
« Ce n’est pas dans une île de la Sonde,
ni dans une contrée du Pacifique que ces événements ont eu lieu,
c’est sur notre terre, celle de l’Europe » Marguerite Duras
Des mots de Duras, de sa douleur à attendre Robert Antelme, envahissent, dès le commencement, le film d’Emmanuel Finkiel. On est au plus près du souffle de la jeune Marguerite filmée en gros plan et portée à l’écran par une Mélanie Thierry très inspirée et dont on croit pouvoir toucher le grain de peau si fin, de peau de rose. C’est tout de suite comme ça La Douleur au cinéma, une œuvre qui ausculte, qui palpe, une œuvre qui souffre de voir souffrir, une œuvre où les visages et les corps sont montrés ressentir au plus profond la gravité de la Shoah et ne peuvent s’accorder ne serait-ce qu’un sourire. Une œuvre qui, comme le texte de Duras, essaie de retrouver ce fossé noir dans lequel l’écrivain s’imagine, obsédée, voir Antelme allongé, en fin de vie. Le réalisateur dit avoir été bouleversé par la lecture du texte de Duras lorsqu’il était âgé de 19 ans. Son père avait perdu ses parents et son frère à Auschwitz, partant, il connaît cette douleur pour l’avoir perçue de très près. Et il veut sans doute qu’avec son film, le spectateur saisisse cette immense blessure infligée à l’humanité : la déportation, les camps. Une blessure qui ne regarde pas seulement les déportés mais tous ceux qui sont restés chez eux dans l’espoir angoissant d’un, le plus souvent, improbable retour.