« Le problème avec la vérité est qu’elle relève souvent du cliché et de la banalité », écrivait Michael Cunningham dans Crépuscule (2012) — un roman de désir et de mort, dans un New York à « l’attrait cruel », « un foutoir comme l’était le Paris de Courbet », une ville « dangereuse » en ce qu’elle accentue les failles intimes et dérives individuelles.
Category Archive: Livres
L’actualité des publications françaises et étrangères ; fiction et non fiction. Sans exhaustivité, parce qu’elle est impossible et sans contrefaçon (mais pas que par des garçons). Des choix, des passions, de grosses colères aussi. La lecture des têtes de gondole que nous mettrons parfois au carré. Des portraits des acteurs du monde du livre. De longs entretiens parce qu’un livre ou une collection, ce ne sont pas deux ou trois phrases choc. Et parce que l’actu est trop souvent un diktat (et une course contre la montre perdue d’avance), de grands livres publiés dans les mois ou les années, voire les décennies et même siècles qui précèdent, parce que les grands livres n’ont pas de date de péremption.
Virginie Despentes, écrivain française vivante, née à Nancy en 1969.
8 romans, 1 manifeste, 1 roman graphique et 1 recueil de nouvelles à son actif : Il y a peu de voix comme celle de Virginie Despentes en France. Un style taillé dans le roc(k), une plume acérée, un humour au napalm et une bonne dose de réflexion politique déguisée en provocation punk. On pourrait, maladroitement et en alignant ainsi les poncifs, tenter de résumer l’ouragan Despentes, la tempête trash et féministe qu’elle fait souffler sur la littérature française depuis le milieu des années 1990. On pourrait. On pourrait aussi songer au frisson de subversion qui a parcouru notre peau à la lecture de Baise Moi, et souhaiter que tout le monde le ressente. Même si en vrai, le frisson était une droite en pleine face.
Vers l’usine ? Au moment où j’ai entamé mes études de philosophie, mon père est mort. J’avais 18 ans. Quasiment la même année, Deleuze s’est suicidé. Double lâchage aux implications radicalement différentes.
En 2014, le Prix Médicis étranger 2014 a couronné un roman de Lily Brett, Lola Bensky, édité à La Grande Ourse, chez l’un de ces éditeurs qu’inlassablement on qualifie de « petits », pour la taille de leur structure, pour leur jeunesse (La Grande Ourse a vu le jour en 2012). Ce roman paraît en édition de poche (chez 10/18) alors que sort Chaud devant ! à La Grande Ourse.
Serge Gainsbourg aurait eu 88 ans le 2 avril prochain. Mais il est mort il y a 25 ans, le 2 mars 1991. On l’imagine mal, de toute façon, atteindre cet âge respectable, eu égard à sa diététique à rebours, à base de nicotine et de 102… Hommage en quelques livres qui reviennent sur un parcours d’exception ou, comme Johan Sfar, font de la légende Gainsbourg une part de leur univers.
Il a fallu attendre la réunification des deux Allemagne pour que le paragraphe 175 du Code pénal allemand qui condamnait l’homosexualité masculine soit définitivement aboli. Durant la seconde guerre mondiale, des dizaines de milliers d’homosexuels ont été arrêtés et déportés en vertu d’un article de loi. Ils étaient forcés d’arborer un «triangle rose». De ce fait historique, Michel Dufranne a tiré un puissant roman graphique : « pour parler de ce dont on ne parle pas souvent. Voire jamais. Des persécutions des homosexuels avant, pendant et après la seconde guerre mondiale ».
Au décès du merveilleux Michaux, le bon poète Jean-Pierre Verheggen titrait dans un journal belge : « HENRI MICHAUX MON NAMOUR ». De fait, Michaux était de Namur, donc Wallon et Belge. Mais une fois installé à Paris, il ne voulut plus entendre parler de ses origines. Il ne se considérait en rien comme un écrivain de Belgique tout en gardant des relations avec Hellens ou avec de Boschère. Et déjà, somme toute, il disait NON à tous ceux qui le lisaient — sans doute avec plaisir ou passion — mais tentaient de s’approprier de quelque façon sa personne, son œuvre, son image.
Ainsi, au long de sa vie, Henri Michaux a beaucoup dit NON.
En 1980, Raymond Depardon répond à une commande du Sunday Times Magazine, une série de photographies réalisées lors de deux séjours à Glasgow, en juin et septembre. Le reportage ne sera jamais publié. Raymond Depardon a exposé quelques photos de la série au Grand Palais (Un moment si doux, en 2013-2014) ; le voici enfin reproduit en intégralité dans un livre sublime, au Seuil, préfacé par William Boyd. 72 photographies non légendées, elles parlent d’elles-mêmes, même si parfois les mots sur une pancarte ou une devanture dans la photographie en semblent le commentaire : « Revolution« , « some children pay a terrible price« .
Safe de Lucie Taïeb a le poids des rêves profonds, ceux dont on sent bien qu’ils ne sont pas un simple divertissement de l’esprit, un rébus amusant pour qui demeure à l’abri sur les rives de la vie diurne.
« Génie du lieu », « inventeur d’Amérique » et « découvreur d’écriture : de La Modification à Transit, en passant par Mobile et Matière de rêves, Michel Butor auquel Frédéric-Yves Jeannet adressait la semaine dernière sa lettre anthume, n’a cessé, au gré de ses voyages au Japon, aux États-Unis, en Australie, de faire bouger l’écriture, de la mener, elle aussi, aux antipodes.
Le 25 février dernier, à la librairie Michèle Ignazi (75004), les Éditions Mix. présentaient leurs dernières parutions. Spécialisées en littérature contemporaine, philosophie et écrits d’artistes, les Editions Mix. ont été créées en 2004 par Fabien Vallos. Fidèle à sa volonté de favoriser les livres de recherche et d’expérimentation, la maison d’édition publie en ce début 2016 un ensemble de livres qui couvrent ces trois domaines autant qu’ils en redistribuent la répartition et en questionnent les frontières.
à Michel Butor
Tu es mon dernier père vivant. Tu sais peut-être que David Bowie vient de mourir, en ce début d’année, deux jours après son soixante-neuvième anniversaire, mais il n’était pas vraiment pour moi un père, plutôt un grand frère & demi-dieu lointain, inaccessible dans une sorte d’Olympe. Il ne me reste que toi.
Derrida analyse le fait que l’écriture est un des refoulés de la philosophie, l’extérieur auquel la tendance métaphysique qui traverse l’histoire de la philosophie n’a cessé de s’opposer, mais contre lequel, en même temps, elle se construit (« l’histoire de la vérité, de la vérité de la vérité, a toujours été (…), l’abaissement de l’écriture et son refoulement hors de la parole ‘pleine’ »). Il y aurait une ambivalence fondamentale de la philosophie, une ambivalence dont la philosophie serait indissociablement la négation.
La revue Chimères a été fondée par Félix Guattari et Gilles Deleuze en 1987. A partir des propositions théoriques et pratiques de ses deux fondateurs, elle se veut depuis presque 30 ans un lieu de développement et d’expérimentation de rapports inédits entre psychanalyse, philosophie, art et politique. Cet entretien avec Jean-Claude Polack, Anne Querrien et Valentin Schaepelynck est aussi l’occasion de revenir sur le parcours et la démarche foisonnante de Félix Guattari.