On pourrait dire que Sic, d’Antoine Dufeu, est une fiction qui se développe à partir de ce que Saussure et Benveniste ont écrit sur le langage et le signe linguistique : l’arbitraire du rapport entre le signifiant et le signifié, entre le signe et le référent. Dire que le rapport est arbitraire signifie qu’il pourrait ne pas être, être autre de manière tout aussi arbitraire. Le livre s’engouffre dans cet arbitraire et développe une écriture par laquelle le signe et le référent, le langage et la chose renvoient l’un à l’autre non selon une adéquation fixe et assurée, mais selon des rapports variables, divergents et mobiles, l’un glissant sur l’autre sans le recouvrir, comme deux séries convergentes et divergentes.
signe
Dans le tableau intitulé Il n’y aura plus de nouvelles annonciations, Musa reprend la forme d’une croix christique et met en scène des anges dans un jardin. Plusieurs couples d’anges, ou d’anges et humain(e)s, sont en train d’avoir des rapports sexuels. Sur l’axe central vertical est représenté par trois fois un ange agenouillé qui, étant donné le thème de l’Annonciation, évoque l’ange Gabriel mais en train d’enfiler un préservatif sur son sexe en érection selon les instructions d’un mode d’emploi rappelé en toutes lettres : « retirer soigneusement le préservatif de son emballage », « le préservatif doit être placé sur le pénis en érection », etc. Ce tableau se présente comme une tapisserie printanière en même temps qu’une œuvre religieuse, renvoyant à une réalité sexuelle (et médicale, sociologique, etc.) contemporaine ainsi qu’au style de certaines affiches de prévention du VIH que l’on peut voir en Afrique noire. Comme les autres œuvres de Musa, celle-ci construit un télescopage complexe de thèmes, de références, de discours, de procédés, de temporalités.