Le colloque international « Objets insignes, objets infâmes de la littérature » se tiendra les 19 et 20 novembre prochains. Organisé par le Celsa et l’université Paul Valéry de Montpellier, il sera centré sur l’objet littéraire et ses dérivés.
Comme l’expliquent les deux organisatrices du colloque, Adeline Wrona et Marie-Eve Thérenty, qui pense aujourd’hui à des objets littéraires dérivés pense immédiatement à ces citations d’auteurs qui ornent mugs, t-shirts et autres stickers. Mais le phénomène est ancien. « Il existe depuis le XVIIIe siècle – La Nouvelle Héloïse de Rousseau et Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre ont été parmi les premières œuvres qui ont engendré des pendules, des lithographies, des bibelots, des assiettes, des tissus – mais il s’est considérablement développé avec le XIXe siècle et l’entrée dans l’ère médiatique. Ainsi, Les Mystères de Paris ont provoqué la floraison de toute une gamme d’objets dérivés plus ou moins périssables : des pains d’épices prenant la forme des personnages, une rose Rigolette, un jeu de l’oie… Plus généralement au XIXe siècle le roman-feuilleton a été appuyé par une expansion de l’affiche, confiée à des artistes de premier plan (Caran d’Ache, Steinlen, Chéret). Ce développement de l’objet s’est fait parfois avec le consentement des auteurs : certains écrivains, comme Jean Cocteau ou Colette ont encouragé voire participé au développement d’objets signés dont ils revendiquaient l’origine ».
Certains auteurs voient leur œuvre exploitée à contre-sens (au Portugal les post-it, tee-shirts et agendas Pessoa ; en France, les biscuits en forme de tête de cochon vendus à la Foire du Trône autour de 1880 reproduisant le portrait de Zola et de son héroïne Nana) ; des jouets dérivent d’œuvres de la littérature jeunesse, explorant des franchises. Il est aussi des musées édifiés autour d’archives d’écrivains et de leur personnalité d’auteurs (le Musée Hugo ; The Sherlock Museum à Londres…), des parcs à thème littéraire (le Parc Astérix à côté de Paris, le Wizarding world of Harry Potter en Floride, le Dickens World en Angleterre ou le Parc du Petit Prince en Alsace).
S’intéresser à ce type d’objets — parfois gadgets, parfois bibliophiles, toujours « objectivation du littéraire » — permet des études transmédiatiques pour évaluer ces pratiques, en dresser l’histoire, en interroger les significations. S’agit-il d’une passion, d’une manière de rendre la littérature plus visible et peut-être plus démocratique ou populaire ? Y a-t-il le risque d’une marchandisation et d’une chosification qui pétrifierait la littérature dans une célébration muséale de son patrimoine ? Tous ces enjeux seront au cœur de ce colloque qui s’annonce absolument passionnant.
Le colloque se tiendra au Celsa, 77, rue de Villiers, 92200 Neuilly-sur-Seine
Métro : Pont de Levallois-Bécon
Comité scientifique : Ruth Amossy (Université de Tel-Aviv), Marc Lits (Université catholique de Louvain), Dominique Maingueneau (Université Paris-Sorbonne), Michel Murat (ENS Paris), Corinne Saminadayar-Perrin (Université Paul Valéry à Montpellier)
Programme
Jeudi 19 novembre
9h30 Mot d’accueil par Karine Berthelot-Guiet, directrice du CELSA
Ouverture par Marie-Ève Thérenty et Adeline Wrona
Objets dérivés.
Présidence de séance : Philippe Hamon (Paris 3)
10 h 00 Caroline Marti de Montéty (Celsa, Paris-Sorbonne, Gripic), « La valeur littéraire, enjeu médiatique et publicitaire »
10 h 30. Denis Saint-Amand (université de Namur), « Rimbaud fétiche »
11 h 45. Christelle Couleau (Université Paris 13) et Oriane Deseilligny (Université Paris 13, Gripic), « Comment se porte la littérature ? Le cas de Balzac Paris »
12 h 15. Audrey Garcia (Université Montpellier 3, RIRRA21), « La constellation des objets Cocteau, objets d’art et produits dérivés au service de l’image du poète »

Objets culturels de masse (1)
Présidence de séance : Denis Ruellan (Celsa, Paris-Sorbonne)
14 h00 Séverine Barthes (Université Sorbonne nouvelle, Paris 3), « Le carnet Moleskine, du littéraire au narratif »
14h30 Valérie Jeanne-Perrier (Celsa, Paris-Sorbonne, Gripic), « Le journal éditeur de livres-cadeaux ou de livres-suppléments : quand la presse collectionne de la littérature »
15h45 Jean Rime (Université Montpellier III, RIRRA21 et Université de Fribourg), « Les déclinaisons du pingouin Alfred : un modèle pour une autre histoire de la bande dessinée ? »
16h15 Yoan Vérilhac (Université de Nîmes, RIRRA21), « « Le jeu, on ne sait, qui confirme la fiction» : Fifty Shades of Grey, de la romance érotique au sex toy »
Vendredi 20 novembre
Objets de mémoire
Présidence de séance : Michel Murat (Paris Sorbonne)
9h30 Marie-Ève Thérenty (Université Montpellier 3, RIRRA21), « Le gilet rouge de la littérature. Le statut symbolique des objets dans l’histoire littéraire »
10 h 00 Yves Jeanneret (Celsa, Gripic), « Spectres, gages et stigmates : l’objectivation de l’engagement littéraire dans l’Entre-deux-guerres »
11h15 Adeline Wrona (Celsa, Paris-Sorbonne, Gripic), « Quand les statues d’écrivain fondent dans l’histoire : un épisode de l’Occupation allemande en France »
11h45 Catherine Soulier (Université Montpellier 3, RIRRA21), « Maïakovski, Rimbaud et Cie. Ernest Pignon-Ernest affiche les poètes »
Objets culturels de masse (2)
Présidence de séance : Dominique Maingueneau (Paris Sorbonne)
14 h00 Marie-Clémence Régnier (Paris-Sorbonne), « Victor Hugo au Musée Grévin : la fabrique du grand écrivain. Du tableau stéréotypé à l’apothéose »
14 h30 Matthieu Letourneux (Université Paris-Ouest), « Jane Austen Action Figures, jouets littéraires, fiction ludique et narration »
15h45 Justine Delassus (Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines),
« Du livre au parc à thème, déperdition ou pérennisation du texte littéraire ? L’exemple du parc du Petit Prince »
16h15. Giuseppina Mecchia (University of Pittsburgh), « Stendhal transmédiatique. Pour une critique des adaptations visuelles des grands romans stendhaliens »
Signalons que les actes du colloque ont depuis (février 2019) fait l’objet d’une publication aux éditions des Archives contemporaines.
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