Octobre est un mois sobre. Coincé entre septembre doré et novembre gris, octobre est le dixième mois d’une année qui en compte douze. Comme les coups de minuit, les apôtres de Jésus ou les salopards de Robert Aldrich.
Un peu d’histoire :
Octobre tient son nom du latin october (de octo, huit), et non de la chanson éponyme de U2. Titre que je recommande particulièrement aux amateurs des dublinois avec cette ballade rock empreinte d’une tristesse sourde pianotée fébrilement et chantée par un Bono au sommet de sa puissance vocale. Et puis, ça nous change d’Earth, Wind and Fire, dont la rythmique entêtante et ridicule peut stagner jusqu’au 30 septembre (de l’anglais september, en funky dans le texte).
Octobre est le mois du passage à l’heure d’hiver, pas moins de deux mois avant l’arrivée de la saison proprement dite. C’est vous dire si l’hiver est souvent précoce. Fin octobre, nous reculons nos montres de soixante minutes, pendant la nuit, peu pressés que nous sommes d’affronter le froid et les engelures au réveil. Alors, quand tout est calme au dehors, nous retardons nos toquantes. Nous gagnons ainsi – pour les plus chanceux qui ont un lit, un toit et une couette Agatha Ruiz de la Prada – une heure de sommeil en plus ; et les moins veinards doivent supporter une heure de gla-gla supplémentaire parce qu’ils dorment sous la tente au bord du canal ou entre la pile orientale du pont de l’Alma et le quai de Seine qui la jouxte. Dans les deux cas, le lendemain matin, c’est reposé et rasséréné que nous nous levons dans le jour balbutiant et encore nimbé de cette obscurité matinale qui va nous peser jusqu’au dernier dimanche de mars.
L’heure d’été correspond à GMT + 2, alors que l’heure d’hiver à GMT + 1. Il paraît que l’idée d’avancer l’heure légale durant l’été a été instituée une première fois en France en 1916 et serait d’inspiration britannique. Sans vouloir taxer nos amis et néanmoins voisins les Anglais de propension à l’égoïsme, on peut raisonnablement douter du bien fondé d’une telle mesure. Selon des sources apocryphes, elle serait née d’une petite phrase d’un Grand-Breton au cours d’une conférence militaire interalliée. Un Tommy se serait exclamé dans un mauvais français : « Well gentlemen, c’est le moment de passer à l’heure des thés ». Les Français, vexés, seraient allés se faire servir un petit noir auprès du 1er Régiment de Tirailleurs Sénégalais qui bivouaquait non loin de là. Bien contents de les trouver ce jour-là avant de les oublier dans les livres d’histoire jusqu’à une hypothétique repentance nationale près d’un siècle plus tard.
Le mois d’octobre est aussi le mois de la Révolution Russe de novembre 1917. Sans elle, nous n’aurions jamais vu Omar Sharif se prendre la tête à deux mains pour jouer le Russe Jivago et David Lean n’aurait pas écrit une des plus belles pages de l’histoire du cinéma, sur une musique non moins mythique de Maurice Jarre (le papa de Jean-Michel) et des costumes même pas de Donald Cardwell. Maurice Jarre, tant qu’on en parle, aura eu des choix artistiques honorables et courageux, puisqu’il est passé de Lawrence d’Arabie à Paris brûle-t-il ? et de L’Homme qui voulut être roi à Gorilles dans la brume et Ghost. Ce qui, sans être mauvaise langue, me fait dire que composer la musique d’un film dans lequel joue Demi Moore prouve bien qu’il ne faisait pas les choses à moitié.
Mais octobre, c’est aussi et surtout le mois où nul jour férié ne vient troubler le rythme effréné de nos vies tributaires d’une activité professionnelle rémunérée pour subvenir à notre pitance et à celle de nos proches. Pas un Saint quelconque ou un martyr en goguette à célébrer, encore moins de fête païenne ou plus ou moins républicaine héritée de gouvernements passés désireux de faire plaisir aux ménagères, aucune victoire militaire qui ferait que l’on pourrait rester chez soi à rendre hommage aux couleurs au garde-à-vous bien au chaud dans son lit. Non. Rien. Le vide. Le néant et trente-cinq heures incompressibles à se coltiner chaque semaine jusqu’au 11 novembre. Quand il ne tombe pas un dimanche.
Il est vrai que septembre ne compte pas de jour férié non plus. Certes. Mais vous le savez déjà : septembre est un mois pourri.
Vivement le moi prochain !