Vous entrez dans une librairie, le désir comme seule boussole, vous flânez entre les livres, dans la vitre un rayon de soleil, et soudain une main aimante glisse entre vos doigts un petit volume violet. Ça n’a l’air de rien, ce n’est presque rien : c’est délicat comme les choses volatiles, un geste brusque et tout s’envole ; c’est aérien, léger, tendre ; en même temps quelque chose pique le cœur, volutes de mélancolie que la chaleur ne chasse pas tout à fait ; qu’importe puisque c’est intense ; c’est aigu, fiévreux, excessif et retenu à la fois : extrême.

Cécile A. Holdban désirait faire résonner une autre histoire, celle à travers les âges d’une poésie « écrite par des femmes », de Sappho à Christine de Pizan jusqu’à Marceline Desbordes-Valmore. Mais entre le siècle dernier, qui dans la perspective qui était la sienne ne ressemble à aucun autre, et les époques précédentes, elle constata que le chant était trop discontinu, ou que la dimension encyclopédique trahissait des manques qu’il aurait fallu malgré tout justifier. Premières à éclairer la nuit est un portrait épistolaire de quinze femmes poètes, toutes traversées différemment par l’histoire du XXe siècle.

« My Alejandra Pizarnik », le « portrait approximatif d’Alejandra Pizarnik par Liliane Giraudon » qui sert de postface à ce volume, s’ouvre ainsi : « Alejandra Pizarnik c’est-à-dire Flora Alejandra Pizarnik naît le 29 avril 1936 à Buenos Aires sous le signe du Taureau. Alejandra Pizarnik née dans une famille juive très récemment émigrée de Galicie. ‘Par mon sang juif je suis une exilée. Par mon lieu de naissance je suis à peine argentine (le côté argentin est irréel et diffus). Je n’ai pas de patrie…’ » (p. 323).