May 7, 2014 (Fifty-Three Days, journaux américains, 20)

© Franck Gérard

LOS ANGELES /day twenty (« twen’y »).

Une fois n’est pas coutume ; je commence ce récit non pas par aujourd’hui, mais par hier soir alors que je venais de finir d’écrire. À ce moment-là, je suis au téléphone avec la France. Soudain j’aperçois deux ratons laveurs ; non, les ratons laveurs ne sont pas que dans les zoos, ils ont une liberté propre ! Ce couple (je pense) s’approche à quatre mètres de moi, et nous nous fixons, je ne bouge pas, je suis pacifique, observateur, et ils repartent au fond de ce jardin très long où je les entends grattouiller… Enfin ! Quel bonheur que d’avoir vu ces ratons laveurs !

Ce matin, j’ai rendez-vous au Getty Center à 11h00 ! Je pars à 10, car je déteste arriver en retard et le GPS m’annonce 35 minutes de route. Je roule. Le GPS m’indique maintenant 45 minutes vu les encombrements. Et puis finalement presque une heure, vu les bouchons. Je prends mon mal en patience car c’est toujours (un peu) exotique. Mais pas pour très longtemps… Surtout lorsque je prends ces petites routes, à 15 miles à l’heure, et qu’en arrivant à destination un panneau indique « GPS Wrong, no way for the Getty ». Il est déjà 10h45 et je fais le chemin inverse, dans les lacets, à la même vitesse… L’entrée est indiquée sur Pasadena Blvd ; dans mon souvenir ! J’y arrive et parlemente avec les garagistes — je ne trouve pas le mot alors je trouve celui-ci ; ce sont les personnes qui gèrent les directions où tu dois te garer, peut-être les voituriers ? mais non, « I have not a reservation for my appointment ! ». Je suis en retard ! Je fulmine ! Me gare au niveau moins six ; prends l’ascenseur ; explique mon cas ; téléphone, et tout glisse miraculeusement ; les personnes de l’accueil me désamorcent tellement ; ils sont welcoming et friendly ! Ils font bien leur boulot et c’est très touchant. Je prends le tramway qui monte au Getty ; je bois un café en rendez-vous. Merci ! Après je me promène entre l’intérieur et l’extérieur ; c’est assez beau, même très beau mais c’est toujours la même chose, la même chose qui me gratte, comme un fou ; et ce ne n’est pas cela qui me gratte malgré la beauté gigantesque des expos, des pièces, de la nature, des photos, des peintures, de l’architecture… Non, ce n’est pas la rue, ici ! La rue revient ; c’est une obsession ! Décidément !

Je reviens à la maison après un très bon hamburger sur York ! La sieste du hamburger !

Je vais à « Fahrenheit » ; le GPS m’indique 15 minutes. Le GPS me dit de tourner à gauche et il me dit 3 minutes. Après, je dois tourner à droite et il me dit 20 minutes, etc. Je n’en peux plus, je prends la septième rue et finalement arrive en six minutes! Mais dans une zone industrielle gigantesque. Au bord de la route, des zombies, juste des zombies, qui «zone out» alors qu’« I am in the zone » ! C’est décidément « LA journée du GPS ». Je croise la «L.A. River» qui n’est qu’un conduit de béton avec quelques flaques. Plus tard, je conduis à nouveau et n’en peux plus alors je rentre dans un parking à 5 $ pour marcher. C’est Dowtown, toujours, que je ne sens pas ; définitivement ! Après, deux heures durant, je suis en alerte ; uniquement ouvert sur le monde; je douille car ici la pauvreté est de rigueur ; en haut, les étages avec les riches ; en bas, la rue et les pauvres. Ce n’est que cela, avec les odeurs de graisse dans la figure. Paranoïa, de mon côté, les autres aussi. On se regarde dans les yeux ; qui a un flingue, qui n’en a pas. Je sens bien ce qui se passe ici et, malgré tout, des rencontres, ou pas. Il y a celui-ci qui dit « That’s why, fucking America » et l’autre qui peint avec les doigts à qui je donne un dollar ; parce que j’aime l’art, ce geste de peindre, simplement et que je sens cette beauté en lui ; il me dit Stay cool, man ! Et je prends une image d’un autre qui lui montre l’image qu’il a faite de lui ; l’air heureux ! Il y a aussi celui-là, visage tatoué, qui se roule par terre avec un ours en peluche. Mais là, impossible de photographier ; je suis, nous sommes observés… Je ne suis que là, c’est tout ; je ne prends pratiquement pas d’images. J’ai perdu mon chemin, pour une fois ; mais heureusement, sur le ticket de parking, il y a l’adresse internet de celui-ci ; alors enfin je me retrouve sur Spring Street ; le parking n’est pas loin. Je suis derrière un type qui parle en français, qui n’en peut plus, qui frime avec des histoires de voitures invraisemblables. Il ne sait pas que je le comprends. Il ne me voit pas ; de toute manière, plus personne ne me voit car je me suis mis en mode furtif. Je l’observe ; il fait un truc qui me semble dégueulasse.
Un chien a pissé sur une roue de voiture, il trempe ses deux doigts dans l’urine et la sniffe ; ça me dégoûte. Je rentre. Le GPS me trompe plusieurs fois! Je n’en peux plus de cette machine. Demain, je pars à New York ; ça va me changer ! J’aurai juste mes jambes et mes pieds là-bas! Et j’espère encore un peu ma tête !

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