« Je suis fait de mon temps » : Jean-Baptiste Del Amo, Le fils de l’homme

© Gallimard

Après le succès public et critique de Règne Animal, Jean-Baptiste Del Amo revient en cette rentrée littéraire avec Le Fils de l’Homme. Récit épuré, primaire au sens fort du terme, Le Fils de l’homme pose des questions essentielles : que sont héritage, démesure, amour familial, folie ? Entre La Route de Cormac McCarthy et le Shining de Stephen King, ce nouveau roman traite autant de la chute de l’homme que de sa volonté d’échapper à son destin. Cette fable aux accents universels et « bibliques » poursuit l’œuvre ouverte avec Une Éducation Libertine. Entretien avec Jean-Baptiste Del Amo.

Le Fils de l’homme, qui vient de paraître, est votre cinquième roman. Quel est a été son point de départ, à quel désir d’écriture est-il venu répondre ?

C’est une question à laquelle il m’est difficile de répondre car j’ai généralement du mal à situer les prémisses d’un roman, l’instant où il se forme. J’ai plutôt le sentiment qu’un roman porte en germe le suivant, que tous s’inscrivent dans une même recherche dont le sens évolue avec le temps, l’expérience, la vie qui va. Le désir d’écriture fait partie de moi, c’est l’une des rares volontés qui m’animent profondément, il prend simplement des formes diverses, s’approprie des décors, des histoires, des visages, des inspirations multiples. Le Fils de l’homme m’apparaît comme un univers parallèle à celui de Règne animal, une variation sur la famille, la transmission des pères aux fils, la violence des hommes, leur désir de domination.

Votre roman est l’histoire d’une famille qui se déforme et cherche à se reformer – une famille archétypale, nucléaire. Le thème familial traverse votre œuvre depuis le Sel. Est-ce parce qu’il représente une structure de huis-clos ? Est-ce que la claustration de la cellule familiale vous permet mieux de réaliser l’introspection romanesque, l’auscultation des relations et des polarités humaines ?

Sans doute la famille me permet-elle de ramener à un espace intime, délimité, des thématiques sociétales bien plus vastes, que je n’intellectualise pas à l’instant où les histoires se conçoivent ni au moment de l’écriture. Peut-être est-ce même un choix confortable qui m’évite de me confronter à des narrations ou des univers plus amples. Je travaille avec un matériau qui m’est plus ou moins familier, celui de l’expérience personnelle, mais transformée, dissimulée, mythifiée. Avec Le Fils de l’homme, je voulais ramener ces thématiques à une forme essentielle, ténue, presque légendaire, pour ne pas dire biblique.

Le livre est construit autour de l’action du père : c’est lui qui déclenche le récit en revenant dans la cellule familiale, c’est lui qui emmène la mère et l’enfant aux Roches, c’est lui qui s’obstine et bientôt s’embourbe jusqu’à la folie. Pourtant il me semble que le récit choisit, plutôt que de s’attacher à cette folie même et à sa démesure, de s’attarder sur les conséquences de cette folie sur la mère et l’enfant. On le voit dans les scènes de tendresse : la mère qui dit à l’enfant qu’il est son homme, l’enfant qui rapporte des mûres à sa mère affaiblie. Est-ce qu’ils n’ont pas ravi, tous les deux, le devant de la scène au père, au cours de l’écriture ?

Le père n’a jamais eu vocation à être le personnage central du roman et je ne voulais pas tant traiter de sa folie que de ses répercussions sur la mère et l’enfant, de leur tentative de résistance face à son emprise. Ce qui m’importait, c’était de ne pas tomber dans une forme de manichéisme qui aurait consisté à aborder son personnage comme une incarnation du mal, ou à faire de la mère et du fils de simples victimes. L’un des moments-clés du roman est pourtant son monologue (dont on ignore d’ailleurs s’il le prononce vraiment), qui surgit au milieu du texte, durant lequel il raconte l’histoire de son propre père, et où l’on comprend dans quel héritage de la violence il s’inscrit et comment lui-même est hanté par cette figure paternelle. C’était, à mes yeux, comme l’intervention du coryphée dans la tragédie antique.

Le titre du roman construit une ambiguïté. C’est une paraphrase biblique mais c’est aussi une manière plus familière de nommer les deux personnages masculins puisque le récit ne les désigne que comme l’homme/le père et l’enfant. Comment comprendre cet entre-deux que les deux pôles dessinent ? Est-ce une volonté de dire à la fois le singulier et l’universel ?

C’est toujours mon souhait lorsque je conçois une histoire ou, du moins, un présupposé à l’écriture d’un roman : dire l’universel à travers le singulier, l’intime, le minuscule. J’ai parfois eu recours à des narrations plus complexes, à des généalogies plus vastes, à des contextes historiques, mais je me sens moins contraint d’y avoir recours aujourd’hui.

Le roman commence sur une avant-scène qui est un prologue proto-historique, qui suit une tribu d’hommes dans les premières heures de l’humanité. Pourquoi cette volonté d’ouvrir le livre sur cette scène de vie et de chasse, à l’aube des temps ?

Cette scène ouvre le roman en réponse à l’épilogue de Règne animal dans lequel l’un des cochons de l’élevage parvenait à s’échapper et retrouvait peu à peu ses attributs et son instinct d’animal sauvage. De même, le prologue place le récit sous des auspices mythologiques, une volonté de rechercher une scène originelle, aux fondements de notre humanité, puisqu’on y suit l’éducation d’un jeune garçon à la chasse, donc à une forme de violence primitive. Cette ouverture plane sur le roman qui y renvoie par échos, comme si le récit contemporain était inscrit de tout temps, depuis les origines du monde.

Le récit s’attache à une dimension originelle de l’humanité. On pense notamment au préambule du texte, et, à la fin du récit, au fils admirant les dessins des grottes. Quel est votre rapport à cette dimension première, primaire, de l’homme ?

J’imagine que c’est la vocation même de la littérature, de chercher à représenter quelque chose qui relève de l’essence, de la vérité des choses. C’est une quête aveugle, à tâtons, qui avance au gré de l’intuition, de brèves épiphanies. Elle s’ancre dans le sentiment d’une éternelle répétition des gestes, des scènes, à travers l’histoire de notre humanité, comme si malgré les traces, les récits, nous étions condamnés à oublier, à reproduire inlassablement les mêmes erreurs à quelques variations près.

« Et la rage des pères revivra chez les fils à chaque génération » : l’idée d’une tare, irrémédiable et héréditaire, est programmée par l’épigraphe. Ce fatum hante vos livres. Vos personnages n’échappent pas à leur destin ; et pourtant ils se battent. Ne sont-ils que les objets dérisoires d’une mécanique tragique ? Y a-t-il une grandeur dans leur lutte sisyphéenne ?

Tous sont certainement entravés par leurs déterminismes sociaux, familiaux. En cela, ils sont les objets dérisoires d’un système dont les rouages les dépassent, mais ils aspirent chacun à leur façon à une forme d’émancipation qu’ils perçoivent obscurément car ils sont aveuglés par leur réalité, leur condition. J’aime l’idée qu’ils soient animés par une forme d’aspiration vitale, animale, à la liberté, qu’ils puissent se battre avec l’énergie du désespoir.

De manière générale, vos personnages finissent mal, et le récit est souvent l’histoire de leurs chutes. Ainsi pour Gaspard, ainsi pour les deux familles de Règne Animal et du Fils de l’homme. Il ne faudrait pas parler de sadisme, car il n’y a pas de plaisir à les voir tomber, mais cette structure est suffisamment récurrente pour qu’elle interpelle sur la manière dont vous construisez vos livres. Est-ce que le récit est l’élaboration d’un piège, est-ce qu’il est bâti pour amener à la chute de son protagoniste ?

Sans doute mon pessimisme quant à notre destinée, à notre nature même, s’exprime-t-il dans mes romans. Je ne suis pas certain que tous mes personnages chutent irrémédiablement. Peut-être y a-t-il un salut possible pour cet enfant dans Le Fils de l’homme ? En tant que lecteur, je ne suis pas très friand des récits de rédemption, des fins heureuses, des personnages triomphants. Je ne vois pas comment on peut aujourd’hui habiter ce monde et tenter d’en donner une vision sincère par la littérature autrement qu’en explorant notre part d’obscurité, la tragédie même de l’existence et de notre condition d’êtres humains. Cela ne n’empêche pas pour autant de tenter d’en évoquer la beauté fugace.

Le Fils de l’homme est le récit d’une transmission qui ne se produit pas ; d’un héritage qui ne prend pas, de quelque chose qui se brise dans la mécanique cyclique de la succession. Est-ce que ce récit est aussi une manière de montrer le destin d’une humanité qui voit son fonctionnement s’enrailler ?

On peut en effet le lire comme une répétition des mêmes gestes, des mêmes désirs (de possession, d’asservissement), des mêmes souffrances. De même que la mécanique de la porcherie dans Règne animal finissait par s’enrayer et par imploser (et la famille d’éleveurs par devenir de plus en plus dysfonctionnelle), la relation entre le père, la mère et le fils dans Le Fils de l’homme atteint un point de non retour.

Sur cette question de l’implacable hérédité que projette l’épigraphe, on pourrait envisager autrement le geste final du fils. Il semble montrer qu’il accepte la rage mais refuse l’héritage du père. Est-ce que le livre n’est pas construit selon ce désir d’échapper à l’hérédité, au poids familial ? Quelle lecture avez-vous de la trajectoire de ce personnage ?

En effet, la fin reste ouverte. Clairement, l’enfant essaie d’échapper à cet héritage, mais pour y échapper, n’a-t-il pas pour seule solution de l’embrasser malgré lui ? Je n’ai pas d’avis arrêté sur la question, je pense qu’il appartient au lecteur d’en décider. Pour moi, c’est le parcours d’un enfant qui voit s’étendre sur sa vie l’ombre d’un père et d’une histoire familiale, et qui va basculer du temps d’une relative insouciance à celui de la réalité des hommes en essayant de sauver quelque chose de son humanité.

Ce livre, par bien des aspects, semble tempérer la dureté présente dans vos livres précédents. Le corps et sa putrescence y sont moins présents (à une notable exception), le sexe aussi, la nature y est moins hostile, presque neutre. Même la folie du père, qui est le sujet du récit, est tempérée : on ne le voit presque jamais violent. La fin est suggestive mais dérobe sa conclusion qu’on devine mais qu’on ne lit pas. D’où vient cette retenue ? N’est-ce qu’une impression ?

Je crois avoir gagné en assurance de livre en livre. Chaque roman est une expérience fondatrice de la suivante, à la recherche d’une voix singulière. J’ai longtemps eu le besoin de traiter de la sexualité, de la mort, de la violence de manière frontale. Je le ressens moins aujourd’hui. Ce sont toujours des thématiques qui m’habitent, me questionnent, mais je me sens capable de les approcher autrement, peut-être avec moins d’artifices, en étant économe de mes moyens. Les scènes trop démonstratives me semblent plus laborieuses, moins intéressantes que ce qui se joue à leur périphérie. De même, la psychologie m’intéresse de moins en moins, je lui préfère les gestes, la « corporalité » des personnages, ce qu’elle peut dévoiler d’eux et de leur fort intérieur.

Le Fils de l’homme © Gallimard

Si Le Fils de l’homme est génériquement sous-titré roman, on pourrait le considérer comme un récit : une épure générale, un seul fil narratif, focalisé sur son thème principal sans que viennent s’y ajouter les greffons hétérogènes que produit souvent l’alchimie romanesque. Est-ce plus un récit qu’un roman ? Est-ce que cette distinction a du sens pour vous ?

Pas vraiment, puisque je conçois le récit comme tiré d’une forme de réalité, de vécu. Le Fils de l’homme est profondément un texte de fiction et je me considère avant tout comme un auteur de fiction. Je trouve important de l’affirmer à une époque où la fiction, l’imaginaire, me semblent parfois dévalués et délaissés au profit du réel.

Dans Le Fils de l’homme, pas de noms propres ou si peu, pas de toponymie précise. N’avez-vous jamais le désir de singulariser, de contextualiser, de contemporanéiser, vos personnages ? Est-ce le désir d’universel qui pousse à abandonner ces précisions ?

Dans ce roman, il m’est rapidement apparu que les personnages ne pouvaient pas être nommés. Quelque chose s’y opposait. J’ai essayé, cela ne fonctionnait pas. Malgré leur singularité, ils devaient être le père, la mère, le fils, à la fois des personnages résolument de notre temps, mais aussi des figures sans âge, atemporelles. Quant au lieu, s’il est renseigné en terme d’éléments géologiques, topographiques, je ne voyais pas non plus l’utilité de le préciser. On comprend qu’il s’agit de la moyenne montagne pyrénéenne, de l’Ariège plus précisément, mais ce territoire est aussi perçu par le biais du regard de l’enfant, investi d’une forme d’étrangeté, de magie, de vie propre qui le placent à la limite de la réalité.

Le choix de l’épure comme modalité du récit et d’une trame classique semble montrer une volonté de tendre vers quelque chose qui soit commun à tous. Est-ce que votre contemporanéité réside dans un classicisme minimal ?

Pierre Soulages dit très justement qu’un artiste n’a pas à témoigner de son époque puisqu’il est fait d’elle. Ma contemporanéité réside dans le fait que je vis aujourd’hui, que je suis fait de mon temps. Je ne me pose jamais la question de ma pertinence au regard du monde, ni de la façon dont mon écriture s’intègre ou non dans une forme de classicisme. L’épure est plutôt la conséquence naturelle des romans précédents, d’un travail sur la langue, d’une recherche personnelle, sans souci de répondre à des critères particuliers ou à l’air du temps.

Le Fils de l’homme, après le grand et gros roman qu’a été Règne animal, fait le choix de l’épure : trois personnages, deux décors principaux, une intrigue linéaire suivie depuis son origine jusqu’à sa fin. Comment comprendre cette alternance, dans votre œuvre, entre gros romans (Une éducation libertine) et récits plus épurés (Pornographia) ? S’agit-il d’un choix conscient ? Comment se décide, à l’écriture, la forme et le projet du texte ?

Je ne fais jamais de choix conscient quant à l’écriture de mes romans. J’aimerais en être capable mais j’ai toujours eu le sentiment qu’un roman devient rapidement un objet en partie indépendant de ma volonté, un organisme qui obéit à ses propres lois, non pas qu’il naisse et se réalise hors de moi, mais plutôt qu’il se soumet à une logique qui m’échappe et se définit peu à peu au cours de l’écriture. Il trouve son équilibre, sa mécanique, son rythme, à mesure qu’il s’élabore.

Vous avez écrit deux récits pour la jeunesse : Comme toi, en 2017, et Yukio, l’enfant des vagues, en 2020. Qu’est-ce qui a motivé ce passage à la forme du conte pour enfant ?

J’avais envie de m’essayer depuis longtemps à l’exercice de l’écriture de livres pour enfants. Je garde un souvenir très vif de mes premières émotions de lecture, des émotions que je n’ai peut-être jamais retrouvées par la suite, parce qu’elles sont accompagnées d’images, d’impressions nouvelles. Commencer par un album pour la petite enfance m’a semblé la façon la plus modeste (et pourtant pas la plus simple) de mettre un pied à l’étrier, car cela demande de renoncer d’une certaine manière à une langue plus soutenue, littéraire, propre à la littérature pour adultes. Yukio a plutôt été imaginé comme un récit qui puisse s’adresser à des enfants comme à des adultes, être lu et interprété de différentes façons.

Vous avez tourné un court-métrage, dont le sujet, bien que différent, peut sembler proche du Fils de l’Homme : le rapport d’un enfant à sa mère. Que vous a apporté cette expérience ? Son origine précède-t-elle ou accompagne-t-elle le roman ?

Il y en effet un lien entre le court-métrage et Le Fils de l’homme, mais le film provient en réalité de la relation entre une mère et son fils dans Règne animal. La thématique de la relation mère-fils se retrouve de toute façon dans ces romans, comme dans Le Sel ou Pornographia. Le tournage de Demain il fera beau était une étape obligée dans la perspective de l’écriture et de la réalisation d’un long-métrage. J’ai trouvé son élaboration très laborieuse, le système de production et de financement du cinéma français d’une lenteur éprouvante.

Alors que j’ai, dans l’écriture romanesque, une liberté absolue, je me suis retrouvé dépendant de l’avis de multiples personnes impliquées dans le projet. La réalisation, en revanche, a été une expérience formidable : voir des personnages incarnés, voir une scène prendre forme sous mes yeux, était inédit, ludique et très excitant. Je suis passionné de cinéma et l’écriture scénaristique s’inscrivait dans une suite logique de recherche, d’expérimentation des modes narratifs, mais je mesure aussi désormais ma chance et ma liberté de romancier. Je reviendrai au cinéma si l’occasion m’en est donnée, si l’on vient me chercher, mais je ne suis plus disposé aux concessions pour voir un projet se réaliser à tout prix.

La fin du Fils de l’homme laisse entendre la voix du père dans une logorrhée mentale qui a presque un aspect théâtral, scénique. Le Sel a d’ailleurs été adapté au théâtre. Avez-vous le désir ou la tentation d’autres formes littéraires, théâtrales ou poétiques ?

Je suis très heureux de cette adaptation du Sel, d’autant que je n’y ai pas participé et qu’elle est portée par un jeune metteur en scène, Jonathan Mallard, et par les comédiens qui l’accompagnent, qui ont donné du roman une vision singulière. Le roman devient autre chose, ce qui me réjouit. J’aimerais écrire pour le théâtre mais, là encore, je crois aux rencontres, aux désirs communs, aux occasions qui se présentent, plus que je ne suis habité par un désir absolu d’écrire pour le théâtre.

Une éducation libertine, Pornographia, peuvent apparaître à certains égards comme des livres baroques. Le Fils de l’homme, Règne Animal, semblent davantage appartenir à un cadre classique. Comment expliquer cette alternance ? Comment voyez-vous cette opposition, peut-être factice, peut-être fonctionnelle, entre classique et baroque, et a-t-elle un sens pour vous ?

Je trouve toujours curieux qu’on dise mon écriture baroque, parce que cela la classe d’une certaine façon dans un temps révolu, un mouvement artistique qui m’est étranger. Sans doute le contexte historique d’Une éducation libertine se prêtait à cette analogie. Mon style a aussi certainement évolué de livre en livre, comme je l’expliquais plus haut, vers plus de concision. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas d’alternance, le décor de chaque livre a imposé sa propre langue tout en s’inscrivant dans une recherche continue.

Le Fils de l’homme parait en ce mois d’août, mais il n’est qu’une étape dans l’élaboration de votre œuvre. Quels sont les romans que vous rêvez d’écrire ? Quels sont les fantasmes romanesques auxquels vous aimeriez donner forme ?

Chaque roman me laisse essoré, avec le sentiment d’avoir épuisé mes ressources, et pourtant chaque livre se conclut lorsque le désir d’autres histoires émerge et devient plus impérieux. Je poursuis le doux rêve d’écrire un livre après lequel je n’aurais plus rien à écrire, qui me semblerait suffisamment abouti pour que je n’aie pas à « réparer » quelque chose avec un nouveau roman, et pourtant la vie me paraîtrait bien terne s’il n’y avait pas la perspective d’une prochaine histoire, la possibilité de vivre en parallèle une autre vie que la mienne, d’habiter pour un temps un autre monde que celui-ci.

Jean-Baptiste Del Amo, Le Fils de l’homme, Gallimard, août 2021, 240 p., 19 € — Lire un extrait
Prix du roman FNAC 2021 (édit du 6 septembre 2021)