Petit précis littéraire : Richard Milward

Richard Milward © Tara Lennart

Richard Milward : Écrivain anglais vivant, né à Middlesbrough en 1984. Auteur de 3 romans, quelques nouvelles et d’une flopée d’articles publiés par la presse anglaise. Également peintre. Jeune, multi-talents et pertinent : voilà une manière formelle et à peu près juste de décrire cette fine plume de la littérature contemporaine. A la fois pop, trash et rien de tout cela, Richard Milward montre qu’on peut appartenir à la génération Y, parler de sexe et de drogues, ET avoir un talent impressionnant.

C’est qui ?

Un type qui est né, a grandi et vit dans une ville portuaire du Nord-Est de l’Angleterre, au bord de la mer du Nord. Pour ne vexer personne, je ne ferai pas de comparaison avec Dunkerque, mais bon, tout le monde saisira l’idée. Richard Milward écrit depuis l’âge de 12 ans, sans interruption. S’il reste discret sur son milieu d’origine et son adolescence, on sait qu’il a étudié l’art à la prestigieuse Central St Martin College of Art & Design de Londres et obtenu un diplôme dans la branche beaux-arts. Logique, pour un écrivain traduit dans une dizaine de langues !

Il parle de quoi ?

De la vie des jeunes dans cette ville ouvrière anglaise, réputée pour être grise et déprimante, mais que lui définit comme une véritable source d’inspiration, BLANCH-pomune ville peuplée de gens un peu fous, drôles et chaleureux. Dans Pommes, son premier roman, publié à l’âge de 22 ans et immédiatement salué par mister Welsh en personne, Richard Milward raconte la vie d’un groupe d’adolescents d’une quinzaine d’années. Au centre, Adam et Eve, deux opposés chacun prisonniers de leurs problèmes familiaux : père violent pour l’un, mère en chimiothérapie pour l’autre. Autour d’eux gravite leur bande, des garçons et des filles paumés, curieux, obsédés par leur problèmes d’adolescents (à savoir les fringues, les mecs/nanas, leur avenir, l’alcool, les fêtes, la drogue et le sexe). Le ton est sombre, l’ambiance, brutale, et les rapports sociaux, souvent violents. Mais l’adolescence n’est pas vraiment une partie de plaisir, et Richard Milward l’a bien compris. Mieux : il le retranscrit à merveilles, avec la réalité dure du milieu social de ses personnages.

Couv_Block.inddDans Block Party, on reste à Middlesbrough, mais dans un esprit plus léger, même si une certaine tension sourde plane sur le groupe d’une demi-douzaine de personnes qui habite dans la tour HLM de Peach House et se côtoie au jour le jour. Il est question d’art, de drogues, de sexe, de galère, d’amour et de bonbons (de plein de bonbons. Il faut dire que les Dragibus, c’est bon). A travers ses personnages-identités, un peintre remarqué par une prestigieuse galerie londonienne et sa petite amie, un voyou dealer et sa petite amie, un camionneur raciste et autres, Richard Milward peint la vie de ces jeunes adultes, leurs attentes et leurs espoirs. C’est un peu comme si les jeunes de Pommes avaient grandi, pris de la maturité et se retrouvaient avec, en plus de leurs questionnements adolescents, des problèmes de grandes personnes (chômage, réussite, boulots…).

Pourquoi c’est bien ?

Parce que Richard Milward parle de ce qu’il connait, et ça se sent. Il raconte avoir longtemps inventé les histoires de ses romans (ceux qu’il écrit depuis l’âge de 12 ans mais n’a pas publiés), pour finalement revenir à ce qu’il connaissait le mieux : la vie sociale des gens de son âge, dans sa ville. Gens qu’il observait minutieusement le WE en se ramassant la tête comme eux avec moult alcool et ecstasy, puis décrivait comme un forcené pendant la semaine, écrivant le soir sur du papier avec un crayon, en écoutant de la musique, très importante et omniprésente dans ses romans.

C’est justement à cet endroit que se situe l’originalité de Richard Milward et le place en haut du panier directement, loin, très loin au dessus de tout ce qu’on pourrait ranger dans la littérature adolescente flirtant avec le trash. En fait, il n’est pas vraiment trash, il est plus naturaliste que provocateur. Richard Milward observe, détaille, rend public ce que des milliers d’adolescents gardent habituellement secret, ou protégé au sein de leur groupe d’amis proches. Le miroir le long du chemin cher à Stendhal (qui n’est pas naturaliste, je SAIS, j’ai mon bac, mais j’avais besoin de l’image), Milward le promène de soirée en soirée, de pilule du lendemain en binge drinking ou dépucelage d’ecstasy, d’angoisse existentielle en épiphanie. Et comme si son sens de l’observation ne suffisait pas, il s’appuie sur un style ciselé et une construction en béton. Sa narration de Pommes est fluide, maitrisée, d’une aisance déroutante pour un si jeune auteur. On navigue de personnage en personnage, d’un flash-back à un autre, d’intimité en intimité sans jamais s’embrouiller ou se lasser. Les gens vivent sous nos yeux, sans fards ni exagération, que ce soit donc dans Pommes ou le plus apaisé Block Party. Dans ce second roman raconté d’une traite, pour rendre palpable l’image de la tour, le ton un peu guilleret (tout en restant grinçant) embarque son lecteur pour une virée dont il ne sortira pas avant d’avoir fermé le livre.

Il faut lire quoi ?

Avec deux livres, autant dire que vous n’aurez pas d’excuse. Les deux sont excellents, justement car ils se prolongent et se répondent tout en étant deux entités distinctes et décrivant des pans très différents des différents moments de la vie d’un jeune individu.

Richard Milward a une voix, un style, un esprit. Des données rares et essentielles à la fabrication d’un bon livre, un de ceux que l’on va garder toute sa vie et qui vont marquer notre espace personnel, nous rappeler des souvenirs, éventuellement, ou nous toucher par leur sincérité. Richard écrit de façon intemporelle, d’une plume à la fois très représentative des problématiques de vie, mais très éloignée des clichés qu’on associe à la génération actuelle. On attend son troisième roman, nous lecteurs paresseux de lire en VO, de pied ferme !

Bibliographie – en français.

Le site internet de l’auteur regorge d’articles et nouvelles non traduits en français.

Pommes (Apples, Faber & Faber, 2007 ), Asphalte, 2010 et Points, 2013. Traduction d’Aurélie Coussy

Block Party : un roman à 10 étages (Ten Storey Love Song, Faber & Faber, 2009 ) Asphalte, 2013. Traduction d’Aurélie Coussy