A 77 ans, le 14 octobre dernier, à l’hôpital de Sévaré, dans la région de Mopti au Mali, l’écrivain Yambo Ouologuem est mort, laissant derrière lui – malgré lui ? –, un des romans phares de la littérature africaine, tous pays confondus, Le Devoir de violence. Né le 22 août 1940 à Bandiagara (pays Dogon), il fut lauréat du prix Renaudot en 1968, l’année de la parution du roman. Acclamé par la critique, il fut, quelque temps après, vilipendé pour cause de plagiat. L’écrivain publiait, coup sur coup en 1969, deux autres ouvrages : l’un sous son nom, Lettre à la France nègre et l’autre sous le pseudonyme de Utto Rodolp, Les Mille et une bibles du sexe. Si ces deux ouvrages sont à consulter, il ne fait pas de doute que ce qui fait la pérennité de son œuvre et la célébrité attachée à son nom est bien son roman : le jury ne s’était pas trompé en lui octroyant le prix Renaudot qu’il était le premier Africain à recevoir !

La littérature du réel a le vent en poupe, comme la narrative non-fiction, en témoigne la parution en poche aujourd’hui, chez Points, du Motel du voyeur, signé par l’un des papes américains du genre, Gay Talese, considéré comme le fondateur du Nouveau Journalisme, avec des livres comme Sinatra a un rhume ou Ton père honoreras.
Le Motel du voyeur, couronné par le Prix Sade lors de sa parution en grand format (2016) aux éditions du Sous Sol, est sans doute l’entreprise limite du genre, interrogeant l’éthique et la moralité journalistiques, au point d’avoir provoqué un scandale aux États-Unis, une forme de couronnement paradoxal pour l’auteur de 84 ans.

Palme d’or surprise du dernier festival de Cannes,  The Square aura donc suscité la controverse, ce qui est le propre d’une Palme d’or : audacieux pour les uns, caricaturales pour d’autres, le film de Ruben Östlund, déjà réalisateur du très prometteur Snow Therapy divisait la critique. La polémique est naturelle, on peut penser qu’elle ne déplaît pas au réalisateur qui fait montre d’un véritable goût pour la provocation. Cependant, au-delà des critiques, forcément subjectives et pour la plupart totalement légitimes, on peut se demander si chez quelques uns, ce n’était pas le film mais son propos dérangeant qui posait problème : la remise en question de nos bonnes consciences, le regard lucide sur l’humanisme affiché des belles âmes. The Square n’épargne pas les intellectuels aux grandes idées, on peut imaginer que se retrouver chez le héros un peu pathétique du film n’a pas forcément plus à tous. 

Que serait le monde de l’après pétrole ? Telle était la question centrale du premier roman publié par Dalibor Frioux, Brut.
L’arrêt semble le concept central de son univers romanesque jusqu’ici, en témoigne également Incident voyageurs, son deuxième livre, prenant pour prétexte un RER au point mort depuis des années : « On était tous là par hasard, fermés comme des huîtres ».
La rame du RER devenu espace (dys)topique et fictionnel ou le « coup de pompe » de la fin de l’épopée de l’or noir sont des fables sur nos destins collectifs. Un incident crée un déséquilibre, la dystopie est invitation à la réflexion, dans et par le roman.

C’est ce qu’on appelle communément un « beau livre » : quarante dessinateurs et scénaristes dont David B, Guy Delisle, Etienne Davodeau, Pascal Rabaté, Blutch, Miles Hyman, le regretté Tignous, Catherine Meurisse, Luz… Trente ans d’information illustrée, commentée par un collectif d’auteurs, trente événements qui ont fait l’actualité et dont les implications et conséquences résonnent encore aujourd’hui.

Dans Cannibales de Régis Jauffret, tout dialogue : deux femmes d’abord, Noémie, vingt-quatre ans qui vient de quitter Geoffrey, et la mère de ce dernier, Jeanne, à laquelle Noémie écrit pour lui expliquer pour quelle raison elle a quitté son fils— « les hommes ne savent pas mâcher les ruptures et les avaler sagement comme une bouillie ».

Saluons les Éditions Cambourakis d’avoir traduit Camarade Lune, le premier livre de Barbara Balzerani. Devenue écrivain, celle qui fut membre des Brigades rouges, appartenant à la direction stratégique, celle qui, après des années de clandestinité, fut arrêtée en 1985 et séjourna vingt-cinq ans en prison, rédigea lors de son emprisonnement un texte qui revient, avec lucidité et courage, sur deux décennies de lutte armée, de tensions politiques.