Vincent Debaene : Repenser l’autre et soi (La Source et le Signe. Anthropologie, littérature et parole indigène)

Malawi, rite d'initiation, 2005 © Steve Evans/WikiCommons

Le sous-titre du livre de Vincent Debaene énonce l’objet de l’étude : les rapports entre Anthropologie, littérature, discours, et le statut d’indigène – statut évidemment pris dans la situation du colonialisme. Le livre analyse ces relations dans le contexte du colonialisme français, en particulier dans certains pays d’Afrique. La réflexion sur ces rapports interroge la façon dont chacun des termes est, dans ce contexte, lié aux autres, est aussi construit par son rapport aux autres.

L’auteur met en évidence des conditions et présupposés de l’anthropologie française (distincte de l’anglo-saxonne), conditions théoriques et institutionnelles, comme il souligne certains présupposés ethnocentrés de l’idée de littérature, de ce qu’est et doit être la littérature. Quant au statut d’indigène, s’il est évident qu’il relève d’une catégorie coloniale et ethnocentrée, Vincent Debaene s’intéresse surtout à la façon dont ce statut a pu être pensé et exploité à l’intérieur du champ de l’anthropologie française, mais aussi aux possibilités émancipatrices liées à ce statut ainsi qu’à son évolution et dépassement.

L’auteur fait apparaître et analyse les stratégies liées à chacun des acteurs de ce contexte et de ces relations – la notion de stratégie pouvant signifier ici un système d’actions et d’idées existant en vue d’un but à l’intérieur d’une situation de pouvoir, les stratégies ainsi comprises n’étant pas nécessairement clairement conscientes, clairement voulues par les individus qui les mettent en place.

Durant la longue période de la colonisation, quelles stratégies sont mises en place par les acteurs du champ anthropologique français pour la production du savoir ? Quelles stratégies sont mises en place par les « indigènes » informateurs sollicités pour la production de ce savoir ? Quelles stratégies peut-on constater de la part de ces derniers pour se déplacer par rapport à ce que l’on attend d’eux, par rapport aux possibilités imposées ?

Ce questionnement prend place dans une réflexion plus générale sur le pouvoir, l’objet le plus général du livre de Vincent Debaene étant le pouvoir, certaines de ses modalités, certaines formes d’émancipation par rapport à ce pouvoir.

Par exemple, sont analysées les stratégies permettant la mainmise sur le symbolique, le monopole de la production du savoir anthropologique, de la production du discours « scientifique » sur les peuples. Ces stratégies ont des conditions matérielles : la domination coloniale avec ce qu’elle implique de violence physique, symbolique, de rapports de domination, de soumission, de destruction, etc. Ces conditions sont psychiques, incluant des subjectivités qui reproduisent les schémas de la subjectivité coloniale avec, du côté du colon, la représentation de soi comme sujet libre, légitime, membre d’un groupe supérieur, etc. ; et du côté du colonisé, la reconnaissance de la supériorité et de la légitimité de la culture colonisatrice, une représentation de soi comme membre d’un peuple inférieur, comme individu devant être formé, etc. Ces conditions sont idéologiques : partage de certains critères de ce qui est culturellement valable, racisme, etc.

Vincent Debaene © Vincent Muller / éditions du Seuil

Si Vincent Debaene évoque l’ensemble de ces conditions, en insistant plus particulièrement sur certaines, il s’attarde sur les conditions institutionnelles ainsi que sur la création de la figure de « l’indigène ».
Pour que le savoir anthropologique puisse s’élaborer, pour qu’il puisse être « scientifique », est mis en place un système de relais et de tutelle reposant lui-même sur l’institution scolaire telle qu’elle a pu exister dans les régions colonisées. Il faut former des individus rendus capables d’accéder à l’authenticité du peuple colonisé, de transmettre cette « vérité » telle quelle – grâce aux « outils » transmis par le « savoir rationnel » européen et plus précisément français – aux anthropologues qui en feront la matière première de leur savoir.

L’anthropologie, dans ce schéma, s’appuie sur une ethnographie dont les conditions impliquent une division des tâches, des fonctions, des statuts, division reposant sur un ensemble de présupposés indissociables de la situation coloniale : hiérarchisation des individus selon leur « race » ; préjugés racistes ; reproduction dans l’institution universitaire, dans les conditions du savoir, des rapports de subordination mis en place par le colonialisme ; etc. C’est à l’intérieur de ce système qu’est créée et qu’existe la figure de « l’indigène », en particulier celle de l’indigène comme « informateur » nécessaire à l’ethnographie.

Cette figure n’est pas qu’une représentation, elle concentre des fonctions précises, des buts pratiques : accéder au peuple étudié par-delà la barrière de la colonisation – et de sa violence – du fait de la familiarité de l’indigène avec celui-ci, familiarité pouvant en même temps être mise à distance du fait de la possession par celui-ci d’outils critiques occidentaux (instruction, formation).

L’indigène est double : membre du peuple colonisé, partageant sa « nature », sa culture, ses limites, et porteur de l’intelligence critique occidentale. Cette nature double de l’indigène permet – sous certaines conditions et selon une forme de surveillance, en tout cas d’encadrement – sa fonction au sein du processus ethnographique tout en l’empêchant d’accéder à la production du savoir anthropologique : il fournit la matière première mais la raison organisatrice demeure le fait d’occidentaux ; le sens est dit par ceux qui appartiennent au groupe colonisateur ; celui qui dit la vérité et est capable de la dire, c’est l’occidental.

On comprend que la participation de l’informateur « indigène » à l’historiographie et à l’ethnographie n’est pas un progrès, un moyen d’accéder à un autre statut que celui du colonisé, un moyen de s’exprimer ou de « libération » : cette participation fait partie de la logique coloniale, ne sort pas du langage ou des institutions de celle-ci. L’anthropologie (française) se bâtit sur la logique coloniale (ce qui ne signifie pas qu’elle s’y réduit) : le savoir, ses conditions, son contenu, sont inséparables d’un pouvoir.

Comme pour un certain nombre d’aspects du livre de Vincent Debaene, on peut, du fait de cet objet d’étude qu’est la relation entre savoir et pouvoir, supposer un lien avec le travail de Michel Foucault. Peut-être qu’une des lignes directrices de ce livre est le rapport au travail de Foucault que l’auteur, sous certains aspects, reprend en le conduisant ailleurs, en lui donnant d’autres objets, en le transformant, c’est-à-dire en créant. Par exemple : problématisation du rapport à l’altérité, à « l’autre » – et donc, également, à soi –, un « autre » construit, constitué (faire une histoire des « marges ») ; problématisation du rapport entre pouvoir et savoir à partir de leurs conditions institutionnelles, épistémologiques, matérielles ; problématisation de l’idée de domination, d’aliénation, et de l’idée d’émancipation, du rapport entre la domination et l’émancipation ; problématisation de la subjectivité, des processus de subjectivation, etc.

La question que pose alors l’auteur complexifie ces analyses : peut-on considérer que la position de l’indigène informateur est réductible à l’idée d’aliénation ? Vincent Debaene montre que si cette position n’est pas celle d’un sujet libre, elle n’est pas non plus exclusivement celle d’une subjectivité aliénée, reproduisant passivement ce qui est attendu, obéissant simplement aux conditions du discours imposées par la stratégie coloniale. Si l’on est encore plus précis, il faudrait dire : considérer que l’indigène informateur est uniquement définissable par l’aliénation, la soumission, la passivité, relève de la logique coloniale, revient à ne pas voir en quoi, dans les interstices, dans les marges du statut et de la fonction de l’indigène informateur résident des possibilités émancipatrices, des « lignes de fuite » par rapport à l’ordre colonial : possibilité de parler et d’écrire de sa culture, de sa logique, du monde qu’elle porte – la culture inférieure, infériorisée, devient pourtant ce dont on parle, ce qui importe, ce qui par ce biais s’introduit dans l’ordre du discours colonial ; possibilité de subvertir les attendus de l’exercice ; possibilité de se penser autrement que comme un individu « inférieur », obéissant, de se penser, même de manière précaire et singulière, comme sujet de l’écriture, du discours. L’émancipation, ici, est moins synonyme de rupture que, là encore, de stratégie, de micro-stratégie, de micro-déplacement et renversement. L’émancipation est pensée comme un processus avec son temps long, sa patience, ses effets locaux, son « feuilletage », sa pluralité.

Le discours colonial comme le discours anticolonial peuvent se croiser si celui-ci ne déplace pas son point de vue pour considérer d’abord les micro-stratégies dont la possibilité est comprise dans l’activité et la fonction de l’indigène informateur, s’il ne perçoit pas les processus de subjectivation qui peuvent y être à l’œuvre, s’il ne transforme pas son concept de « liberté » ou d’« émancipation », s’il n’adopte pas le regard qui convient à une approche micropolitique, etc. Il ne s’agit pas pour l’auteur de donner des leçons mais de mettre en évidence certains problèmes présents dans l’histoire de la pensée anticoloniale, certains obstacles épistémologiques – qui sont aussi des obstacles politiques –, et d’indiquer des possibilités de contournement de ces obstacles, un des buts explicites du livre étant de croiser l’élaboration d’une pensée postcoloniale.

Là encore, on pourrait évoquer l’œuvre de Foucault appelant à repenser le sujet, l’émancipation, la résistance ; à complexifier notre compréhension des rapports entre aliénation et émancipation ; à développer un regard critique sur l’histoire de l’idée d’émancipation et des mouvements de libération ; à privilégier le local, le singulier, le micropolitique (cf., par exemple, La Volonté de savoir).

Il s’agit, par l’analyse de « l’autre », du rapport à « l’autre », de se repenser soi-même, de problématiser les conditions de sa pensée, de sa subjectivité. Et il s’agit de faire de l’histoire – et de la politique, lorsque l’histoire appuie un discours politique – autrement, d’écrire l’histoire moins à partir d’un point de vue global ou globalisant qu’à partir des interstices, des failles, des micro-événements, des lignes de fuite les plus fines, des processus de subjectivation les plus singuliers, les moins aperçus.

On retrouve ces problématisations et renversements à l’occasion des analyses que Vincent Debaene consacre principalement à trois auteurs « colonisés » ayant rédigé non plus simplement des « informations » sur commande mais des œuvres qui prétendent entrer dans le champ de ce que l’on appelle la littérature : Paul Hazoumé (Doguicimi) ; Fily Dabo Sissoko (Crayons et portraits) ; Jean-Joseph Rabearivelo. Que signifie, pour ces individus colonisés, d’écrire dans un contexte colonial ?

On pourrait comprendre leur choix de devenir auteurs, et non pas simplement rédacteurs, de prendre place dans un champ qui ne leur est pas destiné par la logique coloniale, de construire eux-mêmes leur rapport à l’écriture, au savoir – passer de la passivité au sujet, de l’objet du discours au sujet du discours, etc. –, comme un progrès dans la résistance à l’ordre colonial et dans le processus d’émancipation. Or, Vincent Debaene montre que les choses ne sont pas aussi évidentes.

Tout d’abord parce que certaines de ces œuvres ne rompent pas avec le discours colonial mais le reproduisent, lui font en quelque sorte allégeance au lieu de le dénoncer. Ensuite, parce que ces œuvres reprennent les normes, formes, l’histoire de la littérature occidentale, en l’occurrence française, celles transmises dans les écoles par le pouvoir colonial : s’il s’agit de parler de soi, il s’agit de le faire à partir d’un ordre du discours imposé par l’autre, en tant que subjectivité produite par la logique coloniale. Enfin, parce que ces œuvres ne seraient pas réellement de la littérature mais la seule application de ces normes et formes reproduites de façon anachronique, décalée par rapport à ce que serait l’histoire de la littérature, ses inventions, son écart contemporain par rapport à ces normes et formes. Ces auteur ne seraient pas réellement des écrivains mais des bons élèves, les produits passifs du colonialisme.

Vincent Debaene ne nie pas le bien-fondé de ces jugements mais il se demande s’ils sont suffisants pour réellement lire ces auteurs. Par ses analyses, il montre la complexité de ces œuvres, le fait que l’on peut là encore y percevoir des micro-stratégies subversives, des formes de critique et d’émancipation – la possibilité d’une place pour un sujet de l’écriture, du discours, de l’histoire.

Ces œuvres sont ambivalentes et cette ambivalence ne peut être perçue que si on les lit à partir du micro-contexte dans lequel elles voient le jour : non pas simplement les situer à l’intérieur du contexte global de la colonisation – dont elles sont évidemment indissociables –, mais faire l’effort de les aborder à partir du contexte singulier de chaque auteur, de son rapport au colonialisme mais aussi de son rapport au groupe dans lequel il existe, des stratégies possibles à l’intérieur de ce groupe, à l’intérieur de sa culture, etc.

Autrement dit, l’opposition globale entre un rapport passif au colonialisme et le renversement tout aussi global de ce rapport ne suffit pas à penser les stratégies émancipatrices puisque celles-ci peuvent aussi concerner – toujours à l’intérieur d’un contexte colonial – le rapport à autre chose qu’au seul groupe des colons.

Et Vincent Debaene peut également montrer en quoi ces œuvres fidèles à la culture littéraire occidentale apprise – imposée – dans les écoles peuvent en même temps reprendre et remodeler celle-ci à partir de réalités, normes ou valeurs locales, participant ainsi à une forme de valorisation de sa propre culture et réalité, voire de « créolisation », plutôt qu’à une pure et simple reproduction.

Le second moment de la réponse à la question : Comment lire ces auteurs aujourd’hui ?, problématise la notion de littérature et la façon dont celle-ci est liée à des présupposés, des préjugés, concernant l’histoire. Juger que ces œuvres à prétention littéraire ne sont pas de la « vraie » littérature relèverait d’un point de vue ethnocentré sur la littérature, sur une certaine image du « progrès » dans le champ littéraire, sur les normes et valeurs à partir desquelles penser le « vrai » au sujet de la littérature.

De fait, ce qui apparaît dans les jugements négatifs concernant les œuvres de ces auteurs, est que la littérature est pensée à partir de la littérature occidentale, à partir des périodes de la littérature occidentale, à partir de l’évolution de la littérature occidentale : les autres valeurs, les autres périodicités, les autres rapports à la « tradition », les autres évolutions sont dévalués, infériorisés, invisibilisés. Dans ce contexte, la littérature est la littérature occidentale, les autres façons de penser et de créer de la littérature ont à se conformer à ce point de vue sous peine de ne pas être considérées. Notre idée de la littérature n’est-elle pas encore aujourd’hui entachée d’une logique coloniale, en tout cas d’un ethnocentrisme problématique ?

Le problème ici concerne la façon dont sont pensées l’histoire, l’histoire de la littérature, la littérature elle-même : une histoire globalisante et homogénéisante à partir de critères ethnocentrés ; un concept de littérature et d’œuvre littéraire ethnocentré, répétant certaines caractéristiques du colonialisme alors que la création littéraire peut être pensée comme subversive, critique des normes et valeurs de l’histoire littéraire mais aussi de certaines idéologies politiques comme, justement, le colonialisme ; etc.

La critique menée par Vincent Debaene ne revient pas à vouloir déshistoriciser la littérature mais implique la nécessité de repenser le rapport de celle-ci à son histoire autant que l’idée de littérature elle-même ; comme elle implique la nécessité de repenser l’histoire et notre façon de faire de l’histoire. De fait, dans le livre, si l’auteur aborde aussi les œuvres des trois auteurs cités à partir d’un point de vue historique, il s’efforce de ne pas reproduire les conditions d’une histoire calquée sur des critères purement occidentaux ni celles d’une histoire globalisante et homogénéisante. Là encore, sont valorisés le local, le « micro », le discontinu, la variation singulière.

Il s’agit là de moyens nécessaires pour aborder « l’autre », pour être en relation avec « l’autre », pour être sensible à l’étrangeté de « l’autre », sans l’écraser, l’effacer ; comme il s’agit de moyens pour se repenser soi-même ; c’est-à-dire pour s’efforcer de contourner des relations de pouvoir établies là où pourtant, peut-être, on ne soupçonnerait pas leur présence ni leur efficience.

Dans ce travail de Vincent Debaene est reconnue une place singulière à Léopold Sédar Senghor dans la mesure où celui-ci opère deux gestes qui paraissent inverser les rapports établis entre les auteurs colonisés écrivant dans le contexte de la colonisation et la culture de la puissance colonisatrice : poser que le rapport à la culture coloniale revient non pas à s’assimiler à celle-ci mais à l’assimiler à sa culture ; poser que la façon « imparfaite », « maladroite », dont les auteurs colonisés écrivent en français est d’abord l’expression de ce qu’est l’écriture poétique elle-même – « l’imperfection » de la langue est affirmée comme « perfection » poétique, comme adéquation à la vérité de l’idée de poésie. L’auteur retrace le parcours de Senghor, son évolution théorique et esthétique, et il analyse de manière détaillée la façon dont l’œuvre de celui-ci est irriguée par ce double geste à la fois critique, politique et esthétique porteur, peut-être, d’une forme plus étendue d’émancipation.

Il est seulement possible ici d’évoquer de manière très générale quelques-unes des grandes lignes de ce livre de Vincent Debaene particulièrement riche, tissé d’analyses plurielles et fines, porteur de propositions et d’implications singulières et fécondes.

De fait, on l’a vu, les analyses menées par l’auteur résonnent à l’intérieur de champs et selon des dimensions plurielles, défaisant des évidences, apportant de nouvelles clartés, problématisant certaines de nos idées, certains de nos points de vue dans les domaines de la littérature, de l’anthropologie, de l’ethnologie, de l’histoire, du politique, de l’esthétique, de l’histoire littéraire, de la philosophie, des sciences sociales, etc.

La richesse de ce livre réside aussi dans le fait que les pistes proposées et les problématisations appellent un travail, des travaux creusant et développant ce qui est ici indiqué ou impliqué : de nouveaux objets, de nouvelles façons de faire, de penser dans tel domaine, de nouveaux principes épistémologiques, etc. Ce sont ces travaux dans lesquels Vincent Debaene est lui-même engagé puisque ce volume est le premier moment d’une histoire critique qui se prolongera dans au moins un livre suivant, à paraître.

Enfin, on peut comprendre ce qui serait sans doute certains des enjeux généraux de ce livre et qui pourraient le relier à nouveau à l’œuvre de Foucault (mais aussi à Lévi-Strauss) : s’efforcer de penser autrement, s’efforcer de se déprendre de soi – la littérature, l’anthropologie, l’épistémologie, l’histoire, le politique, le rapport à « l’autre » étant des moyens et des lieux privilégiés de cet effort.

Vincent Debaene, La Source et le Signe. Anthropologie, littérature et parole indigène, Seuil,  » La Librairie du XXIe siècle», avril 2025, 432 p., 25 €