Catherine Weinzaepflen : il suffit de traverser la mer (feuilleton/21)

©Marwa Siddig Aljally Altaueb/WikiCommons

Diacritik publie il suffit de traverser la mer, un feuilleton composé par la poétesse Catherine Weinzaepflen.

 

A

2 c. de sucre déposé

au fond du petit verre

+ 3 feuilles de menthe

et le thé chaud versé dessus

 

l’Algérienne repère au sol

une ligne mouvante

frémissante

elle observe

les allers-retours des fourmis

entre un scarabée mort

et un trou dans le mur

 

elle se prend

à imaginer

les fondements de la maison

minés par des galeries d’insectes

 

fourmis ne sont pas termites

décrète Théodore

on va les saouler de citronnelle

 

quand même quelle force !

comment déplacent-elles

un scarabée

qui serait pour nous

comme un éléphant

 

toutes ces activités

qui se passent sans

qu’on n’en sache rien

sans même qu’on y pense

 

et si elle retournait dans son pays d’origine,

maintenant que la mère est morte ?

je ne sais pas ce que l’Algérienne concocte

quant à la blonde risque-t-elle de s’enliser

dans ses remémorations ?

 

B

dans l’un de ses rêves

elle mangeait du rôti de porc

avec chou rouge

pathétique se dit la blonde

au réveil

que de se languir ainsi

de la cuisine de sa mère

 

allons le chien

dîner chez Félicité

 

sur la plage

le restaurant de l’ex chanteuse

quatre tables pliables

recouvertes de toile cirée

motif hibiscus rouges

 

ici le thiof aux anchois

est bien plus raffiné

que le porc /chou rouge

de son enfance

alors basta

ces parasites mémoriels

 

un ciel de nuit

s’épand sur la mer calme

trois amis de Félicité

assis au bar

entament une chanson

suave

le présent oui le présent

se dit la blonde