Un paradis en enfer : l’essai de Rebecca Solnit est de ces livres dont l’actualité ne se dément pas. Publié d’abord en 2009, révisé en 2020, le livre vient de paraître dans une traduction française d’Hélène Cohen. Si, depuis 2009, les catastrophes environnementales, les attentats, les guerres semblent s’être intensifiés, la ligne de force de l’essai n’a, elle, pas bougé : la lucidité est une résistance et ces catastrophes sont aussi des moments où se manifestent le plus intensément solidarité et entraide, des décisions citoyennes qui peuvent être le creuset de nouvelles manières d’habiter le monde et penser notre rapport aux autres.

Dans La mère de toutes les questions, Rebecca Solnit propose une « Brève histoire du silence », introduite par une citation d’Audre Lorde : « ce que j’ai le plus regretté, c’étaient les silences… et il y a tant de silences à briser ». Certains sont dits d’or, d’autres sont des « océans » de non-dits et refoulés, des archipels d’invisibilisation et d’inexistence… Ce sont ceux que brise l’ensemble de l’œuvre de l’intellectuelle américaine, comme dans son dernier livre, Souvenirs de mon inexistence qui vient de paraître dans une traduction de Céline Leroy aux éditions de l’Olivier, livre  d’un refus de ces étouffements et systèmes d’oppression si efficaces qu’on ne les perçoit pas ou plus. Rebecca Solnit puise dans sa propre existence pour en démonter les mécanismes, chez elle l’autobiographie est une arme de guerre.