Tribune : Agiter un protocole fantoche ne suffit pas à garantir la sécurité des élèves

Nous, membres de la communauté éducative du lycée Mozart du Blanc-Mesnil, devant l’insécurité sanitaire dont nous sommes quotidiennement témoins depuis la rentrée, avons été contraints de débrayer ce vendredi 25 septembre 2020 pour alerter notre direction et obtenir un certain nombre de réponses à nos questions.

Vomissements, malaises : Ce vendredi, une élève de plus a été prise de vomissements en cours. Nous condamnons la réaction tardive et inadaptée de la direction qui n’a pas pris la mesure de la situation et s’est crue autorisée à mettre en doute le professionnalisme de notre collègue dont l’attitude raisonnable (demander assistance puis mettre fin au cours) était la seule possible compte tenu des implications sanitaires et de l’absence d’infirmière. Nous avons appris par la suite que deux autres élèves avaient vomi ce matin-là, portant le total à 4 sur la semaine. Nous rappelons que les vomissements sont un symptôme possible du COVID. Ils viennent s’ajouter à une trop longue liste de malaises, vertiges, mais aussi à la fatigue généralisée et au stress palpable de cette rentrée aussi bien chez les élèves que chez le personnel.

Ces événements sont, hélas, révélateurs d’une situation intenable : depuis la rentrée nous nous sommes efforcés de nous tenir au protocole sanitaire. Trois semaines plus tard, force est de constater que ce protocole est inapplicable et de fait inappliqué. Qu’il s’agisse du nombre d’élèves par classe, du port des masques, de la qualité de ces derniers, du lavage des mains, nous observons que nos élèves pourtant sérieux mais épuisés peinent à maintenir leur vigilance tout au long de la journée ou, quand ils y parviennent, suffoquent. Du côté du personnel nous constatons que les agents d’entretien sont toujours en cruel sous-effectif : nos collègues sont trop peu nombreux pour pouvoir garantir la désinfection et l’entretien de l’établissement. A tout cela vient maintenant s’ajouter l’automne qui nous place devant une alternative intenable : faire cours dans le froid ou dans des classes non ventilées. Nous refusons d’avoir à faire ce choix.

Face à l’accumulation accablante de dysfonctionnements, nous prenons note du refus de la direction d’organiser une réunion plénière qui nous aurait pourtant permis de faire un bilan exhaustif de la catastrophe en marche qu’est ce mois de septembre. Nous constatons que seul le débrayage nous a permis de faire entendre une partie de nos revendications. Nous déplorons d’avoir à instaurer ce rapport de force pour mettre sur la table des remarques de bon sens. Cela met en évidence l’incapacité de notre hiérarchie à traiter son personnel avec la dignité qui lui est due, de nombreuses remarques plus que déplacées l’illustrent trop fréquemment.

Agiter un protocole fantoche ne suffit pas à garantir la sécurité des élèves. Depuis la rentrée le nombre de cas positifs augmente à Mozart comme dans le reste de la France. A ce jour, au moins une classe complète est tenue à distance jusqu’au 2 octobre. Nous demandons, dans le respect du secret médical, que les enseignants puissent être informés lorsqu’une de leur classe comporte une suspicion de COVID afin de prendre les mesures nécessaires vis-à-vis de leurs proches (test etc). Nous déplorons, de plus, la répétition ad nauseam de la formule mensongère selon laquelle « le strict respect du port du masque, des gestes barrières et de la distanciation n’a pas entraîné de nécessité d’une mesure d’éviction ». Cette affirmation, coquille vide qui ne sert qu’à couvrir la hiérarchie, est quotidiennement contredite par les faits, d’autant que la suppression du groupe classe en 1ère et en terminale complique à l’infini la traçabilité du virus. Parallèlement à ce monde fictif où le virus ne se propagerait pas, la fermeture annoncée des bars, restaurants, des équipements sportifs que nos élèves utilisent pourtant, révèle en creux le danger auquel sont exposés ces derniers. À l’heure actuelle 32% des foyers de transmission sont en milieu scolaire ou universitaire.

Bricoler c’est mettre en danger, feindre de l’ignorer c’est s’en rendre complice. Alors que le lycée Mozart a pu faire figure, en mars, de bon élève en matière de santé, décidant de la fermeture quand un certain ministre hors-sol s’y refusait, improvisant sur le tas un enseignement à distance qui ne pouvait-être qu’un pis-aller, nous refusons de faire du bricolage pédagogique et sanitaire l’état normal de l’Éducation nationale. Ni les agents d’entretien, ni la vie scolaire, ni le personnel enseignant, ni le personnel administratif, ni la direction n’ont pour fonction de pallier l’incurie criminelle du ministère. Face à l’absence d’une véritable politique sanitaire, il est déontologiquement impossible de continuer à jouer le jeu. Il est de notre devoir de porter ces faits à la connaissance de notre direction, du rectorat de Créteil, de l’Agence Régionale de Santé et du ministère de l’Éducation nationale et nous invitons notre direction et les familles de nos élèves à en faire de même.

Si cette situation devait durer, nous envisagerions l’intégralité des moyens à notre disposition pour garantir la santé de nos élèves.