C’est un beau et fort recueil poétique que Virginie Poitrasson nous donne en ce printemps 2023 avec Tantôt, tantôt, tantôt qui paraît chez « Fiction & Cie » au Seuil. S’inspirant notamment d’une réflexion de Deleuze sur la ritournelle, Poitrasson offre une saisie sensible et réflexive à la peur, l’effroi comme scène primitive de nos vies. Mais ces angoisses, qu’elles soient ponctuelles ou structurelles, trouvent dans leur poème leur issue de peurs : la parole y sert de conjuration ultime. Recueil neuf, au plus près d’un rendu sensoriel du monde, Tantôt, tantôt, tantôt fascine par sa détermination à sortir de la terreur qui tenaille le sujet. Autant de pistes que Diacritik ne pouvait que sonder en compagnie de Virginie Poitrasson le temps d’un grand entretien.

Le livre de Virginie Poitrasson pourrait être lu comme une sorte de phénoménologie bizarre. Sous le corps propre, sous le corps phénoménal, il s’agirait de faire advenir un autre corps délirant qui ne serait pas celui de la folie psychiatrisée mais celui par lequel le corps se désagrège, se multiplie, bifurque constamment, devient le monde autant que le monde devient le corps. Ce corps est celui de la sensation, du souvenir, comme il est celui du rêve, ou celui de l’écriture, le corps tel qu’il advient par l’écriture.