Portraits de famille : les Outers, à père poète, fils graveur

© Simon Outers

Voici un petit ouvrage délicieux. Et même trois fois délicieux. Il l’est par son petit format, tenant du calepin tout scolaire quoique fort élégant dans l’exécution. Il l’est encore par l’association du père poète (Jean-Luc Outers) et du fils graveur (Simon Outers). Il l’est enfin par son thème si subtilement mélancolique.

Car, et c’est là le paradoxe, que ce soit en mots ou en images, les personnes de la famille (mais laquelle exactement ?) principalement évoquées sont absentes de la plupart des photos ici décrites par les mots et l’image alors que d’autres – toutes proches apparemment — furent présentes et ont eu l’occasion de prendre la pause.

Ainsi seront pris en compte « un mari toujours en voyage » dont la femme cachera farouchement l’enfant ; « une fiancée oubliée » et « d’une beauté incandescente » avec laquelle l’amant échangea des centaines de lettres tout en étant marié ; un grand-oncle suicidé à vingt-quatre ans par chagrin d’amour et que personne ne semble avoir connu ; puis il y avait celle que l’on disait folle et qui agressait membres de la famille et voisins ; puis il y avait encore « le cousin flambeur qui surgissait dans sa Jaguar, remplissait de billets les poches des enfants, lui « qui s’en est allé avec ses valises de cuir », pour une destination inconnue laissant seule sa fille bien présente sur la photo. Et puis il est une femme très belle qui avait tout largué et s’est retrouvée dans un pays minuscule régi par un dictateur. Or, celle-là revient certes un beau jour mais personne ne veut vraiment la reconnaître. Quant à l’enfant de la honte, celui de la mère cachotière, il est aujourd’hui adulte mais il ne reconnaît pas sa génitrice sur la photo ; tout juste arrive-t-il à identifier le chien au pelage roux.

© Simon Outers

Absences et secrets. Images douloureuses qu’on voudrait oublier. Mais images si belles comme les disparus et les disparues.

Jean-Luc et Simon Outers, Portraits de famille, Bruxelles, éditions La Pierre d’Alun, 2021, 64 p., 15 €
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