Marc-Antoine Serra : Je voulais m’en aller mais je n’ai pas bougé (livre + exposition)

Je voulais m’en aller mais je n’ai pas bougé est le titre d’un livre de Jean-Jacques Viton paru aux éditions P.O.L en 2008. C’est aussi le titre d’un livre de photographies que Marc-Antoine Serra vient de publier aux éditions Salon du Salon. C’est également ainsi que s’intitule l’exposition de Marc-Antoine Serra qui se tient au Salon du Salon, à Marseille, jusqu’au 25 octobre 2021.

Hommage à Jean-Jacques Viton, évocation, peut-être invocation, les photographies de Marc-Antoine Serra montrent pourtant d’autres corps, d’autres faits : une série de jeunes hommes, à peine vêtus d’un même short jaune vif, photographiés dans des poses et actions banales, quotidiennes – manger, se doucher, être allongé, etc. – mais tout ceci, sans doute, dans un des lieux de la vie de Jean-Jacques Viton. Chez lui, donc – en tout cas possiblement chez lui, dans un appartement qui était le sien ou aurait pu l’être – mais sans lui, bien qu’il soit par là en même temps partout : une façon d’être « en allé » en même temps qu’encore là (je n’ai pas bougé…).

Une façon aussi de montrer la vie, d’évoquer la vie de ces corps jeunes, la quotidienneté et la banalité de gestes, d’actions qui font que la vie continue encore. Et peupler ces lieux de vie ou en percevoir la vie qui y existe, c’est aussi y insérer une forme d’érotisme et de désir.

Le choix de réaliser des polaroids produit des photographies où les corps n’ont pas la même netteté qu’ils auraient avec un autre choix technique, plus proches du souvenir que de la monstration claire et distincte. Le choix pourrait être celui d’une image-mémoire, habitée par le temps. Choix aussi d’une technique banale, comme les situations photographiées, créatrice d’images définies par le passé, une forme de nostalgie : corps présents comme le seraient, peut-être, des fantômes, vivants, ici, en même temps qu’ils sont ailleurs – où ?