La silhouette frêle à la chevelure rousse ardente de Nan Goldin déambule nerveusement dans le hall du Guggenheim de New York. À son bras, une militante de son collectif, PAIN (Prescription Addiction Intervention Now), la rassure et lui donne le tempo. Une pluie de prescriptions d’OxyContin se déverse soudain depuis les étages circulaires ; des banderoles rouge sang se déploient et les cris de protestations, contagieux, résonnent dans la spirale monumentale du musée. Nan Goldin lève les yeux en scandant le slogan que les militants reprennent à l’unisson. Au cœur de ce cyclone de papiers et de lutte, fascinant, se niche l’émotion instantanée, presque photographique, d’une action déjà réussie : la performance politique fait comme effraction dans un temple autoproclamé de l’art, et soutient le combat de l’artiste et des gens qui se sont agglomérés autour d’elle depuis cinq ans au sein de son association.
Pierre Mathieu
Si dans la grande tradition du cinéma social anglais, Be Happy explore l’existence d’une jeune citadine de la middle class britannique du début des années 2000, cette convention réaliste a ceci de singulier qu’elle est vite détournée du simple portrait de classe au profit d’une fable burlesque où le personnage de Poppy prend valeur de métaphore éclatante. Sorti en 2008, le film de Mike Leigh confronte le spectateur aux contradictions d’une société qui, tout en plaçant l’épanouissement personnel au cœur des aspirations individuelles, est prise de malaise quand un sourire vient à ne plus quitter un visage.
C’est en 2019 sur HBO, que Damon Lindelof décide de revisiter en neuf épisodes l’univers complexe de Watchmen, roman graphique à succès d’Alan Moore, Dave Gibbons et John Iggins paru au milieu des années 80. Cette adaptation télévisée suit la proposition tonitruante et peu subtile de Zack Snyder sur grand écran en 2009 (Watchmen : les gardiens), et réinvente, grâce au regard introspectif et labyrinthique du showrunner de Lost (ABC, 2014-2010) et surtout de The Leftovers (HBO, 2014-2017), les enjeux de cet univers fictionnel. Watchmen de Lindelof explore la force des dénis qui nous habitent quant au racisme et à son histoire, en plaçant son récit, et son propos, dans une réalité alternative de l’Amérique contemporaine.