Avec Le Contrat, Ella Balaert signe un roman polyphonique qui nous fait suivre le destin de plusieurs personnages inquiets d’eux-mêmes, plongés dans un monde où ils peinent à trouver leur place, comme Jeanne, une professeure d’allemand au lycée, écrivaine en panne et dépressive, Christophe Lambert, jeune homme ambitieux à qui son ami Pierre Camus, romancier à succès, a confié son dernier manuscrit avant de mourir dans un accident de voiture, et Marie-Madeleine, une vieille femme impotente qui vit recluse dans son appartement. Grâce à une écriture attentive à cerner l’intimité des êtres et les mouvements imperceptibles de leur conscience, tout l’art d’Ella Balaert consiste à tresser ces fils de manière vertigineuse.
éditions des Femmes
Née à Tunis en 1945 où elle réside toujours, Emna Belhaj Yahia a déjà derrière elle un parcours d’écriture exigeant.
Pour Silvina Ocampo (Buenos Aires, 1903-1993), l’acte d’écriture allait au-delà de la publication elle-même. Elle se livrait en effet à une écriture secrète, car elle cherchait à demeurer dans l’ombre, loin des obligations sociales que le milieu aisé dont elle était issue lui imposait. Dans son livre posthume Sentinelles de la nuit, nous découvrons cet univers nocturne, où les différentes formes fragmentaires explorées sont autant de tentatives – volontairement ratées – d’un autoportrait.
« Soy íntima », ainsi se définissait l’écrivain argentin Silvina Ocampo (1903-1994). Car à la différence de sa célèbre sœur Victoria Ocampo, fondatrice de la revue Sur, et de son mari l’écrivain Adolfo Bioy Casares, elle préférait rester dans l’ombre, loin des obligations et des compromis que sa position au sein d’une famille riche et cultivée supposait. Comme s’il s’agissait d’une manière de préserver sa liberté, afin de créer son univers unique et complexe, obscur et lumineux à la fois. Ce qui explique sans doute la place marginale qu’elle a occupée pendant longtemps dans la littérature argentine.
Quand la douleur est là, comment lutter ? Fermer les yeux, s’absenter n’y suffit pas, l’exergue de Paul Eluard en instruit d’emblée le lecteur. « Ses yeux ont tout un ciel de larmes/ Ni ses paupières ni ses mains/Ne sont une nuit suffisante/Pour que sa douleur s’y cache . » Reste au contraire à ouvrir les yeux, apprendre à lire le monde pour en décoder les signes, bons ou hostiles, et compter sur les papillons pour emporter sur leurs ailes, telle Psyché, l’âme délivrée du mal.