« Légitime, c’est un très beau mot légitime. » Tels sont les mots d’Edmund, le « bâtard », qui cherche à prendre la place de son frère Edgar, « la place du haut : celle du légitime ». (Shakespeare, Le Roi Lear, traduction d’Olivier Cadiot, P.O.L, 2022). C’est vrai que c’est un beau mot légitime, comment ne pas être séduit par la beauté et la force de ce qui est fondé, juste et équitable. Et c’est peut-être cela qui frappe immédiatement à la lecture de cet article de Robin Lagarrigue publié le 27 janvier 2023 dans la Revue des deux mondes, « Ernaux – Houellebecq : les mêmes passions tristes ? », l’absence de légitimité.
Résultats de recherche pour : Roland Barthes
Gaëtan Brulotte se présente comme « écriveur ». Rien à voir avec « l’écrivant » de Roland Barthes (lequel dirigea sa thèse de doctorat, Aspects du texte érotique, à l‘EHESS). C’est plutôt une manière à la fois modeste et orgueilleuse, voire québécoise, d’exprimer sa passion pour l’écriture et la lecture.
Passion qu’on perçoit avec netteté dans Nulle part qu’en haut désir.
Le livre de Jean-Michel Espitallier n’est pas une histoire du rock, de la pop, du punk. Le récit est une sorte d’autoportrait indirect, subjectif, à partir d’un rapport intense à la musique, aux musiques qui font plus qu’accompagner une vie – qui la façonnent, l’inspirent, la guident, l’intensifient : « J’écoute du rock depuis plus de cinquante ans. Il a construit ma vie, ma sensibilité, mon imaginaire, mon rapport au monde ».
Trop de gens, dont on se fiche complètement, ont cru bon de publier leurs réflexions et pensées, généralement d’une atroce banalité, fébrilement notées durant les deux confinements subis depuis 2020. Aussi, l’on en veut presque à Chantal Thomas d’avoir inscrit le terme de « Journal » sur la couverture de son dernier livre. Ce choix risquant, en effet, de décourager ceux qui ne seraient pas déjà des amoureux de son écriture. Et ce serait tellement, tellement dommage !
La première question qui vient à l’esprit est pourquoi la « dépression », pourquoi l’auteur, Patricia De Pas, a-t-elle choisi cette figure de la dépression?
Dire et figurer le temps qui passe, journées, saisons et existence : telle est la double saisie des haïkus de Bashō et des estampes de Hokusaï dans un livre magnifique mis à la disposition des lecteurs, le temps du confinement, dans le cadre de l’opération « Le Seuil du jour ».
Marguerite Duras avait-elle les yeux verts ou bleus ? Jean Vallier, son meilleur biographe, les a vus verts. Pour Colette Fellous, qui la rencontra à maintes reprises dans les vingt dernières années de sa vie, ils étaient évidemment bleus, « bleus et purs » tels qu’elle les a gravés dans sa mémoire avec « la beauté de son visage, son air unique et souverain de Marguerite D. ».
L’Apparence du vivant, premier roman de Charlotte Bourlard, est sans doute aucun l’un des textes les plus singuliers à paraître en cette rentrée d’hiver. Le sujet tient en quelques lignes — une jeune photographe fascinée par la mort est engagée par un couple vieillissant, les Martin, propriétaires d’un funérarium à Liège. La jeune femme s’installe et veille sur eux. Peu à peu elle est initiée à la conservation des corps et entretient une complicité, toujours plus suspecte, avec Madame Martin. Mais son sujet n’est pas ce qui fait dire de ce livre qu’il est singulier : l’ensemble du livre est porté par une voix unique, capable de passer en un instant de l’humour noir à l’horreur froide, de l’intime au macabre, d’une poésie pop à la cruauté la plus radicale.
Nous parvient des éditions Grasset un passionnant dictionnaire alphabétique des personnages de Proust au sein de la Recherche. Il y en eut d’autres bien avant lui mais celui-ci est dû à une jeune chercheuse particulièrement inspirée. Les articles de la jeune autrice, Mathilde Brézet, sont au nombre de 99, ce qui est peu par rapport à une population de personnages romanesques bien plus étendue. En vérité, il est plus d’une omission comme, par exemple, celle de tel philosophe norvégien invité à un repas. En revanche sont retenus et commentés des localités tels que Balbec, Combray, Doncières ou Venise qui interviennent véritablement en acteurs du grand récit.
Avant de me faire extraire deux racines, je commence la lecture d’Échafaudage dans les bois I d’Ivar Ch’Vavar (Le Corridor bleu / Lurlure) dans la salle d’attente. Bonne idée d’avoir emporté ce livre constamment intéressant et souvent drôle.
Il y a peu, Christine Marcandier s’entretenait dans nos colonnes de l’œuvre critique de Maxime Decout à l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage, Éloge du mauvais lecteur. Soit un titre paradoxal, qui est bien dans la ligne de Maxime Decout comme dans celle de la collection « Paradoxe » des éditions de Minuit. De cet « Éloge » si particulier, nous ne voudrions évoquer ici que les remarques conclusives tout en les assortissant de quelques commentaires.
Mais par quel truchement en sommes-nous arrivés en 2021 à ce qu’un quarteron de cuistres abondamment médiatisées dicte l’agenda politique, impose sa présence inopportune à longueur de plateaux, commande au discours des uns et des autres et s’immisce jusque dans les conversations les plus anodines ?
Si Josef Albers est mondialement connu en tant que plasticien, son œuvre poétique n’est sans doute pas encore suffisamment considérée. Dans l’essai qu’il lui consacre, Vincent Broqua met en évidence les rapports que la poésie d’Albers entretient avec son œuvre plastique mais aussi, et surtout, sa singularité, ses parti pris, ses enjeux.
East Village Blues de Chantal Thomas est tout ensemble une ballade et une balade, pérégrination dans un quartier de New York que la romancière hanta dans les années 70 et chant d’une « vie étrange » au croisement de Rimbaud et de la Beat Generation, célébration d’un « monde (qui) bénit les poètes ». Le livre prend doublement « la forme d’une ville », en ce qu’il est un véritable « poème en marche » et une ode inspirée à la liberté qu’inspire la vie new-yorkaise.
À l’heure où le pronom neutre « iel » entre avec fracas dans Le Robert, c’est à une réflexion importante, neuve et profondément originale qu’invite dans Lila Braunschweig dans son essai, Neutriser : emancipation(s) par le neutre qui vient de paraître dans la remarquable collection « Trans » aux Liens qui libèrent. Fondant son propos depuis Blanchot et Barthes, Braunschweig offre, par le neutre, un verbe nouveau qui, à son tour, pourrait entrer dans les dictionnaires : neutriser, verbe qui cherche à suspendre toutes les assignations identitaires, défaire la tyrannie sociale de la binarité et proposer le neutre comme voie émancipatrice. Le neutre n’y est pas une théorie molle : il est une proposition d’action pour métamorphoser le réel, lutter contre ce qui identifie sans retour. Au moment où Brigitte Macron ou Jean-Michel Blanquer attaquent « iel », Diacritik ne pouvait manquer de donner la parole le temps d’un grand entretien à Lila Braunschweig sur ce neutre qui peut tout changer.