On aurait pu penser la vogue des vies imaginaires dépassée, l’exofiction tarie après une grosse décennie commerciale épuisant le genre. À lire les romans de la rentrée littéraire 2021, on en est loin : du portrait rapproché de Lucette Destouches aux vies de Chevrolet, le choix demeure large dans les rayons des libraires. Si cette production ne brille généralement pas par sa singularité et ne dépasse pas la portée littéraire d’une fiche Wiki, quelques romans font exception. Parmi eux, Le Temps de Tycho signé Nicolas Cavaillès qui paraît chez Corti.
Nicolas Cavaillès
« Nous ignorons pourquoi les baleines et autres cétacés effectuent parfois ces sauts stupéfiants au-dessus des mers et des océans, mais les hypothèses ne manquent pas, elles se renforcent même du seul fait que la question n’a pas été tranchée. On dit qu’elles bondissent dans les airs pour déglutir, se débarrasser de leurs parasites, communiquer, séduire en vue d’un accouplement, pêcher en gobant, chasser en catapultant, fuir des prédateurs sous-marins comme l’espadon ou le requin, s’étirer, s’amuser, en imposer, ponctuer un message, une attitude. Aucune de ces explications ne convainc : fâcheusement partielles ou intolérablement saugrenues, toutes ont été contestées. Comme c’est le cas face aux grandes interrogations métaphysiques, elles semblent toutes buter contre l’étroitesse du cerveau et de l’imagination qui les échafaudent. La question serait-elle insoluble ? »