Adèle Haenel
On vous regarde éructer. On vous regarde suer la panique et la peur.
On vous écoute saturer l’espace médiatique avec le pot-pourri qui vous sert de cerveau. Essayer en vain de conjurer l’apparition qui vous a jetés dans cette détresse.
D’ordinaire, j’aime bien laisser les cuistres végéter dans leur ignorance et patauger dans le pédiluve de leurs idées toutes faites. En temps normal, j’apprécie de ne pas voir relayés les propos des incontinents notoires qui n’ont rien de mieux à faire que de venir se répandre par le truchement de la surface médiatique qu’on leur accorde si généreusement. Mais nous ne sommes pas en temps normal, nous avons dépassé la « normalité » depuis bien longtemps, depuis que l’on prend les essayistes de plateau pour des intellectuels, les polémistes professionnels pour des résistants ou les cons pour une fatalité.
La 45e cérémonie des César a donné à voir la représentation que l’industrie du cinéma français produit d’elle-même et se donne d’elle-même. Cette représentation était pathétique, elle n’était rien. Une longue agonie, une série d’individus sans talents, sans intelligence, des « récompenses » (comme à l’école, comme on récompense un chien qui a été a good boy) de ceci ou de cela mais qui tombent à plat puisque l’on se rend bien compte que ce qui est reconnu sonne creux.
Il faudrait avoir une bien médiocre opinion du cinéma des frères Dardenne pour ne pas trouver leur dernier opus assez décevant. La Fille inconnue n’est certes pas un mauvais film, mais il tient difficilement la comparaison avec les nombreuses pépites de leur riche filmographie. Le synopsis du film s’inscrit bien évidemment dans la veine sociale « dardennienne » : Jeune médecin travaillant dans un dispensaire, Jenny se consacre à ses patients de tout son cœur, mais un soir, fatiguée, énervée, elle refuse d’ouvrir à une jeune fille sonnant à sa porte après l’heure de fermeture. On retrouvera le cadavre de cette jeune inconnue le lendemain. Submergée par la culpabilité, Jenny va enquêter pour mettre un nom sur ce corps.