C’est l’intelligence d’une époque qui, progressivement, nous quitte : ce fut d’abord, de trop loin, Barthes puis ce fut Jean Rousset, ensuite Eco, ensuite Doubrovsky, bientôt Genette et à quelques jours de distance maintenant, Jean Starobinski et Jean-Pierre Richard. Cette intelligence d’une époque, c’est avant tout et surtout l’intelligible d’un temps qui a su trouver de la parole critique son destin sensible, celui d’accompagner le présent.
Christophe Pradeau
Après la littérature. Écrire le contemporain, signé Johan Faerber, paraît demain. Il est difficile de qualifier ce texte : essai ? roman critique d’un contemporain que d’aucuns se complaisent à nier ou à masquer ?
Sans doute notre contemporain est-il taraudé, secrètement, soudainement, par l’idée, impossible mais toujours vive, d’un contre-livre, d’un Livre nu et comme noir qui aurait compris dans l’envers négatif et comme néantisé de toute Littérature, qu’écrire, ce serait désormais écrire après tous les livres, bien après les bibliothèques, quand la dernière page du dernier livre a été tournée depuis longtemps et que tous les livres sont à présent refermés et rangés, irrémédiablement.
Écrire, ce serait désormais savoir se souvenir, ému, de la littérature. Ce serait savoir se souvenir, indéfiniment, avec pénitence, porté par une impuissance ivre d’elle-même, de ce qu’elle a pu être, du monde qu’elle a mené, des hommes qu’elle a traversé et de toutes les paroles qu’avec elle et après elle, elle aura su emporter jusqu’au dernier souffle.