« Vous vous réveillez un matin, vous êtes noire ». La phrase d’incipit des Idées noires, deuxième roman de Laure Gouraige s’offre aussi en quatrième de couverture du livre, dans la sobre évidence que cultivent les éditions P.O.L : une voix est là, concentrée en une phrase qui est pourtant tout sauf une formule — contrairement à tant de blurbs et autres effets d’annonce aussi clinquants que creux. « Vous vous réveillez un matin, vous êtes noire » : tout est dit, rien pourtant d’une métamorphose aussi abrupte qu’absurde ou plutôt relevant d’une logique folle qui décale à peine pour agir comme un imparable révélateur photographique — l’une des définitions potentielles de la fiction, quand un livre n’est pas un sujet mais une manière.
Les Idées noires
Aucun doute possible : avec Les Idées noires, Laure Gouraige signe un des romans les plus remarquables de cette rentrée. Roman intersectionnel ? Récit à la croisée d’un questionnement sur la race et le social, Les Idées noires présente une narratrice en quête de ses origines à la faveur d’un coup de fil d’une journaliste qui, un jour, lui demande de témoigner du racisme anti-noir dont elle est victime. Du jour au lendemain, la jeune femme, d’origine haïtienne, prend conscience qu’en dépit de sa condition privilégiée, elle est noire. Avec une rare force, prolongeant les interrogations identitaires de son formidable premier roman, La Fille du père, Laure Gouraige donne ici un des grands romans de notre temps, celui de « Black Lives Matter » : autant de raisons pour Diacritik d’aller à la rencontre de la romancière le temps d’un grand entretien.