La Vie de l’explorateur perdu vient de paraître aux éditions du Tripode. Ce dernier roman du monde des Contrées a été l’occasion d’aller à la rencontre de nos plus anciens magiciens : Jacques Abeille. À rebours d’une modernité qui affiche les rouages du texte et en revendique le caractère intellectuel et fabriqué, Abeille cherche, comme les fous, les rêveurs et les poètes dont habituellement on se gausse, quelque chose qui n’est plus : un juste milieu entre l’art littéraire et l’inspiration, cette vieille antienne bien souvent moquée qui n’est pourtant que l’autre nom de l’élan créateur. Rencontre avec ce convive des dernières fêtes, autour des secrets de l’ancienne musique.

Voilà, quelques quarante ans après sa création, ce qui s’annonce comme le dernier livre du monde des Contrées : La Vie de l’explorateur perdu, publié en cet automne au Tripode. Puisqu’il s’agit d’un univers encore trop inconnu au regard de son envergure, rappelons la légende fantasmatique, l’ampleur onirique et fictionnelle de ce monde romanesque sans aucun pareil. Prenons le cheval par la bride pour suivre la dernière chevauchée dans l’une des plus grandes fresques imaginaires de la littérature française.

— J’allais mourir. C’était dans mon âme amoureuse,
Désir mêlé d’horreur, un mal particulier
Baudelaire, « Le Rêve d’un curieux »

Pour bien lire un auteur, pour bien le comprendre, il faut avoir une vue d’ensemble de son œuvre, ce qui nécessite de pouvoir englober sa bibliographie. D’où l’importance de (bien éditer) des Œuvres complètes, surtout quand ce sont celles d’un de nos plus modernes écrivains d’aujourd’hui. Tentons une approche de cette estrella distante, qui a su créer dans son œuvre une constellation morcelée d’une impressionnante force magnétique.

Bizarre : « qui est difficile à comprendre en raison de son étrangeté ». C’est la nature même du post-exotisme que de provoquer ce sentiment du bizarre, et le nouveau livre de Manuela Draeger ne déroge pas à la règle. Et si, pour comprendre cette défamiliarisation, l’on ébauchait une théorie du bizarre, qui permettrait de lire les hétéronymes de cet édifice littéraire si singulier ?