Marc Kopylov (1955 – 2025)

Marc Kopylov - crédit : Page facebook de Bibliothèque Mazarine

Le samedi matin, quand d’autres dorment, et quand bien même n’avait-il pas dormi, Marc Kopylov filait sur son scooter un peu déglingué vers les puces de Vanves pour y dénicher un livre, un auteur.

Un type filant dans le matin pour aller à la rencontre d’un bouquin : ils sont de moins en moins à faire cela sur terre. Et tous les jours furent des samedis pour Marc Kopylov qui aimait tant les livres et les auteurs, qui aimait le sabbat du monde pour pouvoir lire, travailler, travailler à lire, qui se disait paresseux alors qu’il était un lecteur perpétuel, alors qu’il exerçait inlassablement son œil à la recherche des caractères Garamond, des papiers dominotés ou des fragments de Robert Desnos.

À ceux-là, il aura consacré des ouvrages inoubliables que les bibliophiles et les rêveurs, qui sont parfois les mêmes, cherchent souvent puis conservent toujours avec une avidité un peu jalouse, celle de ceux qui savent.

Fondées en 1984 rue des Cendriers, où elles demeurent toujours, les éditions des Cendres abritent un catalogue exigeant et splendide, splendide par son exigence. En quarante ans, avec son épouse Christiane, qui est l’autre grande vestale des éditions, Marc Kopylov aura publié Ghérasim Luca, André Jammes, Robert Pinget, Stanislas Rodanski ou Jérôme Peignot, les écrits implacables de son grand ami Claude Rutault, les actes du colloque Daniel Arasse avec l’INHA (2006), la bibliographie exhaustive des Éditions de Minuit et, la même année, un traité de la cuisine russe (2010), une folle archéologie avec la Bibliothèque Mazarine (De l’argile au nuage, 2015), un texte de Maryline Desbiolles, devenu livret d’oratorio (Le Front de l’aube, 2017), les Membres fantômes (2022) de Pauline Mari, couronnés du prix Larbaud, la mémoire vive d’André Schlesser, dans ce nord-ouest de Paris qui était aussi le sien (Petit chien san ficelle, 2024) et, enfin, un livre, par l’auteur de ses lignes, consacré à la voix orphique d’Hélène Cixous (Parlure, 2025).

Marc Kopylov aimait aller le matin vers les livres et le soir vers les amis, avec lesquels il pouvait parler, manger, rire et boire, défendre la littérature et la peinture avec sa voix légère, un peu nasillarde, mélangée de notes alsaciennes et russes, celles de son enfance, et de sa famille.

Il aimait la discrétion et l’élégance. Le raffinement.

Il aimait les lettres minuscules, que ça ne frime pas, que la littérature se fasse sans le clairon, se passe sous le manteau, que son petit-fils aime tant les livres, que la vie n’en finisse pas, que sa mélancolie puisse se dédommager en poésie.

Ses derniers jours, Marc Kopylov, à peine soixante-dix ans, les passa avec la maladie. Pas contre, avec. Il fit avec elle. Noblement. Maigrement. Il y avait peut-être, sous ses paupières qui ne se fermaient plus, des phrases à nous invisibles. Peut-être celles de Valéry Larbaud, sa passion absolue.

Quelques heures avant sa mort, survenue le 14 décembre, son épouse Christiane lui lisait à voix haute les vers de leur ami Yves Bonnefoy – Ensemble encore.

Au grand autodafé de la littérature mondiale, il restera ces cendres.