Entretien : Mara Montanaro (Les Théories Féministes Voyageuses)

Les concepts sont vivants et non immuables. Pour la philosophe Mara Montanaro, ils prennent corps dans la chair et dans les expériences vécues, ils sont agis par elles et doivent nous permettent d’avoir une prise sur le réel et non seulement le décrire. Entretien avec la philosophe, militante et autrice des Théories Féministes Voyageuses.

Placer la vie au centre de nos luttes comme le font les féministes en Amérique Latine est révolutionnaire ; partir des expériences des corps en lutte pour réinterroger nos impensés européano-centrés et colonialistes l’est tout autant. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de créer « des territoires existentiels », des espaces de pensée et d’actions collectives révolutionnaires. C’est dans cette perspective critique et émancipatrice que s’inscrit le nouvel essai de Mara Montanaro, Les Théories Féministes voyageuses aux éditions Divergences. En partant des spécificités des luttes féministes latino-américaines, la philosophe montre qu’il est possible de déployer une pensée critique et internationaliste depuis une réflexion sur des luttes locales et avec un contexte national précis. Partir d’un point situé pour ensuite élargir et faire voyager la pensée plutôt que de postuler l’universalité ou l’exemplarité de sa situation est un exercice de pensée « par le bas », central dans les démarches décoloniales et féministes que l’on retrouve chez Gayatri Chakravorty Spivak ou encore Françoise Vergès.

Pour préserver la vitalité des luttes émancipatrices, nous devons déconstruire ce qui reste de colonialiste dans nos façons de penser : réinterroger ce qu’on entend par « nous les femmes », réinterroger ce que nous devons placer au cœur de nos luttes et regarder par-delà les frontières comment d’autres pensent la coalition des luttes. L’exercice est difficile mais l’européano-centrisme nous fait penser en rond ou selon une hiérarchie de pensée qui subalternise le reste du monde. Les Théories Féministes voyageuses est une opération de pensée expérimentale et militante qui brise la sédentarité de nos luttes et crée les conditions pour que circulent nos idées en vue d’un horizon commun. Que vient bousculer ou agiter cet exercice de pensée critique, telle que la pratique Mara Montanaro ?

Au début de ton ouvrage, tu cites Sara Ahmed qui écrit qu’« être féministe, c’est l’être partout ». De fait, tu expliques que pratiquer la philosophie en féministe c’est militer pour une « hétérogénéité théorique » à même de fournir les outils pour cet « état de vigilance féministe » par rapports à la discipline philosophique. Pourquoi avoir choisi de te concentrer sur l’Amérique Latine ? Quels liens intellectuels et/ou affectifs avec ces pays ont pu motiver l’écriture des Théories Féministes Voyageuses ?

C’est une très belle question. Elle me permet de revenir aux raisons pour lesquelles je suis féministe. Je n’arrive pas à définir un moment de ma vie où je n’étais pas féministe, ça fait partie de mon histoire personnelle et politique. Les liens avec l’Amérique Latine se sont créés tout naturellement à partir d’un cours que j’ai donné à Paris 8. J’ai rencontré plein d’étudiantes latino-américaines et puis je suis tombée par hasard sur le livre de Veronica Gago, La Potencia Feminista. C’était au moment de la grève contre les retraites et moi je préparais un séminaire sur les stratégies de grèves féministes. À partir de là, je me suis dit que c’était un geste important de commencer à traduire des extraits de son livre et de les faire circuler.

Cette expérience-là me provoquait une joie dans la lutte, malgré la précarité, malgré la douleur. Quand je regardais de loin ce qui se passait en Amérique Latine, les grandes grèves féministes, ou quand je discutais avec des camarades latino-américaines, je me rendais bien compte qu’il se passait quelque chose d’absolument révolutionnaire comme changer radicalement le monde, lutter contre toute forme d’injustice… Ce qui est étonnant c’est que j’ai pu me plonger dans ces luttes féministes sans me déplacer en Amérique Latine. J’ai pu voir des transformations dans les façons de mener les luttes. À présent, j’ai quand même envie de me déplacer mais cette expérience-là était une expérience d’abord théorique, ou théorico-politique, qui s’incarnait dans des expériences et des luttes.

Et c’est pourquoi tu proposes « un voyage conceptuel et théorique dans les territoires des luttes féministes communautaires et indigènes ». Pour cela tu reprends le concept d’Edward Saïd de « théories voyageuses » mais tu repenses ce voyage des théories avec une articulation entre concepts philosophiques et luttes locales.

C’est absolument ça. Philosopher c’est travailler avec des concepts. Moi je dis toujours que ma philosophie est une philosophie de la chaire, incarnée et matérialisée dans des expériences de lutte. Sinon la philosophie n‘a pas de sens. La philosophie pour moi c’est se frotter dans le réel, dans des temps, dans des corps… C’est ma manière de vivre la philosophie et vivre les concepts. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé cette expérience un peu inédite de voyager avec les concepts, de voir ce que ça donne si on déplace des concepts qui ont toute une histoire, une tradition bien ancrée géopolitiquement.

Il y a quelque chose qui marque à la lecture de Théories Féministes Voyageuses, c’est sa dimension expérimentale. Je n’ai pas eu l’impression de lire un livre de philosophie classique et ça se ressent notamment dans la façon dont tu fabriques les concepts. Ce qu’il y a d’original dans ton travail c’est que non seulement tu fais voyager et correspondre les théories entre elles en tissant un réseau de pensée et de penseuses mais ce réseau internationaliste brise le clivage colonial Nord/Sud. Tu aurais pu choisir d’écrire un livre sur les théories féministes d’Amérique Latine sans parler de « voyages des théories ». Est-ce que tu as eu le sentiment d’expérimenter une façon nouvelle de faire de la philosophie ?

C’était une tentative, une expérimentation mais aussi un risque que je prends dans ma discipline. Et avec ce livre je comprends toute la difficulté que j’éprouve à y entrer, à être titularisée dans cette discipline. C’était une expérimentation mais aussi la seule manière que j’ai trouvé de vivre une philosophie féministe par l’écriture. Il y avait aussi une tentative de créer une écriture féministe de la philosophie. Je n’ai pas encore eu des retours par l’académie philosophique mais je pense qu’elle ne voudra pas entendre ce dispositif là car je m’éloigne de toute une tradition que j’essaie de décomposer de l’intérieur. Et ça, forcément … il faudra encore du temps.

Le dialogue que j’essayais de tisser était avant tout un dialogue Sud-Sud en passant par le Nord que j’habite. L’idée était de montrer d’abord comment les concepts qu’on utilise sont empoisonnés dans une tradition : les concepts marxistes, les concepts de famille, de nature… Il fallait ébranler tous les cadres, montrer comment – et là était pour moi toute l’opération décoloniale – des concepts comme celui de grève, de travail ou de re-production, forgés dans une tradition eurocentriques sont resignifiés par les expériences de lutte dans les suds.

Il y a aussi des concepts qui naissent en Amérique Latine comme celui de « corps-territoire ». Comment opérer une traduction politique de ces concepts, comment les faire voyager ? L’idée du voyage est centrale dans ma démarche : comment un concept issu d’une situation locale précise peut être exporté dans un contexte en Afrique, en Inde et ailleurs ?

L’idée de traduction que tu évoques ici est au cœur de ton projet où tu souhaites « analyser la traduction politique d’un concept quand il se déplace ».  Comment est-ce-que tu t’y prends pour ne pas parler « à la place de » ou t’approprier des luttes ?

Ma position a été de prendre en compte tout le colonialisme du discours ainsi que les diverses violences épistémiques à l’œuvre dans les façons de faire la recherche. L’idée ce n’était pas d’ouvrir un nouvel espace de réflexion mais de traduire des expériences, les faire passer. Ma position était celle d’une passeuse de ces expériences-là. Je voulais faire en sorte qu’elles soient lisibles, intelligibles, visibles et montrer qu’il y a tout un refoulement colonial et racial dans nos discours et dans certains de nos concepts. Je ne sais pas si j’ai réussi à le faire mais je voulais être très attentive à ça. De n’avoir jamais un regard surplombant mais toujours d’entrer avec toute la justesse, la délicatesse, la passion et le respect que j’ai pour ces expériences de lutte. Je voulais faire connaître à la fois des expériences et des penseuses comme Lorena Cabnal, Maria Lugones, Raquel Gutiérrez Aguilar, Silva Rivera Cusicanqui qui sont très peu connues en France et peu traduites. En ce sens, ce projet est un peu une boîte à outils dont on peut se servir et non pas un geste d’appropriation.

La question du territoire est multiple dans ton travail. Le territoire est tantôt un point de départ, un espace à défendre de l’expropriation et tantôt ce qu’il faut dépasser pour traverser les frontières. La discipline philosophique me semble aussi un territoire particulièrement bien gardé que tu viens chambouler. Est-ce que tu pourrais nous parler de la place que tu donnes au territoire dans ta démarche ?

S’il est tout à fait important de montrer l’ancrage géopolitique et la dimension située de ces luttes, j’avais aussi envie de parler d’un besoin d’internationalisme, de l’idée qu’on dépasse un état-nation. Ce qui compte pour moi c’est cette cohabitation et cette coalition internationale. Si on territorialise les luttes on ne comprend pas l’enjeu qui vient après : l’internationalisme. Je regarde comment créer les conditions nécessaires à un internationalisme à partir de ces luttes situées. Ce désir d’internationalisme est essentiel dans mon féminisme et je le pense au cœur de toute position politique véritablement révolutionnaire. Mais il est vrai que le territoire dans ce livre est à plusieurs niveaux avec l’idée d’une discipline philosophique dans laquelle je me situe aux marges, et que j’essaie de transformer. La philosophie est le territoire dans lequel j’ai grandi mais j’ai besoin d’air, de sortir de ce territoire et je l’ai toujours fait de plusieurs façons et particulièrement à travers les luttes.

Finalement, avec cette façon que tu as trouvé de faire de la philosophie tu crées un « territoire existentiel » comme les féministes d’Amérique Latine. Mais quel serait un territoire existentiel collectif ?

Veronica Gago parle de territoires existentiels et à un moment donné j’avais abordé la possibilité de territoires qui soient ré-existentiels : si on imagine des nouvelles possibilités de vie on déploie une résistance qui est active et affirmative. On ne peut pas ne pas le faire. C’est une manière d’apprendre à construire sur les décombres, sur des ruines. Comment inventer, comment agir et être dans une subjectivité active et résistante sans imaginer de nouvelles possibilités de vie ? Ces existences ne peuvent pas être qu’individuelles. La libération c’est toujours un processus collectif. Ce n’est que dans l’être-ensemble et dans l’agir-ensemble qu’on peut recréer ces territoires-là. Ça fait partie de mon rapport à ma discipline aussi en effet… et j’espère que cette boîte à outils que je lance comme une idée permettra la création de nouveaux territoires existentiels collectifs dans la philosophie.

Il y a justement un outil révolutionnaire dont tu parles dans ton ouvrage et qui est celui de la grève. Comment les luttes féministes dont tu parles resignifient cet outil ? Qu’est-ce qu’elles apportent de nouveau ?

Ce qui m’a frappé dans les luttes latino-américaines c’est que la grève devient générale car elle est féministe. Je pense au mouvement Ni Una Menos (« Pas une de moins »), contre les féminicides en 2015 et 2016. Qu’est-ce que les féminicides ont à voir avec une grève ? Et bien justement on lutte ensemble : il s’agit d’une lutte contre une violence à la fois économique, décoloniale, raciale, d’une lutte contre la violence sur le corps des femmes. La grève en Amérique Latine c’est à la fois un dispositif de lutte mais aussi une cartographie, un diagnostic précis des violences faites aux femmes couplé à un regard sur la trame économique de la violence. La grève permet de lutter contre toutes violences. Cette expérience est singulière et puissante parce qu’elle est non seulement un évènement mais un évènement qui se tisse dans la durée, qui sort du temps, du temps domestique, du temps de la violence. C’est pour ça qu’il m’a semblé important de re-conceptualiser la grève et de l’inscrire dans toute son histoire de sabotage, de montrer que la grève continue d’agir et d’être efficace.

Cette idée d’une grève générale féministe et intersectionnelle existe en France mais elle ne me semble pas aussi efficace. Est-ce que tu saurais dire pourquoi ?

C’est la question que je me suis toujours posée et c’est d’ailleurs en partie ce constat qui m’a poussé à écrire ce livre. Le mouvement Ni Una Menos n’est pas arrivé en France avec la force qu’il a trouvé en Espagne ou en Italie. Je pense que ça a un lien avec la fragmentation que j’ai toujours remarqué en France et plus particulièrement quand j’ai commencé à fréquenter des collectifs de femmes d’Amérique Latine. Cette fragmentation est liée à une histoire très locale. Il y a une grande élaboration théorique qui a toujours existé en France dans les mouvements féministes, où il y a cette capacité à couper les cheveux en quatre, à réfléchir de manière très précise… mais il y a une sorte de détachement et de fragmentation, voire de séparatisme, par rapport aux différentes luttes. Je pense par exemple aux séparations entre les communautés queer – qui, je trouve, déploient des possibilités de luttes et d’invention plutôt radicales -, les mouvements de lutte éco-féministe, ou les collectifs qui font partie de la gauche radicale. Je vois aussi une séparation entre les milieux plutôt intellectuels et les milieux militants : ton militantisme est mal vu dans les milieux intellectuels et académiques ou bien ta posture intellectuelle est mal perçue dans les milieux militants. Tout ça doit être recomposé, réinventé. Nous avons des ennemis communs : la montée des fascismes, la montée de l’extrême droite. C’est là, à mon avis, qu’on peut composer avec nos différences, aussi conflictuelles qu’elles soient. Mais cette opération-là n’a pas encore lieu en France.

Tu décris les femmes autochtones comme étant les véritables sujets révolutionnaires et ça vient rompre avec nos imaginaires problématiques de la révolution ou de l’insurrection comme quelque chose de masculin et de viril. Pourquoi les femmes autochtones pourraient-elles être de nouvelles figures révolutionnaires ?

Tu as raison de dire que c’est un problème. C’est une tradition masculine où on met toujours en avant la lutte des classes et après la lutte des femmes. Cette hiérarchie qui a toujours eu lieu en Europe est complètement éclatée en Amérique Latine. Je parle des femmes autochtones comme de véritables sujets révolutionnaires parce que le fait de remettre la question de la terre au centre est complètement révolutionnaire. Il y a déjà des théoriciennes comme Silvia Federici ou Maria Mies, qui sont retraduites en Français grâce aux éditions de l’entremonde, qui font partie d’une tradition souterraine hétérodoxe et révolutionnaire, qui ont montré comment la reproduction et le corps des femmes est un sujet au cœur du processus révolutionnaire. Le pas de côté que je fais par rapport à elles c’est de montrer la spécificité des femmes autochtones d’Amérique Latine en tant que sujet révolutionnaire. C’est là que de véritables processus révolutionnaires sont en train de se passer car la vie, dans ses exigences primordiales, est remise au centre en dépit du continuum de violence et de la précarité qu’elles subissent.

En France nous avons plus ou trop peu de terres à défendre comme les autochtones dont tu parles. Comment être révolutionnaire en France sans coalition avec des luttes autochtones ?

C’est une vraie question. La lecture française qui m’a le plus frappée à ce sujet a été le livre de Fatima Ouassak, Pour une écologie Pirate. Le territoire ici est déjà marqué par des refoulements coloniaux, impérialistes, ou par des violences homophobes. Mais ce qu’on peut faire c’est tenter de transposer ces expériences de luttes autochtones avec notre expérience urbaine : ça peut être du côté des quartiers populaires mais pas seulement. Comment reconstruire à partir des violences qu’on subit sur nos territoires ? Il faut remettre la vie au centre et prendre conscience de nos interdépendances. Ce que les autochtones font sur leurs territoires nous pouvons le faire sur nos territoires urbains. Il faut en tout cas partir de nos expériences et de notre territoire. Même s’il est biaisé ou noyé, on peut le resignifier. D’où l’idée de Fatima Ouassak d’un projet écologique qui n’est pas seulement blanc et bourgeois mais qu’on peut resignifier grâce aux coalitions : quelle est la finalité de nos luttes ? Pour quel horizon nous battons-nous ?

Ton ouvrage aborde aussi la question de la joie, de la nécessité de remettre la joie au centre de nos luttes. Tu appréhendes « la joie comme intensification de la vie, une façon de travailler le réel ». La grève féministe est une coalition joyeuse et tu observes que la joie peut être un contre-pouvoir, tu cites même l’enseignement de Deleuze selon lequel tout pouvoir a besoin de la tristesse pour exercer sa domination. Est-ce que tu pourrais nous parler de cette puissance joyeuse qui me semble être très liée à la façon dont on milite en Amérique Latine ?

Oui, je pense que tu as raison et que c’est très lié au militantisme féministe en Amérique Latine. En les voyant en acte tu peux comprendre toute la force et la puissance qui vient de ces expériences-là. La question de la domination est liée à ce qu’on appelle des corps tristes, abîmés, déchirés, violés ou volés. Ce que j’ai pu observer c’était qu’à partir de situations de précarisation, d’invisibilisation, il y a quand même des moyens de résister et ce moyen est la joie collective qui vient du fait de se retrouver ensemble et de créer des espaces collectifs d’existence. Tu te rends compte que ce processus de joie et d’existence est un processus auquel il faut tenir dans nos vies mais aussi dans nos constructions collectives. Il faut faire en sorte que cette joie militante traverse les vies, qu’elle fasse face aux moments de douleur, de précarité ou de deuil. Il ne s’agit pas d’une joie new age, c’est une joie vraiment politique dont je parle. Je l’ai vu récemment au cours d’une discussion avec des camarades d’Argentine qui me parlaient de leur situation insoutenable et me racontaient que tous les acquis qu’ils et elles ont pu avoir par les luttes sont menacés si Javier Milei passe au pouvoir. Mais elles continuent à agir. Il y avait une joie même dans le fait de faire des tracts, dans le fait de créer une manifestation et de descendre dans la rue. C’est réel, ce n’est pas utopique. Faire une fête ça peut aussi être un moment de réappropriation du temps, c’est se soustraire à un temps qui est celui de la production désespérée, un temps où on est engloutis par des logiques capitalistes. Quand on est ensemble et qu’on crée différemment on se soustrait à ça, même une heure. C’est un interstice, une brèche qui peut ouvrir des possibilités. Ça peut toujours être le moment où ta vie, ton existence peut se transformer.

Mara Montanaro, Les Théories Féministes Voyageuses, internationalisme et coalitions depuis les luttes latino-américaines, Préface de Verónica Gago., éd. Divergences, Oct. 23, 272 p., 18 euros