En Marche stoppé par des militants à la Marche des Fiertés : Pas de fierté sans solidarité !

© Joffrey Speno

Ce samedi est le jour de la Marche des Fiertés de Paris qui célèbre sa40e édition avec la présence remarquée et controversé du cortège des « LBGT en Marche », soutien du mouvement d’Emmanuel Macron maintenant majoritaire à l’Assemblée Nationale. Alors que ce parti a investi le député aux déclarations homophobes Olivier Serva en Guadeloupe, que Jacqueline Gouraud et Jean-Baptiste Lemoyne qui s’étaient positionnés contre la mariage des couples de même sexe viennent de rejoindre le gouvernement, que Gérard Collomb mène une politique policière et répressive contre les migrants, ou que le Président s’adonne à des « blagues » racistes sur les Comoriens noyés sur les côtes de Mayotte, certain.e.s ont bien du mal à comprendre de quoi les LGBT En marche ont à tirer quelque fierté.

C’est dans ce sens que des militants LGBTQI ont mené cet après-midi une action de blocage du cortège pour interpeller et affirmer ce message : « Trans Bi.e.s Pédés Gouines avec les migrants. Pas de fierté sans solidarité ! ». Rencontre avec un des militants qui nous explique cette démarche.

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Comment en êtes-vous venus à ce message ?

Il y avait de fait l’exigence de constituer un groupe mixte et de se distinguer par cette appellation de « Trans Pédés Bi.e.s Gouines » de celle de LGBT lambda qui est trop largement utilisée. Il s’agit de se focaliser sur la solidarité en tant qu’allié.e.s avec les migrant.e.s dans un contexte de répression terrible qui a lieu à Paris, dans le sud de la France ou à Calais. On voit bien que se dessine de plus en plus fortement, particulièrement avec la présence de ce cortège de LREM aujourd’hui, une forme d’instrumentalisation rose-friendly des luttes LGBQTI qui vient recouvrir d’autres horreurs et discriminations. Une instrumentalisation d’autant plus visible avec ce qui se passe en Tchétchénie et la façon dont cela a été porté médiatiquement comme un enjeu par les associations et par les politiques, mais qui a permis dans le même temps d’invisibiliser d’autres migrants, d’autres réfugiés, qui se trouvent en France dans des situations qui ne sont ni traitées ni envisagées avec la même urgence par le gouvernement. C’était donc une revendication très importante et aussi un moyen de se démarquer de celles de la Marche des fiertés qui a toujours le consensus mou.

Quel sens prend votre action en vous positionnant devant le cortège de LREM ?

Il y avait à la fois la volonté de se démarquer de l’adhésion de certains LGBT au mouvement LREM, de pointer le pinkwashing, de dénoncer l’hypocrisie qu’il y à pouvoir se revendiquer de ce mouvement et accepter qu’il y ait au gouvernement des membres et ministres ouvertement homophobes et opposés à la loi pour le mariage pour tous, ou qui adhèrent plus globalement à un système néolibéral générateur d’oppressions sociales des minorités et de crises écologiques qui dépassent le mouvement macroniste.

On utilise de plus en plus ce terme de pinkwashing. Peux-tu expliquer de quoi il s’agit ?

Je dirais que c’est l’instrumentalisation des luttes LGBTQI qui permet de masquer des enjeux propres à la communauté et permet une oppression ou une domination d’autres minorités. Le cas le plus flagrant est celui du gouvernement israélien de droite qui s’est servi de ce prétexte pour légitimer l’oppression de la population palestinienne et l’accaparement des territoires. L’exemple français est certainement plus subtil parce que le pinkwashing reste encore peu maitrisé, même si Anne Hidalgo semble être celle qui le manie le mieux à tour de bras. Le climat d’homophobie reste tellement exacerbé dans notre pays que cela reste compliqué de faire passer la valorisation des droits LGBTQI comme quelque chose qui permettrait de se construire une bonne image.

Quelles parentés y a-t-il entre la Pride de Nuit qui a eu lieu hier soir et des initiatives pareilles aux vôtres qui ont notamment eu lieu à TelAviv, Bordeaux ou Washington ? Durant ces manifestations, les formules suivantes ont été mises en avant : « There’s no pride in occupation » à Tel Aviv, « No justice, no pride » à Washington, « A bas la dictature des normaux » à Bordeaux…

Ce sont des actions et des initiatives qui sont complémentaires. On reconnait tou.t.e.s, dans une démarche anticapitaliste, anti raciste, etc., les dangers du rapprochement qui s’opère actuellement entre politiques et communauté LGBTQI.
On participe chacun.e.s à notre manière du même mouvement, en créant une marche alternative qui est véritablement politique et se démarque de mouvements institutionnels.
Il s’agit, au sein d’une marche comme la Marche des fiertés, qui est pinkwashée et commerciale, reprise par des entreprises, de réaffirmer nos valeurs. S’agissant plus particulièrement du lien avec la Pride de Nuit, il est évident que nous défendons les mêmes choses. La distinction se joue au niveau de la manière dont chacun.e se sent le plus efficace et le plus utile. Pour cetain.e.s organisateur.trice.s., sentir que l’on n’a pas sa place au sein d’une marche officielle, ou que celle-ci soit définie à l’avance, est trop pesant, que l’on soit trans, racisé.e.s, etc., ce qui a engendré un gros ras-le-bol.
La marche alternative, comme elle existe à Berlin depuis des années et qui a lieu là-bas le même jour que la Marche des fiertés, est une option qui s’est avérée nécessaire. En ce qui nous concerne, notre envie de perturber la Marche est justement motivée par le fait qu’elle verrouille beaucoup de choses et fait coexister des paradoxes extrêmement problématiques. Il est intéressant et important de venir la réinvestir et la secouer parce qu’il y aussi a un message à porter auprès de gens à l’intérieur. Il y malheureusement une visibilité qu’on n’a pas lorsque l’on est en dehors, ou en tout cas qui n’est pas comparable à celle qu’il est possible d’avoir lorsque l’on est au sein de la Marche.

© Joffrey Speno

Le communiqué accompagnant l’action :

23 juin 2017

Nous, trans, pédés, bi, gouines, intersexes, queers, dénonçons la politique raciste, sexiste, antisociale et LGBTI+-phobe du mouvement « En Marche ! ». La présence d’un cortège « LGBT en Marche » à la Pride est une honte. « En Marche » cautionne les LGBTI-phobies, aggrave le racisme d’État et renforce les violences policières et institutionnelles à l’égard des migrant-es.

Quelles raisons ont au juste les « LGBT en Marche » de manifester leur fierté ?

FiErEs que les forces de l’ordre traquent, affament et assoiffent les migrant-es à Calais comme à Paris depuis l’arrivée de Macron au pouvoir ? FiErEs de transgresser toutes les règles internationales sur le traitement des mineur-es isolé-es, de faire enfermer des enfants ou de les obliger à dormir dans la boue ? FiErEs de cautionner une politique qui ferme les yeux sur les conditions terribles d’accueil et d’accompagnement de nombreu.s.e.s migrantEs.? FiErEs de soutenir les politiques européennes de fermeture des frontières qui chaque année font des milliers de victimes ? FiErEs que le ministre de l’Intérieur laisse des milices françaises organiser des actions terroristes visant à noyer des migrant-es en Méditerranée? FiErEs que Macron plaisante sur les noyades de Comorien-nes fuyant leur pays ? FiErEs d’avoir des ministres et des député-es dont le racisme, le sexisme, la LGBTI-phobie ont été de nombreuses fois illustrées ? FiErEs de promouvoir une politique ultralibérale qui fragilisera encore plus les vies déjà précaires de migrant-es trans, pédés, gouines ?

La Pride célèbre les émeutes de Stonewall, initiées notamment par des trans pauvres qui se sont révoltées contre les violences policières et d’État LGBTI-phobes et racistes. Manifester à la Pride, c’est combattre le racisme, la transphobie, le sexisme, l’homophobie, et toute politique d’État qui rend vulnérable, précarise, divise en semant la haine. En Marche ne combat pas le racisme, il le renforce et déshumanise chaque jour un peu plus les migrant-es. En Marche ne combat pas les LGBTI-phobies, il les cautionne en recyclant des opposant-es aux droits des LGBTI. En Marche ne garantira pas l’égalité, il aggravera les inégalités par une politique ruinant tous les droits.

En Marche n’a donc rien à faire ici !

Cette présence à la Pride est une imposture. Notre fierté est de combattre celles et ceux qui s’approprient nos luttes comme si c’étaient des rentes sur lesquelles ils et elles pourraient capitaliser pour en faire ce que bon leur semble ensuite.

Nous demandons l’ouverture des frontières, la régularisation des sans-papiers, un accueil digne et humain pour les migrant-es, parmi lesquel-les les demandeur-ses d’asile LGBTI, l’arrêt des politiques libérales de précarisation de nos vies, la révocation des lois contre les travailleurSEs du sexe, la fin de l’état d’urgence, le désarmement de la police et la fin des violences policières. Nous continuerons à lutter contre ce « pinkwashing en règle » et refuserons de marchander nos droits et nos luttes ! Pas de fierté sans solidarité avec les migrants-es !