Alain Finkielkraut : une surdité française

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La moindre réplique littéraire de Monsieur Finkielkraut est son éloge personnel et politique au fascisme français.

1. Alain Finkielkraut, le meilleur d’entre eux, une surdité française

Il y eut dans l’histoire de grands sourds français, à droite un seul à l’origine, à la mesure de toute extrême droite française : Charles Maurras.

Dans l’histoire de l’Académie française il y aura désormais un second grand sourd : Alain Finkielkraut. Ce sera lui notre sourd français à toute la misère du monde, notre sourd de France à la souffrance de l’autre.

Maurras, qui n’était pas la moitié d’un sourd, en appelait au nationalisme total et la France universelle pour chasser le juif de la culture et l’étranger de la pensée :

« Il nous faut propager la culture française non seulement comme française, mais encore comme supérieure en soi à toutes les autres cultures de l’Univers.
Donc, en recommençant l’énumération par la fin :
— préséance de la culture française et de la tradition française ;
— identité de l’humanité et de la France, de la civilisation et de la France, de la cité du monde et de la France ;
— définition de l’héritage français, théorie de la France conçue comme dépositaire et continuatrice de la raison classique, de l’art classique, de la politique classique et de la morale classique, trésors athéniens et romains qui font le cœur, le centre de la civilisation ;
— opposition profonde des théories protestantes et révolutionnaires avec ce legs sacré ;
— caractère hébraïque, anglo-saxon, helvétique de ces théories de liberté, d’égalité et de justice métaphysiques ;
— leur caractère de désordre, d’incohérence et, si l’on va un peu profon­dément, d’absurdité.
Il y aura des difficultés à cet exposé ? Où n’y en a-t-il pas ? »
(Charles Maurras, La Gazette de France, 5 janvier 1903)

Alain Finkielkraut, qui est un peu l’autre moitié du même sourd, invente l’idée qu’il est « politiquement correct » et bêtement « antiraciste » de ne pas reconnaître tous ensemble que « l’Islam est un problème pour la France » et que la culture étrangère est une culture anti-française. Pour l’académicien, les grandes œuvres du passé glorieux de la littérature française lorsqu’elles ne sont pas comprises par les jeunes musulmans intégrés scolairement dans les banlieues françaises démontrent par là à tout Français nationalement bien constitué qu’elles sont des moyens républicains de dressage et de sélection des bonne souches prometteuses de « français d’abord ». Mohammed ne comprend pas, Mohammed n’est pas français. Avec Finkielkraut, en 2017, ce sera donc le PNA pour tous : Patriotisme Nationalement Assimilé, sinon dehors !

A la question maurrassienne : mais tout de même on peut bien parler du problème de l’Islam en France, oui ou non ? Alain Finkielkraut répond en chœur à lui tout seul (sur France Culture et sur France Inter réunis pour l’occasion) : ben oui, Charles.

2. Alain Finkielkraut est contre la philosophie chaque fois qu’une équipe de France gagne contre les arabes ou les étrangers

Il est une catastrophe actuelle, non-naturelle et rendue visible dans la philosophie : Alain Finkielkraut, le philosophe français, a enfin réussi à dire, médiatiquement et publiquement, ce que c’est que le concept qu’il fabrique depuis quelques années et qu’il nomme l’anti-antiracisme. L’anti-antiracisme est le contraire de la philosophie. L’anti-antiracisme est contre la philosophie européenne, celle de Husserl, Sartre, Derrida, Deleuze, Foucault et Alain Badiou. Alain Finkielkraut a maintenant fait ce qu’il faut, il a tué le philosophe en lui.

Puisque, selon l’ex-philosophe et nouveau clerc, les joueurs noirs d’une « équipe de France » (appellation de droite pour « La France ») lui font ressentir une présence anti-française comparable à celle qui sévit parmi les jeunes immigrés des banlieues insurrectionnelles, ils ne sont pas représentatifs de la « civilisation française ». Aussi, pour Finkielkraut, y a-t-il partout des antiracistes qui vont en profiter pour défendre le droit des joueurs et des jeunes en général à être respectés comme prolétaires, comme exploités et comme travailleurs.

L’ex-philosophe en vient ainsi à penser très fort et en public : « Marre de ces jeunes joueurs venus d’ailleurs et sans valeurs qui jouent à la victime expiatoire et qui cassent l’image majoritaire et morale d’une droite à l’œuvre partout dans le pays réel et en pleine phase de reconquête de son image, de son jeu et de sa victoire »; l’ex-philosophe est aujourd’hui sur-médiatisé (accompagné par les nouveaux éditorialistes, les nouveaux réactionnaires de la Réaction, en un mot : les professionnels de la profession médiatique) et il est majoritaire car télévisuel, radiodiffusé et bien-pensant pour tous.

Pour Alain Finkielkraut, les jeunes et les joueurs d’une équipe de France qui ne vaut plus comme France, c’est l’anti-France dans l’idée, l’Islamisme comme guerre et l’ultra-gauchisme comme terrorisme, c’est la meute dressée aux barricades de l’anti-social et de l’antiracisme en actes.

Alain Finkielkraut défait la philosophie de l’intérieur de sa passion extrême et politique pour la réduire violemment et sans mesure à une police intellectuelle des valeurs et des odeurs, du bruit et de la fureur : Alain Finkielkraut est égaré et c’est la philosophie qui se fait obscène. La philosophie devient chez Finkielkraut une course à l’échalote morale et politicienne, elle normalise et met dans le rang le joueur, le jeune et l’immigré en même temps et ensemble. Elle ne fait plus dans le détail de la pensée, elle coupe franc dans le global de la peur et de la haine de l’autre.

C’est un fait, Alain Finkielkraut est un philosophe médiatique et important pour les médias, il permet de tenir ferme le fil de la guerre à la pensée, à la critique moderne du réel : ce philosophe-là permet d’en rajouter aujourd’hui-même sur la peur de l’autre, la phobie du multiple et de la différence, sur la nécessité d’une gouvernance autoritaire et sécuritaire de tous par quelques-uns, sur un retour aux valeurs qui n’ont de valeurs que le nom. Ces non-valeurs ont pour odeur le pire, ce pire que l’idée de démocratie a comme ennemi déclaré depuis 1945 : une nouvelle trahison des clercs.

Alain Finkielkraut est un ex-philosophe qui pense correctement, moralement et politiquement, et qui tue, ce faisant, la correction, la morale et la politique en philosophie : c’est beaucoup pour un seul philosophe français mais c’est ce que la société des gens à informer demande, elle veut comprendre si, elle veut s’en prendre à ceux qui, elle ne veut plus en démordre : les ennemis sont à l’intérieur, sur le terrain, ils sont de mauvais joueurs, et il leur faut des noms et des lieux d’aisance pour s’en débarrasser.

A ce jour, Alain Finkielkraut est aux gens du monde ce que le militaire aime à être aux civils en général, une exception car une arme : les armes à feu que le militaire ici met en jeu et en joue ne sont pas épaulées pour tuer mais elles sont exposées et mises en position pour viser, lister et ameuter des gens afin qu’ils comprennent enfin leur problème : leur problème, c’est l’autre.

Il y a au cœur de la pensée droitisée d’Alain Finkielkraut, le retour d’un refoulé catholique et criminogène, prêt à tout, bon à rien, sinon à en finir avec toute la philosophie et tout l’humanisme.

Coda

Grandgil et Jambier, des répliques françaises

Jambier : Qu’est-ce qu’il y a encore ?

Grandgil : Rien, mais c’est plus lourd que je ne pensais. J’crois qu’il va me falloir 2000 francs de plus.

Jambier : C’est sérieux ?!

Grandgil : Comment, si c’est sérieux !

Jambier : Rien du tout, vous m’entendez, rien du tout !!!

Grandgil : J’veux 2000 francs, nom de Dieu, Jambier, Jambier, 2000 francs !!!

Jambier : Rien du tout !

Grandgil : Jambier, j’veux 2000 francs, Jambier, 45 rue Poliveau !

Jambier : Oui, oui, on l’sait, plus un franc, plus un sou !

Grandgil : JAMBIER ! JAMBIER ! JAMBIER ! JAMBIER !  JAAAMMMMMBIER !!!

Mme Jambier : Et ben, vous êtes pas fou ? On vous entend de partout !

Alain Jugnon

Alain Jugnon est philosophe. Il vient notamment de faire paraître en co-direction avec Dorian Astor le collectif Pourquoi nous sommes nietzschéens (Les Impressions Nouvelles, 2016)