Septembre 2015. Quatre heures du mat’, air moite, pas de clim, jet lag, insomnie, Glenn Gould, sirènes hurlantes sur Amsterdam Avenue, échafaudages sur l’escalier de secours, une fenêtre sur cour, ma West Side Story commence.
Antonio Munoz Molina, dans une autre chambre d’hôtel où une « vie entière se résume dans l’espace cubique (…), comme dans ces chambres austères que l’on voit si fréquemment sur les tableaux d’Edward Hopper » m’ouvre ses Fenêtres de Manhattan. Vertige. Claque. Souffle coupé. Un café, courir.
Central Park, Columbus Circle, Bryant Park, Broadway, Greenwich Village et Meatpacking district me guident jusqu’au Nouveau Whitney Museum of American Arts ouvert en mai 2015, ses multiples terrasses imaginées par Renzo Piano dominent l’Hudson et la très belle Highline. Les espaces intérieurs sont fluides, ouverts. Nouvelle claque. Mais l’approche architecturale sera pour plus tard.
Je pars « à la recherche de certains tableaux, pour des retrouvailles avec eux. En peinture, comme en amitié, j’ai mes priorités ». Hier déjà, au Metropolitan Museum of Art, j’ai eu rendez-vous avec lui et cette furtive rencontre devant le phare aux deux lumières (The Lighthouse at Two Lights), sur le Pont de Williamsburg (From Williamsburg Bridge) et à la Table des Dames (Tables for Ladies), n’a fait qu’exacerber mon attente de voir enfin la plus grande collection des œuvres d’Edward Hopper. J’imagine déjà me perdre dans les galeries et me laisser enfermer pour ma nuit au Musée.
Mais l’exposition inaugurale, « America is hard to see » , dont le titre s’inspire à la fois d’un poème de Robert Frost et d’un documentaire politique d’Emile de Antonio, rassemble plus de 600 tableaux ou installations de 400 artistes, dont la plupart ont rarement été exposés. Comme l’explique le Conservateur en chef Donna De la Salve, ils éclairent l’histoire cachée ou inoubliable de l’Amérique . Cette présentation en 23 chapitres thématiques permet ainsi de « réfléchir ensemble sur l’histoire de l’art américaine d’un point de vue d’observation d’aujourd’hui ». Est-ce la déception pour la seconde fois d’un tête-a-tête avec E.H manqué ? Les salles s’enchainent…
Ironie suprême, alors que One World Observatory s’illumine au loin, je termine ma visite sur le tableau de Mayerson « 9/11 » et repense avec émotion à Philippe Petit, merveilleux funambule entre deux mondes évanouis
Antonio Muños Molina, Fenêtres de Manhattan, traduit de l’espagnol par Philippe Bataillon, « Points » Seuil.
www.Whitney.org – America is hard to see jusqu’au 27 septembre 2015
Le Funambule (Man on wire), film documentaire de James Marsh, réalisé en 2008, voir également ses livres chez Actes Sud.