, il y a des siècles que les réalisateurs ont renoncé à intriguer pour être logés au Carlton de Cannes, car c’est à Berlin, à Brives, à Locarno, à Nyon, à Pantin, à Rotterdam, à Lussas, à Belfort, au FID de Marseille, à la Roche-sur-Yon, que le cinéma français s’invente dorénavant, à l’abri, justement, du regard torve des CHC.

On peut reprocher bien des choses au Cinéma Français, mais sa variété insensée ne cesse d’étonner le monde, de Gonzalez à Dumont, de Claire Simon à Guiraudie, de Cavalier à des Pallières, de Straub à Godard, de Bonello à Kechiche, de Noe à Philibert, de Sciamma à Lvovlsky (pour ne parler que de la pointe croisetto-compatible de l’iceberg, celle sur laquelle le CHC s’acharne au piolet Vieux Campeur, usant et abusant de raccourcis grossiers, d’amalgames chers à son camp). Je n’ose ici réémettre l’hypothèse d’un tiers-cinéma français, vivant, rentable, créatif, et qui vaudrait la peine d’être encouragé et soutenu, tant je sais que pour notre CHC, il est trop tard. Tu n’as pas le temps d’y aller voir, trop occupé à ruminer ton NOUS, à pleurer les décapotables rouges, les commémorations de Robert Le Vigan, les costumes Ciffonelli (beurk), les concierges d’immeubles, les rues non-piétonnes, et le bon temps des réals couillus qui sautaient sur les actrices. Bonjour l’empreinte carbone, Honey Bee… Une chose encore, le système d’aide au Cinéma Français, décidé par le Conseil de la Résistance, consolidé par Malraux (pas le tien, le mien) entretient non-seulement cette bande d’arrivistes pleurnichards mais ouvre désormais sa générosité indécente (toujours sur des critères de qualité et non de rentabilité) à d’interminables documentaires chinois, à d’improbables films d’artistes queers venus de pays dont le nom même, CHC chéri, ne te dira rien. Tu ne peux pas être partout.

À propos de Je Suis Partout, Je ne m’étendrai pas sur la misogynie dégoutante, l’homophobie rampante, qui sous-tend toute l’entreprise du « livre » (sic). Je laisse les interessé.e.s se servir : Open bar, les filles ! Car en ce qui me concerne, pas bégueule, je n’aurais rien contre un pamphlet bien senti, s’il faisait mouche, s’il appuyait là où ça fait mal, s’il était irrésistible, et sans doute le cinéma français en a-t-il bien besoin. Ardent défenseur de l’Art Contemporain, j’avoue humblement avoir failli m’étrangler de rire (dans le métro, toujours (Navigo, quand tu nous tiens !) à lire Tom Wolfe étrillant le vernissage d’Art Basel Miami… N’est pas Céline qui veut, mon Canard, mais bon, Soyons fair-play : Oui, certains réalisateurs sont en boucle. Oui, le milieu du cinéma a ses travers, sa doxa Pialat-Cassavetes souvent mal digérée, ses ridicules, ses diktats, ses engouements, je m’inclus d’ailleurs dans le lot. Mais un brûlot digne de ce nom, ça se travaille en pyromane pro. La petite irruption de « fragments persos » qui jaillit p.70, mériterait ainsi un bon stage de Creative Writing (Christine Angot qui elle, au moins, se met en danger à chaque livre, te brieffera) pour surprendre. Les audaces littéraires du CHC seraient-elles aussi « factices » que celles des ciné-branleurs en mal de subventions régionales qu’il dépeint ? La laborieuse parodie d’une soirée des Césars, qu’il nous sert en entremet, le confirme : Elle manque de mordant, d’une réelle méchanceté, d’autant qu’elle attaque principalement (comme d’hab) les femmes, leur tenue, leur maladresse ou leur sincérité, et qu’on a tous déjà lu ça quelque part.

Un bon come-back Melville-Boisset-Sautet-Chabrol semble la seule solution proposée par le CHC si l’on veut que le Cinéma Français touche à nouveau le nerf de son époque. Dieu merci, d’autres réfléchissent. Paru l’an dernier, on lira le dernier essai de Jean-Louis Comolli (Cinéma Mode d’Emploi, à lire tard la nuit, une fois refermés les Daney). Pas de Prix Lipp du copinage, certes, mais sa lecture te renseignerait néanmoins, cher CHC, sur le passage de l’argentique au numérique et ses conséquences, question sans doute plus déterminante pour l’avenir du Cinéma que l’âge d’Isabelle Huppert ou l’urgence impérative d’un hommage à Bardot ou Adjani. Je travaille peu avec des acteurs, mais ce qu’a pu offrir Isabelle Huppert à un Werner Schroeter ou sur scène, chez Bob Wilson, m’aura, moi, profondément marqué, à vie. Quant à Mathieu Amalric, il n’accepte un James Bond ou un Spielberg que pour mieux bosser à l’œil sur des projets aventureux et pauvres, des prototypes fragiles (dont les miens) que tu ne verras pas, rassures-toi. Pour info toujours, mon Ptit Cœur, Emmanuelle Béart n’a disparu que de tes radars machistes : elle fait du Théâtre (public, le Théâtre, je t’expliquerai) du côté de Strasbourg. Et quoiqu’il en soit, on se fout totalement de ton avis sur les films, les femmes, les livres, les pédés, le cinéma, et la beauté, puisqu’on a enfin compris que tu n’en appelles jamais qu’à l’aigreur de ton NOUS, dans l’amertume bilieuse d’un renifleur de culottes pris sur le fait. Je me refuse à te laisser annexer Bresson et Pasolini pour anoblir en lousdé ton panthéon mortifère et surtout, surtout… Laisse Marguerite Duras et Chantal Akerman en paix !

Ce qui m’inquiète plus, c’est que, tout ringard et glauque qu’il soit, dorénavant armé de son prix littéraire, l’opus du CHC n’apporte de l’eau au moulin de ce sourd mouvement de désengagement de l’État français de la culture publique. L’endogamie qu’il dénonce chez les gens de cinéma m’a tout l’air de fonctionner à plein côté Edition, et l’on apprendra tout au bout du bout du « livre » (sic) que le CHC a régulièrement pondu une foule de romans. En 40 ans de lecture assidue, aucun de ses exploits n’était parvenu jusqu’à moi, tout comme, en 25 ans de cinéma, aucune de ses critiques de film écrites, ni non plus de ses saillies dans les indéboulonnables joutes verbales entre critiques (de ces émissions fatiguées qui dorénavant alimentent plus la culture du clash, qu’un quelconque amour du Cinéma, dommage)… Bref, je me rends compte de ce que j’avais jusqu’ici été comme protégé, par l’Université, par les belles plumes de Libé et du Monde, par les Cahiers et les Inrocks, par France Culture, par Daney, par Comolli, des bad vibes du CHC. Mais voilà, il existe (encore) et je l’ai rencontré. Noir sur blanc.

J’espère que les quelques cinéastes qui trouvent grâce à ses yeux, refuseront ses louanges pâteuses et imprécises (Arnaud Desplechin, vous qui êtes un homme si fin, dites quelque chose !) mais espérons par dessus tout que, sur les réseaux, dans les revues, une nouvelle génération critique s’invente. Car finalement, ce que notre CHC ne supporte pas, c’est que le cinéma, l’art en général, continue bon an mal an de tendre à être le miroir brisé de son temps, à épeler patiemment, maladroitement, la beauté tragique du monde qui vient et qu’un CHC ne saurait voir : des films, courts, longs, documentaires, réalistes, violemment drôles ou terribles, des essais critiques, pertinents, impertinents, des installations, des clips, des jeux vidéo, pleins d’arabes trans, de smartphones, de violences conjugales, de Feums déchainées et puissantes, de Netflix, d’injustices, de chômage, de solitude insondable, de poutres apparentes, de virus, de post-minimalisme, de Gouines Rouges, de migrations, de larsen, de tendances floues, de sainteté, de réchauffement climatique, de chat’ persans sur le réseau, d’attentats, de care, de locavores, de porno hard, de Chantal Akerman, d’Eurovision, d’évasion fiscale, de téléchargements libres, de mégalopoles tentaculaires, de beautés folles, hybrides, globalisées, bâtardes, banlieusardes…

Le cinéma devra faire avec, et la critique de cinéma l’accompagner avec fièvre pour « rendre le réel insupportable ». Sans toi, et c’est tant mieux.

(Très) cher Critique Hétéro-Chiant, ce n’est pas en réactivant nerveusement le « lâcher de salopes » cher à Bigard, ni en exaltant le pseudo-grand frisson d’un cinéma perdu entre la Grande Vadrouille, Calmos et les Zozos, que le cinéma français divertira ton « NOUS » introuvable ou te désennuiera de ta bouderie râleuse… Mais au passage, mon Chaton, sur la vie de ma mère, tu lui auras fait, sans même le connaître ni le reconnaître dans son fragile feuilleté d’art et d’essai, un mal bien insidieux. Comment ? En inaugurant, en toute impunité, le degré Zemmour de la critique : une Haine du Cinéma au sens ou Pascal Quignard (tu connais peut-être ?, pas mal de prix littéraires, lui aussi) parlait d’une Haine de la Musique. Pauvre CHC ! Encore quelques râteaux aux cocktails post-Césars, encore deux-trois livres-pétards-mouillés par ci par là, et il mourra, comme tout le monde. S’il n’est pas déjà mort, de fait, comme ce cinéma auquel il s’accroche, et qui n’a plus lieu d’être. « Nous », on continue.

« Je suis venue ici pour apprendre à mourir, je n’y suis pas venue pour y voir tout ce que j’y vois… », Mère Angélique Arnaud

Le « livre » dont il est question ici est celui d’Eric Neuhoff, (Très) cher cinéma français, Albin Michel, 2019, 136 p., 14 € (prix Renaudot 2019)

  • La notion d’hétéro-chiant a été inventée par Act Up dans les années 90, probablement issue de l’hétéro-plouc du FHAR, et présente l’avantage de qualifier toute prétention d’un « Je » indigné à dire tout haut ce qu’un « Nous » majoritaire penserait tout bas (ex : « Le Sida, les pédés l’ont bien cherché »…).