Ils et elles s’appellent Sean, Nathan, Sophie, Thibault, Max, Germain, Eva, Luc, Hélène, Marco, Jérémie, Marcus. Une liste qui pourrait être celle de morts. Ils pourraient l’être si, avec d’autres, ils ne s’engageaient pas à Act Up pour lutter contre l’épidémie du sida qui tue les pédés, les gouines, les toxicos, les prostitué.e.s, dans l’indifférence des pouvoirs publics et d’une très grande partie du reste de la population. Dans la mise en scène de leurs histoires, Robin Campillo s’entoure d’acteurs et actrices brillants qui servent un film d’une épaisseur dramaturgique et formelle bouleversante. Une tâche ardue accompagnée d’une certaine responsabilité dont le résultat suscite et nourrit beaucoup de fantasmes, de l’imaginaire, des colères, des déceptions, des récupérations, du transfert, de l’émotion.
VIH
Ce que le sida m’a fait, d’Elisabeth Lebovici, est très riche d’informations, convoquant un grand nombre de noms, d’événements, d’œuvres qui, d’être ainsi réunis, forment la trame d’une mémoire de l’art, d’une mémoire politique, d’une mémoire personnelle.
Le journaliste et critique de cinéma Didier Roth-bettoni vient de publier aux éditions ErosOnyx Les années sida à l’écran. Un ouvrage pionnier sur la représentation au cinéma, entre 1981 et 1996, des malades et de leur entourage, ouvrage dans lequel l’auteur déploie une filmographie vertigineuse composée de centaines de films souvent très confidentiels ou malheureusement oubliés, ayant eu et continuant à avoir une importance cruciale sur cette question.

Affirmer en 2017 que la télévision française n’a jamais produit de série gay sonne comme le triste et incroyable constat de la frilosité des chaines à aborder le sujet. Des personnages homos abondent dans de nombreuses fictions, mais que l’on tolère tant qu’ils ne sont pas sexualisés et servent d’alibi. L’impératif est limpide : les chaînes veulent faire de l’audience de manière à être financées par les annonceurs et, dans ce but, lissent au maximum ce qui pourrait peut-être heurter le public – un public qui ne correspond à aucune réalité absolue –, nivelant les programmes vers des contenus pouvant être regardés « en famille ». C’est dire la difficulté que les créateurs, qu’ils soient scénaristes, réalisateurs ou producteurs porteurs de projets ambitieux et originaux ont à se défendre et trouver des financements.
Les questions portées par le mouvement LGBT sont étrangement absentes de la campagne électorale autant que des discours médiatiques. En même temps, les thèmes LGBT reviennent en force dans la bouche des opposants à l’égalité des droits, qu’il s’agisse de certains politiques ou de mouvements réactionnaires ayant émergé à la faveur de la légalisation du mariage pour tous.
A un endroit dont je ne me souviens plus, Foucault, en réponse à une question pernicieuse, évoquait les « morceaux d’autobiographie » que l’on pouvait trouver dans son œuvre. Ironiquement, il n’est pas certain que le premier des intellectuels spécifiques ait contrôlé son dernier moment autobiographique : a-t-il su qu’il mourait du sida ?
Baudrillard, dans son pamphlet Oublier Foucault, ricanait sur la viralité de sa pensée, la comparant au virus qui l’a emporté, à son insu. Cette mauvaise manière me semble caractéristique des mauvais usages qui ont été faits du sida. Elle s’inscrit à la croisée d’autres mauvaises manières faites aux homosexuels. Les deux combinés se prolongent aujourd’hui – alors même que les conditions contemporaines du sida comme des homosexuels ont considérablement changé – dans une sorte de pacte mélancolique. Mais avant de m’engager plus loin, je vais livrer, en préambule, un morceau d’autobiographie brute. Il servira de point de départ à mon propos.
Les féministes, en inventant la formule « Mon corps m’appartient », ont exprimé une façon de créer les conditions d’un rapport à soi et aux autres nouveau, mais aussi une nouvelle façon de faire de la politique.
Né en 1974 en Martinique, Louis-Georges Tin préside le CRAN, le Conseil représentatif des associations noires de France dont il est un des cofondateurs en novembre 2005. Normalien, agrégé et docteur ès lettres, il est enseigne à l’université d’Orléans. Il est à l’origine de la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie célébrée le 17 mai depuis 2005. Entretien avec le militant et auteur de nombreux ouvrages sur la discrimination, distingué à plusieurs reprises pour son engagement dans sa lutte contre l’homophobie, le racisme et le colonialisme.
Il est très tôt, je me suis réveillé vers 4 heures, pour écrire. Je suis dans une phase d’écriture, j’ai la tête qui fourmille et mal au dos, ça ne s’arrête jamais, nuit et jour. Ça faisait longtemps que ça n’était pas arrivé, j’ai été sec, aphone, stérile pendant plusieurs semaines.
Dans le tableau intitulé Il n’y aura plus de nouvelles annonciations, Musa reprend la forme d’une croix christique et met en scène des anges dans un jardin. Plusieurs couples d’anges, ou d’anges et humain(e)s, sont en train d’avoir des rapports sexuels. Sur l’axe central vertical est représenté par trois fois un ange agenouillé qui, étant donné le thème de l’Annonciation, évoque l’ange Gabriel mais en train d’enfiler un préservatif sur son sexe en érection selon les instructions d’un mode d’emploi rappelé en toutes lettres : « retirer soigneusement le préservatif de son emballage », « le préservatif doit être placé sur le pénis en érection », etc. Ce tableau se présente comme une tapisserie printanière en même temps qu’une œuvre religieuse, renvoyant à une réalité sexuelle (et médicale, sociologique, etc.) contemporaine ainsi qu’au style de certaines affiches de prévention du VIH que l’on peut voir en Afrique noire. Comme les autres œuvres de Musa, celle-ci construit un télescopage complexe de thèmes, de références, de discours, de procédés, de temporalités.