Diacritik publie il suffit de traverser la mer, un feuilleton composé par la poétesse Catherine Weinzaepflen.
A
2 c. de sucre déposé
au fond du petit verre
+ 3 feuilles de menthe
et le thé chaud versé dessus
l’Algérienne repère au sol
une ligne mouvante
frémissante
elle observe
les allers-retours des fourmis
entre un scarabée mort
et un trou dans le mur
elle se prend
à imaginer
les fondements de la maison
minés par des galeries d’insectes
fourmis ne sont pas termites
décrète Théodore
on va les saouler de citronnelle
quand même quelle force !
comment déplacent-elles
un scarabée
qui serait pour nous
comme un éléphant
toutes ces activités
qui se passent sans
qu’on n’en sache rien
sans même qu’on y pense
et si elle retournait dans son pays d’origine,
maintenant que la mère est morte ?
je ne sais pas ce que l’Algérienne concocte
quant à la blonde risque-t-elle de s’enliser
dans ses remémorations ?
B
dans l’un de ses rêves
elle mangeait du rôti de porc
avec chou rouge
pathétique se dit la blonde
au réveil
que de se languir ainsi
de la cuisine de sa mère
allons le chien
dîner chez Félicité
sur la plage
le restaurant de l’ex chanteuse
quatre tables pliables
recouvertes de toile cirée
motif hibiscus rouges
ici le thiof aux anchois
est bien plus raffiné
que le porc /chou rouge
de son enfance
alors basta
ces parasites mémoriels
un ciel de nuit
s’épand sur la mer calme
trois amis de Félicité
assis au bar
entament une chanson
suave
le présent oui le présent
se dit la blonde