Les coulisses de la rédaction, « quoi de 9 ? »

© Christine Marcandier

Des coulisses sous le signe du neuf (le chiffre et l’adjectif) dont l’homophonie renvoie à l’expérimental « Revolution 9 » des Beatles, au 9e art, à l’académie éponyme, aux dictons populaires – « au gui l’an neuf », « qui vole un neuf… » – et, c’est un peu facile on vous l’accorde, à la nouveauté, thème principal de ce neuvième épisode des coulisses de la Newsroom de Diacritik.

Cette semaine écoulée a vu trois entrées dans la newsroom : Olivier Steiner, Laurence Bourgeon qui a rencontré Maja Haderlap lors de son récent passage à Paris, et une figure incertaine, Yorick, qui « vécut à Elsener sous le règne d’Hamlet 1er, que les historiens situent entre Augustule et Giscard ». Yorick entre littérature et critique, récit de soi et des textes et qui nous parle, dans « Le Cas présent », de chienne et de ruban, de Capital et de Société du spectacle, de Clèves et Nemours au téléphone, soit de « l’empire des fictions ». Vous le retrouverez tous les dimanches matins, rubrique Golghost. Et on annonce un nouveau diacritique, la semaine prochaine, mardi précisément, qui feindra de parler de bande dessinée pour mieux nous parler de peinture.

Cette semaine a vu, aussi, le démarrage d’une nouvelle rubrique, « écrire aujourd’hui », avec comme première intervenante Véronique Bergen. Comme l’explique Jean-Philippe Cazier à l’origine de cet « Écrire aujourd’hui », « la littérature correspond à des écritures diverses, à des pratiques multiples, parfois divergentes. Elles impliquent un point de vue sur le monde et sur ce qu’est le monde aujourd’hui – ce qu’il est, ce qu’il peut être, ce qu’il pourrait être. Cette rubrique de Diacritik propose des contributions inédites d’écrivains qui, de manière subjective, personnelle, écrivent ici sur leur pratique, sur ce que signifie pour eux « écrire aujourd’hui ». Il ne s’agit pas de définir « la littérature » mais d’explorer des écritures singulières qui énoncent, chacune pour son compte, ce que fait la littérature, ce qu’elle fait aujourd’hui, pour soi. Cette rubrique se présente donc aussi comme un panorama nécessairement multiple de ce que pourrait être aujourd’hui. »

© Christine Marcandier
© Christine Marcandier

Nos dialecteurs ont également pu parcourir l’Amérique du Nord (le MOMA et ses jeux de symétrie, New York en triptyques) au Sud (Mes Documents de l’écrivain chilien Alejandro Zambra), aller du plus large — l’arrière-pensée de la littérature contemporaine — au plus petit (Microcosme de Manu Larcenet), refuser la mort de Tignous comme celle de Denis Roche, à jamais vivants en nous. Il y eut aussi le nouveau Largo Winch, l’édition 2015 du Tout va bien, Enrique Vila-Matas et Dominique Gonzalez-Foerster, Laurent Mauvignier ; Mathieu Potte-Bonneville a affirmé la nécessité de relire Foucault, on a parlé de stéréotypes à combattre, de discrimination ; bu des Campari Bitter avec Duras, chanté et dansé avec Arnaud, pris des chemins de traverse, osé des croisements et des échappées. David Léon nous a offert son si beau « 16 novembre », texte d’un après si complexe à écrire, dire de l’indicible.

A17770Cette semaine fut donc un concentré de ce que cherche, jour après jour, notre magazine. Dialoguer et mettre en dialogue, croiser et mettre en perspective, jouer de formes et de signes, être une chambre d’échos du contemporain. Tenter, aussi, d’inventer une sorte d’autre journal, en assumant la référence à un grand titre disparu. L’Autre journal paraît justement à L’Arbalète, recueil des chroniques et articles intrépides publiés par Hervé Guibert en 1985-1986 dans ce journal fondé en décembre 84 par Michel Butel. Lequel déclare dans l’introduction du livre que Guibert « a fait entrer l’intime dans le journal. J’ai toujours pensé que pour faire un journal il faut un mélange d’intime et d’universel. Hervé apportait cette part d’intime ».

Alors même que nous lisions ces phrases et pensions un à venir de Diacritik, Olivier Steiner, auteur de Bohème et La Vie privée, nous offrait « Cent Trente ». Dans Bohème (2012), il écrivait, page 43 :

9782070135950« Je crois qu’il n’y a pas d’idées, pas de thème, de sujet, d’objet, d’espace privé, ça n’existe pas. Il n’y a que des personnes et des choses, des faits, des grands et des petits, il y a vous, il y a moi, de la vie qui passe au travers, nos actes, qui irriguent tout, discrètement des regards, des gestes, des intentions à travers le tamis des petits riens si petits qu’on ne peut rien en dire. Vous me comprenez ? »

N’était-il pas celui par lequel l’intime pouvait entrer dans notre journal ? Depuis lundi dernier, Olivier Steiner tient donc son journal dans le journal, laboratoire d’écriture peut-être, en tout cas chroniques — au sens étymologique du terme — choisies et éclairantes sur le monde d’aujourd’hui, inédits littéraires et nécessaires, somme de colères et de passions. Et, depuis lundi, « il y a beaucoup de choses » et « il y a donc cette vidéo en noir et blanc », la Lol V. Stein d’Olivier Steiner, une Marilyn plurielle et désaxée, la voix de Patrice Chéreau, un court-métrage de poésie pure, répondant peut-être à la définition de la beauté par Roland Barthes, dans son S/Z, la beauté qui « (contrairement à la laideur) ne peut vraiment s’expliquer : elle se dit, s’affirme, se répète en chaque partie du corps mais ne se décrit pas. Telle un dieu (aussi vide que lui), elle ne peut que dire : je suis celle qui suis. Il ne reste plus alors au discours qu’à asserter la perfection de chaque détail et à renvoyer « le reste » au code qui fonde toute beauté : l’Art ».

Quoi de neuf alors nous direz-vous ? ce qui est à venir et qu’on peut d’ores et déjà vous annoncer pour la semaine quarante-neuf comme de juste… Une rencontre littéraire avec Jane Sautière et Gaëlle Bantegnie animée et retranscrite par Sophie Quetteville, un musée imaginaire à Maubeuge par Jacques Dubois, Olympia de Rupert & Mulot et Bastien Vivès, le collectif Général Instin, David Whitehouse, Steven Spielberg, etc. Bref, pour rejeter la grisaille ambiante et tenter de penser à autre chose, du neuf avec du mieux.