Inceste en fictions : Gisèle Pineau, Audrey Pulvar, Ananda Devi

Témoignages ou fictions ? Dans un article récent, j’ai présenté le récit de Monia Ben Jémia, paru à Tunis en ce début d’année et deux fictions algériennes. De nombreuses réactions de lectrices m’ont rappelé que, depuis ce dernier quart de siècle, les fictions francophones étaient nombreuses à suggérer ou décrire une situation incestueuse et ses dégâts durables. On pourrait rappeler L’Enfant méduse de Sylvie Germain en 1992. Mais ce sont les œuvres francophones qui me parlent et dont je veux parler…

C’est la raison pour laquelle je me propose de suivre aujourd’hui trois romans qui, de 1995 à 2009, auraient dû alerter sur l’ampleur de cette prédation destructrice. Serait-ce que la fiction alerte moins que le témoignage ? Nous permettrait-elle de nous « protéger » de l’inadmissible alors que le témoignage nous accule à savoir ? Nous allons suivre Éliette et Angela, Nou et Eva, Kitty et Malika, dans les œuvres d’écrivaines qui ont alerté.

L’Espérance-macadam (1995)

Dans le roman de Gisèle Pineau, l’inceste est au cœur de l’histoire. Les personnages vivent à Savane, près de Ravine-Guinée, en Guadeloupe, « un bout de terre où déferlent les violences des cyclones et des hommes, où se mêlent désespérance et utopie, au rythme des tambours-ka et du reggae ». Éliette, désormais vieille femme, y survit en se calfeutrant dans sa case et en fermant ses oreilles et son cœur à son environnement. Mais elle ne peut échapper au drame qui se joue chez ses voisins : Rosette, la « manman » qui s’étourdit de contes et de musique ; Rosan, le père idéal ; leurs enfants dont Angela, l’aînée. Celle-ci dénonce le père violeur et provoque chezÉEliette, qui la recueille  lorsque sa mère la chasse, une remontée de mémoire d’un cyclone ravageur. Le roman suit l’effacement d’une amnésie mutilante par la libération du souvenir car, dans la vie d’Éliette, les pères, biologique ou de substitution, lui ont donné la peur d’elle-même et de son corps.

La violence du cyclone dans les premières pages installe le lecteur dans un inconfort et un désordre liés au déchaînement de la nature, de ce cyclone qui écrase et piétine tout. Ces pages imposent aussi une dominante féminine, des « odeurs de l’amour » et de « femmes en chaleur » ; un troisième nom « Sister Beloved » est un clin d’œil à Toni Morrison dont on ne peut oublier Beloved quand il est question de violence contre les femmes. La voix de la narration conclut : « Y avait rien de bon à ramasser. (…) Fallait tout balayer et enterrer ». Ces verbes  prendront tout leur sens dans la suite du roman. Éliette raconte : « Tout avait commencé avec ce dimanche déboulé… ». Quel est ce « tout » ?

Éliette s’est donc construit un repli protecteur, un refuge pour ne « pas mêler son existence au désordre de Savane » et elle est obsédée par sa stérilité : « Avant ce dimanche, je serrais en mon âme un lot de peurs, visions éparses, mémoire bancale. Toujours la voix de ma manman s’élevait pour couvrir d’autres sons qui perçaient en moi. Elle racontait comment, pour mes huit ans, le Cyclone de 1928 avait démembré la Guadeloupe, m’avait jeté cette poutre au beau mitan du ventre. […] Sans montrer leurs visages des souvenirs fouis dans le temps jadis remontaient au fur et à mesure, m’assaillaient rageusement. Feuilles de tôle sifflantes traçaient dans la noirceur d’un cyclone ».

Sa mère l’a exhortée à l’oubli et à la résignation : « Et, même si tu vois le soleil haut dans toute sa suffisance, prends-le seulement comme embellie. Sache que chaque jour qui pointe dépose sa charge. Tu peux connaître des matins de plume sans souffrance, et tu chantes Gloire à Dieu ! Mais, quand vient le serein, un cyclone bien enragé peut décider de charroyer ta case et ravager l’espérance de ton jardin. Liette, préserve-toi ! Ne ris pas trop gras, ne pleure pas trop fort ».

La mère, devenue folle, n’a pu s’empêcher de terrifier sa fille sans la rassurer : « Cyclone 28 qu’elle criait La Bête. Quand elle disait : « Éliette, ma fi, je vais te raconter le Passage de La Bête… », son visage se froissait comme du papier gris, sa voix sortait soudain hachée d’entre les lames d’un vent levé furieux à la seule évocation de la nuit terrifique ».

Dans la suite du roman, le parallèle est constant entre deux cyclones, celui de 1989 et celui de 1928. Ils sont à la fois la proximité d’Éliette avec son drame et l’écran cachant la vérité. Ce dimanche qui bouleverse sa stratégie de survie et de repli a une autre force que la destruction du cyclone sur le quartier et l’île. Éliette rentre chez elle et évite de voir et de comprendre : pourquoi les gens sont-ils amassés, pourquoi la police ? Mais pour son malheur, pense-t-elle, elle rencontre « le fond des yeux de Rosan » dans la voiture de police : « J’ai senti un ébranlement dans tout mon corps, Rosan… ». Les femmes et les filles qu’elle croise ressemblent toutes à Rosette, la femme de Rosan ou à Angela, sa fille : « Les pensées se donnaient la main et moi je les laissais entrer. Ma manman Séraphine disait que c’était à cause du cyclone 28 qui avait laissé un grand tourbillon dans ma tête. (…) Quand j’entendais siffler n’importe qui à propos de n’importe quoi, je songeais toujours à ces quantités de bougres qui cherchaient à cueillir tout ce qui germait en moi. (…) J’avais laissé ma chair rassir. C’est peut-être pour ça que j’ai pas eu d’enfants ».

Mais Éliette  a été bouleversée par les yeux vides de Rosan : elle ne veut plus compatir au malheur d’autrui. Elle se souvient de l’installation de ses voisins  si différents de ceux du quartier : une belle famille, un mari travailleur, des enfants bien élevés. Or à Ti-Ghetto, ce sont les femmes et les enfants qui sont les victimes même si elles apparaissent parfois comme les actrices des actes commis. Malgré l’alerte, Éliette rentre vite chez elle : « Ce dimanche, j’avais pas la force de courir chez Rosette pour demander après Rosan. Je voulais pas savoir. Juste me souvenir de ses belles actions ». Elle pressent « une laide vérité ». Mais les yeux de Rosan ont tout changé et Éliette avoue qu’elle n’aurait pas rappelé tous ces crimes commis dans ce quartier si elle n’avait pas vu ses yeux. Elle se souvient de l’arrivée de Rosette à Savane en 1975, de sa fille aînée, Angela. Celle-ci, comme Éliette y avait eu droit, a été mise en garde contre les hommes qui sont des bêtes, quand elle a eu ses règles. Cette mise en garde sera reprise presqu’en fin de récit. Le présent, c’est que Rosan a été arrêté car sa fille l’a dénoncé : Rosette s’est retournée contre sa fille. Éliette continue à faire l’autruche et passe la nuit suivante dans le malaise. Elle a beau se remémorer toutes les violences de Savane Mulet pour oublier le présent, cela ne marche pas. Et quand elle entend les cris de Rosette ui chasse sa fille, elle hésite encore. Enfin, elle agit : elle sort, appelle Angela et la recueille chez elle. Il faudra encore cinq longs chapitres pour qu’elle se délivre en adoptant la souffrance d’Angela. Les « barricades de tôles et planches » qu’elle a érigées tombent très progressivement. Et les dommages que le Cyclone 28 lui a fait subir reviennent obstinément : « Éliette avait huit ans. Le Cyclone l’avait rendue ainsi, lâche, indifférente, faible et molle. Elle avait gardé quelques rares souvenirs des événements. Avec le temps…
Non, en vérité, Éliette ne se souvenait de rien. C’était sa manman qui lui racontait toujours la nuit où le Cyclone avait chaviré et pilé la Guadeloupe. Elle criait ce cauchemar : « Le Passage de la Bête ». Et, pour mieux embobiner l’histoire dans la mémoire d’Éliette, elle ne cessait de faire défiler le souvenir de la blessure à la tête et au ventre, le sang dans les draps, la grosse poutre tombée qui avait manqué fendre Éliette en deux parts, le vent entrant méchant, bourrant, calottant ».

Cette répétition du même récit a pour objectif de montrer combien Eliette a été conditionnée par sa mère et combien sa libération ne peut se faire d’un coup de baguette magique. C’est en répétant qu’elle peut revisiter sa vie autrement, parler de la violence des hommes dont elle avait donné un portrait tout en positivité, son beau-père Joab, son mari Rénilien qui a su pénétrer avec douceur ses chairs tuméfiées, « son ventre raccommodé ».

Les pensées d’Éliette se mêlent à celles de Rosette : toutes les deux conjuguent homme/Cyclone/Bête par télescopages ou par inclusion : « Comme quoi les hommes étaient des animaux et qu’il fallait veiller leurs gestes pour pas qu’ils engrossent leurs propres filles. Comme quoi le Bon Dieu avait mis la femme sur terre juste pour que les hommes trouvent quelqu’un à battre quand y a avait pas moyen de tuer son voisin. Comme quoi, nous les femmes, on portait une malédiction que rien n’effacerait jamais».

Malgré tout ce qu’elle sait, Rosette ne peut se résoudre à croire que Rosan a violé sa propre fille ; elle ne peut l’imaginer « en train d’ôter la culotte d’Angela ». Celle-ci a enfin trouvé un refuge chez Eliette, elle s’y sent en sécurité  car c’est une atmosphère d’ordre et de propreté.  Elle peut répéter qu’elle n’a pas menti, sans se faire battre, et elle avoue la raison de sa dénonciation tardive : son père voulait aussi sa petite sœur Rita. Mais elle a conscience qu’elle avait fait « se lever comme un cyclone dans le ciel de sa mère ».

Car c’est encore un cyclone, le Cyclone de 1981, qui a facilité l’entreprise de Rosan : puisqu’en détruisant, il lui a permis de construire la chambre isolée d’Angela. Lentement mais sûrement la voix de la narration en vient à l’évocation précise et sans détour du viol et de la sidération de la petite fille qui met du temps à assimiler le violeur à son propre père et imagine qu’il se transforme en démon. Le corps est là omniprésent et sans masque. L’autre versant du viol sera le long passage où la narratrice fait entrer le lecteur dans les pensées de Rosan en prison qui revit le plaisir qu’il a eu à violer sa fille. C’est une des forces du récit de G. Pineau de faire passer d’un point de vue à l’autre non pour excuser mais pour faire prendre conscience de l’étendue de la perte des limites et des valeurs.

Éliette exhorte Angela à « oublier » : elle applique la même thérapie que celle de sa propre mère. En même temps, elle ne veut plus prolonger ces « soixante années écoulées dans l’aveuglement ». Il faut se souvenir : d’Ethéna qui l’a recousue, de sa Marraine Anoncia chez qui sa mère s’est réfugiée avec sa fille déchirée. Elle parvient à refaire le chemin de son agression et surtout de son agresseur : « Avec son histoire, Angela avait allumé des torches qui voulaient animer la poutre assassine d’un visage terrifique. Le Passage de la Bête… ». Elle refait le chemin de sa fausse guérison, elle repense aux aveux masqués de Séraphine : au récit des soins d’Ethéna : «Elle a retourné tes organes à leur lit et puis elle t’a cousue de part en part, je me souviens comment ses doigts tiraient l’aiguille d’une manière assurée. Tandis que je priais Dieu de te préserver, elle me jurait que tu ne garderais ni trace ni cicatrices, que l’oubli viendrait couvrir toutes les souffrances endurées».

Alors, tout peut enfin s’éclairer, la lucidité revenir entièrement en Éliette et la filiation se reconstituer : le père qui a violé Éliette et que Séraphine a chassé, est devenu un « vieux nègre macaque » qui a engrossé la mère de Rosan. Il a fallu attendre que revienne un nouveau cyclone destructeur, symbole même de la violence, en particulier du viol. D’ailleurs le violeur d’Éliette, le père de Rosan, n’a pas de nom et a eu le surnom de « Ti-Cyclone ». Les pères abusifs et violents sont l’incarnation de la destruction du cyclone, le reflet l’un de l’autre : « Le Cyclone était là, dehors, fou enragé. Lancé comme une féroce armée dans les rues de La Pointe. Soufflant la ruine et la désolation. Méchant. Assassin. Et il débitait menu des arbres centenaires, bois d’allumettes. Taillait en pièces les cases. Balayait, piétinait. […] Son haleine empestait l’absinthe».

Mais une fois la compréhension enfin acceptée de la confusion entre le Cyclone et la Bête-père, entre la poutre et le phallus, arme de déchirure, le récit choisit, à travers la voix de la vieille marraine, une forme de résilience : « – Eliette, ma fille, tu connais déjà toute l’histoire. Laisse aller ce cyclone et comprends que la vie n’est pas une rumination éternelle. Il y en aura d’autres cyclones, quantités ». Ce sont aussi les derniers mots du roman : « Il faudra reconstruire sans doute. Oui, y avait encore moyen de remettre debout le paradis de Joah au macadam des espérances ».

Gisèle Pineau ne condamne pas sans appel les hommes-Cyclones car leur violence est aussi produit d’une histoire, celle de l’esclavage, d’une « trahison » que les femmes ont été obligées d’accomplir pour sauver leur peau et celle de leurs enfants. Cela explique que tout en racontant sans détour, elle parvienne toujours à lever le voile sur la complexité de la masculinité et qu’elle appelle à la résilience : sortir de la violence, du viol pour pouvoir se reconstruire.

L’Enfant-bois (2004)

C’est en 2004 qu’Audrey Pulvar a publié ce qui est à ce jour son  unique roman. La mise en exergue pointe une filiation prestigieuse, celle de Beloved de Toni Morrison, qui introduit donc à un roman de plus de 200 pages, dense et étonnant. Il s’ouvre par un premier chapitre d’une violente altercation, visualisée mais non expliquée, entre les membres d’une fratrie. Une petite fille, Eva, extériorise cette violence, en tournant autour de son frère Théo qui vient de se moquer de son affection pour un cochon : « Haine. Animale. Je tournais autour de ma proie crachant ma colère, grondant sourd, comme un chat sauvage ». Le récit se suspend lorsqu’elle donne l’ordre aux autres enfants d’aller chercher des cordes. Puis un second chapitre juxtaposé nous entraîne dans sa fuite éperdue dans la nuit de la forêt, en demande d’amour pathétique vis-à-vis de sa mère.

Entre ce début et cette fin, dans un apparent désordre chronologique admirablement maîtrisé, on suit les séquences essentielles de la vie d’Eva, la lecture sollicitée étant active et toujours insatisfaite car la romancière manie avec dextérité le secret et la retenue. Audrey Pulvar puise dans les ressources de l’oralité, de l’Histoire, des langues, de la modernité romanesque, pour imposer ces pages fortes qui transforment une histoire banale en un récit exemplaire et unique.

Dans le second chapitre donc, le lecteur est entraîné par Eva, petite fille sauvage de sept ans, dans une fuite éperdue, au plus profond du « sous-bois humide » : « Un air glauque monte et l’enveloppe. Son cœur tente encore de lutter contre cet appel ». Elle en reviendra, définitivement différente et plus sauvage encore, provoquant des métamorphoses incontrôlables qui la rendent suspecte aux yeux de tous, sauf à ceux de Mamie Nou, la grand-mère qui l’a bercée d’histoires extraordinaires. Alors que cette grand-mère est absente du premier chapitre, c’est dans ce second chapitre qu’elle s’inscrit, comme la référence la plus familière et la plus sécurisante de l’enfant. Tout ce qui l’effraie dans la forêt est senti et interprété en fonction d’un conte de Mamie Nou : « Un soir elle a entendu Mamie Nou raconter l’histoire de ce djab infernal qui vagabonde sans crainte dans le monde de notre imaginaire, passant de forêt en maisons. Invisible. A l’exception de ses sabots, tellement étincelants que leur éclat le rend perceptible ».

La petite fille se remémore longuement ce conte dans ses moindres détails. On comprend combien sa grand-mère l’a élevée dans la peur du mâle qui s’insinue, sans que la jeune fille y prenne garde, entre ses cuisses pour la rendre lubrique… : « Aucune défense, aucun contre-sortilège, aucune prévention ne peut empêcher la jeune fille de perdre toute retenue. Et cette qualité de djab est terrible au point que les pucelles vivent le tout dans un rêve orgasmique bien enfermé dans leur tête ». On ne saura jamais quel « djab infernal » Eva a rencontré.

Eva se rappelle, dans les moindres détails, de ce conte d’avertissement qui dépasse la simple mise en garde pour cheviller au corps de la petite fille la peur du djab et du viol. Et  connaissant pas encore l’histoire de Nou, on peut penser que la grand-mère raconte des histoires d’une violence extrême… Mais, pour l’instant, Eva est au cœur de la forêt la nuit et il lui faut tout reproduire de cette grand-mère, le récit de violence et les rites conjuratoires, pour arriver à surmonter sa peur.

Mamie Nou apparaît dans ce contexte effrayant et fantastique : on ne sait pas encore qu’elle est Haïtienne mais on est impliqué dans son pouvoir de conteuse aux histoires haletantes et dans sa capacité à calmer la peur. Son nom est donc d’emblée associé à la violence faite aux corps des femmes mais également à l’apaisement, les yeux ouverts sur le réel fantastique. Cette ignorance de « l’haïtianité » de Nou est de courte durée puisque le chapitre 3 lui est entièrement consacré. Il s’ouvre et se clôt par le présent : Nou en train de faire la cuisine dans une atmosphère surchauffée avec, en contre-jour, son époux Eugène qui a 80 ans aujourd’hui. Elle maugrée contre lui qui a toujours délaissé sa femme pour ensemencer la terre. Pourtant elle a eu treize enfants dont peu restent vivants. Ses mains occupées, sa tête dérive vers le passé, manière tout à fait classique d’introduire un long retour en arrière sur le personnage. A quinze ans, elle a été séduite par Eugène, mulâtre à la « peau caramel » aux « cheveux souples ». Et elle raconte sa naïveté et l’excitation partagée à son passage. Elle ose à peine lever les yeux vers lui car elle a bien intériorisé, en tant qu’Haïtienne, son statut inférieur en Martinique. C’est à la page 29 qu’on apprend son origine et l’opprobre qui y est attachée : « Ma mère était noire comme moi, tu sais. Elle en a perdu la vie, violée à mort par des jeunes colonialistes de Port-au-Prince en mal de dépravation. Des étalons en rut auraient été plus charitables. Je ne te l’ai jamais dit. Trop purulent, trop à vif malgré tout ce temps. Comment aurais-je pu t’en parler de toute façon ? Et comment aurais-je pu te parler de ce qui m’est arrivé à moi, après ? Tu ne m’as jamais rien demandé sur mon histoire, en soixante ans de vie à deux. Soixante ans côte à côte ».

Nou a été emportée par la légèreté de l’amour : « Mon corps lui-même ne pouvait y croire. Il n’aurait jamais imaginé séduire un homme un jour. Trop de douleur, trop de cauchemars. Mon sein gauche… sa balafre. Legs inaltérable d’une nuit dans le mitan de l’Atroce ». D’abord décontenancée, Nou ne répond pas aux avances insistantes d’Eugène qui, piqué au vif, insiste et emporte son consentement.

Le chapitre 6 lui sera à nouveau consacré. Nou, cette fois, va remonter plus loin dans ses souvenirs. Elle sourit en pensant que les habitants du bourg auraient dû reconnaître l’origine de ses talents : son apprentissage avec l’Indienne Admonise dont elle fait le portrait envoûtant et légendaire. Les habitants respectaient celle-ci car ils la craignaient. Son hommage à Admonise lui donne le courage de se remémorer sa fuite d’Haïti et son arrivée en Martinique. Après le viol de sa mère puis son propre viol à onze ans le lendemain, Nou a eu l’énergie de monter dans le bateau pour fuir Haïti. Non loin des côtes martiniquaises, le bateau, avec tous ses clandestins, a essuyé une terrible tempête dont les seuls rescapés ont été le capitaine violeur qui finira par sombrer et Nou rejetée sur la grève. Admonise l’a recueillie et soignée : « C’est Admonise qui me soigne, jusqu’à ce que mon corps retrouve son unité, jusqu’à ce que mon sexe se referme sur les horreurs qui l’avaient ouvert, que les cicatrices soient autant de preuves que j’ai survécu. C’est elle qui m’apprend la musique de la cuisine ».

C’est elle qui lui apprend à accepter son destin de femme lors de ses premières menstrues lui racontant son histoire encore plus atroce que les deux viols évoqués et qui, en deux pages denses, installe la mémoire de l’horreur de l’esclavage avec sobriété et intensité. Tout cela par communion d’esprit puisqu’Admonise ne parle pas et qu’après ce récit transmis à Nou, elle meurt : « Cette matinée de total effroi ne s’effacerait de sa mémoire aux yeux morts que cent deux ans plus tard, le jour où elle donnerait de nouveau la vie en sauvant de l’oubli une enfant mourante échouée sur une plage abandonnée ».

La sévérité de Nou à l’égard de sa petite fille, après l’amour qu’elle lui portait augmente notre curiosité sur le geste d’Eva esquissé en début de roman : que s’est-il passé avec Théo ? Que s’est-il passé dans la forêt ?  De quoi Nou se sent-elle responsable ? Pourquoi n’aime-t-elle plus sa petite fille comme avant alors qu’elle avait été la seule à tenter de lui expliquer le désamour de sa mère ? Car  lorsqu’Eva est revenue envoûtée de la forêt, Nou lui a raconté l’histoire de Marie-Louise, cherchant ainsi à l’apaiser. Les cinq derniers chapitres sont ceux où, lentement, se dénouent les nœuds des relations de cette famille et Nou ne peut être passée sous silence. Eva qui n’a jamais voulu « ouvrir la digue » se confie à son amie Nehla, celle qui l’a sauvée du gouffre : « Tu sais, quand je glissais ma main dans celle de Nou, que son regard se posait dans le mien avec cette complicité immédiate – de la malice, même dans le malheur le plus noir -, je pouvais absolument tout affronter. Le monde sadique dans son intégralité. Et plus tard, même quand sa main était partie, je fermais les yeux et me rappelais. Au début, le souvenir n’amenait que peine et souffrance, mais un jour j’ai su. Cet amour avait bien existé, j’avais donc en moi la force de me lever et de hurler que je pouvais continuer à vivre ».

Nou aurait été une naufragée de la vie sans l’intervention d’Admonise. On comprend alors pourquoi à Londres, comme Nou l’a fait en Martinique, Eva s’acharne à oublier le passé. Car la vie d’Eva Augustin, alors qu’elle est dentiste à Londres, couvre aussi une partie de l’œuvre. Son obsession, sa règle de conduite, est d’effacer le passé pour pouvoir vivre et toute sa volonté est tendue vers ce but, malgré les avertissements de Nehla, son amie. C’est la mort de Mamie Nou qui est le déclencheur de « retour » : la digue est ouverte. Le retour dans l’île est précédé de retours de mémoire, par bribes… Au lecteur de suivre ! Des plus beaux aux plus sordides, les siens et ceux des siens. Eva tourne comme une toupie folle dans la haine de sa mère et ne peut arrêter le mouvement.

Eva est porteuse de l’héritage de Nou. Comme l’Indienne lui a raconté sa propre tragédie, Nou a transmis à sa petite fille ce qu’elle n’a dit à personne. Comme l’Indienne l’a mise au monde à nouveau après la terrible tempête et le viol, gigantesque métaphore d’un enfantement douloureux, Nou a ramené à la vie Eva, au retour de la forêt et c’est la mort de Théo qui a rompu le processus de guérison ; peu à peu Mamie Nou a rejeté sa petite fille, comme les autres, puis s’est enfoncée dans la perte de mémoire, atteinte de la maladie d’Alzeihmer. A la mort de Mamie Nou, Eva doit faire le retour vers l’île originelle pour reprendre seule la fin du parcours, riche et forte de ce que sa grand-mère lui a offert. Le souvenir se libère jusqu’à l’aveu et le récit de la scène initiale : la mort de Théo.

Pour que le parcours s’achève véritablement, il faut que le geste de folie violente d’Eva soit relié à la chaîne des malheurs des femmes de son ascendance : l’Indienne, l’Haïtienne, Marie-Louise, la mère refusant cette enfant de la contrainte et du non-amour. Eva doit pouvoir prendre la décision de rompre cette geste du malheur et de la violence, en l’exprimant, en l’extériorisant, en dépassant les contes de Mamie Nou qui ne sont pas la fatalité des vies de femmes : « Il y a toujours eu trop de femmes dans cette famille. Et moi, descendante de leur terrifiante lignée, héritière de leur Histoire. Condamnée parce qu’elle m’a faite. (…) Trop de femmes… Mon ventre abrite une fille aujourd’hui. Ma fille. Mon premier enfant. Je ne veux pas cette malédiction pour elle. Je le dis. Je veux que s’arrête cet inéluctable ». Entre Nehla et Déniel, Eva vit sa grossesse dans une relative sérénité, enfin réconciliée avec elle-même en refusant d’être marquée à jamais par la violence exercée sur les femmes de sa lignée.

En ce mois de mars 2021, Audrey Pulvar est revenue, à au moins deux reprises sur les ondes, sur les accusations de pédocriminalité portées par ses trois cousines contre son père, Marc Pulvar, syndicaliste martiniquais connu et décédé en 2008. Elle a confié, à Apolline de Malherbe, des souvenirs de ses 5-6 ans : « Un certain nombre des faits se sont produits quand nous étions en vacances. Le soir, on dormait sous une tente de camping. Il y avait le lit de mon père, le lit de ma cousine et le mien, c’était des petits lits de camps. Je sentais bien qu’il se passait des choses anormales et qu’il y avait un climat très malsain sur lesquelles je ne savais pas mettre de mots, je ne savais même pas ce que c’était, pourquoi les choses me semblaient déglinguées… ». Elle a respecté la volonté de ses cousines de ne pas parler pendant toutes ces années puisque c’était elles qui avaient été agressées.

Or, dans Les Siestes du grand-père, Monia Ben Jemia remarquait dans son dernier chapitre avoir trouvé des études scientifiques qui montrent les traces que laissent sur le cerveau ces agressions et la transmission qui s’opère : « mais ces changements épigénétiques sont réversibles ». Même si on ne la subit pas soi-même, la force de destruction de l’agression peut se transmettre et seule la parole peut rendre réversible le processus de démantèlement de l’être. Ces éléments semblent éclairer, pour une interprétation plus approfondie, le parcours chaotique d’Eva, enfant sauvage de la forêt, héritière de Nou, elle-même reconstruite par Admonise. Lorsqu’elle parle de son père, Audrey Pulvar insiste sur le fait qu’elle est la fille d’un monstre. Le troisième roman que nous allons parcourir maintenant oblige à écouter, à partager, à observer la parole d’un monstre et les raisonnements qui l’habitent.

Le Sari vert (2009)

Ce roman raconte le huis clos, dans une maison mauricienne, entre un vieillard atteint d’un cancer et sur le point de mourir et deux femmes : sa fille de 64 ans, Kitty et sa petite-fille de 40 ans, Malika. Il est revenu chez sa fille pour qu’elle s’occupe de lui sans renoncer une minute à sa méchanceté et sa haine des femmes. Mais Kitty et Malika ont décidé de lui faire avouer l’assassinat de sa femme, leur mère et grand-mère. On ne partage leur point de vue qu’à la fin du récit. Celui-ci est entièrement occupé par la voix et les pensées de cet homme à la misogynie délirante et sans limite, en un monologue entrecoupé de quelques dialogues d’une rare violence. Il a tous les droits car il est le « Dokter-Dieu » !

De son lit, il les entend murmurer entre elles et cela donne à sa bouche « un goût de fiel », ce fiel qu’il ne va cesser de déverser. C’est bien sûr l’inceste qui retiendra notre lecture. A la mort de sa femme, il a « hérité » seul de sa fille et presqu’immédiatement il l’a placée en son pouvoir en la rendant totalement dépendante de lui : elle n’a que deux ans ! : « Je lui disais alors Kitty, Kitty, viens ma chatte, viens sur les genoux de Papa. Et elle soupirait, elle tremblait, elle s’approchait ». Aujourd’hui, Kitty est une vieille apeurée de 64 ans. Il commente : « et toujours cet air d’enfant sur le point d’être tabassé. Je souffle entre mes dents, d’un ton chantant, viens, Kitty, Kitty, ma chatte. Elle est seule à m’entendre. Elle connaît par cœur cette mélodie-là, ma Kitty, n’est-ce-pas ? »

En pensée, il ne cesse de l’humilier comme il l’a toujours fait en réalité. Malgré sa maladie, il a encore la capacité de lui nuire et il ne s’en prive pas car Kitty n’a pas coupé le lien qui la relie à son père et surtout la peur qu’il a imprimée en elle. A sa demande, elle le masse, comme quand elle était enfant, le massage finissant toujours de la même façon : « Si elle pouvait ne se résumer qu’à ces mains sur mon dos, je lui pardonnerais tout. Mais j’entendais aussi sa respiration, je percevais le tremblement de peur dans son corps, je voyais derrière mes yeux fermés sa face de bête prise au piège et je sentais la colère qui naissait dans mon abdomen en y répandant une chaleur dure. Mes cuisses se pétrifiaient, ma respiration devenait de plus en plus profonde et je savais que, lorsque ses mains auraient dénoué tous les nœuds et m’auraient enfin soulagé, je soulagerais, moi, ma rage d’homme sur la sangsue qui refusait de me libérer de moi-même.
Quand, le moment venu, je me retournais vers elle, les larmes coulaient déjà silencieuses, sur ses joues. Je lui demandais alors, avec ce calme qui la terrifiait : Ne t’ai-je pas dit de ne pas pleurer pour rien ? »

Cette agonie a sonné l’heure de vérité et le Dokter-Dieu ait persuadé de garder l’avantage sur ces deux créatures inférieures. Mais lorsque, nu sur le lit, Kitty le regarde et dit : « C’est ça, un père ? », il commence à être décontenancé et s’énerve car, au lieu de pleurer, elle rit : « Mais ses yeux sont à présent accrochés à mon, à ma, enfin à ma chose, là, aucune honte, besharam, c’est incroyable, je suis outré, choqué, ma propre fille tout de même, qui me regarde ainsi et qui ne dit rien, qui ne parle même pas des yeux, encore moins de la bouche, mais qui, mais qui, pas de ça, arrête, tu entends, il n’en est pas question, arrête de me regarder ainsi je ne le supporte pas, tu entends ? »

A un autre moment, il se souvient du cadeau qu’il lui a fait pour ses quinze ans : une jolie tenue pour sortir. Il s’est caché dans l’armoire pour voir sa réaction mais quand, heureuse, elle s’est mise à danser, il est sorti comme un fou et a tout déchiré en ne prononçant qu’un mot, « Chienne » !

Miraculeusement, Kitty s’est libérée en épousant un homme doux et aimant. Son père se souvient d’une nuit passée chez eux où il a entendu leurs ébats. Fou d’une jalousie meurtrière, il a lacéré le sari rose qu’elle avait porté comme il avait lacéré le sari vert de sa mère : « de rage, de rage, j’ai pris mes ciseaux à ongles et j’ai tailladé le sari jusqu’au sang, je l’ai lacéré comme on lacère une peau, j’ai pris soin de ne laisser aucun endroit intouché, je devais les poignarder tous les deux à chaque recoin de leur corps pour me sentir bien, pour me sentir libre des mensonges du sari enroulé autour d’eux et de leurs organes déployés devant mon visage
le rat, le rat, j’assassine le rat et sa cohorte.
Le rat qui m’a tout pris et qui a même usurpé ma virilité ».

Et plus loin : « (…) des années de, oui, disons-le, n’ayons pas peur des mots, de jouissance où j’ai été comblé comme aucun homme, jusqu’à ce que Kitty finisse par prendre la fuite et se séparer de moi. Mais que m’importait : j’avais eu ce qu’il y avait de plus précieux en elles.
Je suis de la nature des conquérants. Qui ose dire le contraire ? Qui veut maintenant me prendre ma place ? Pourquoi en aurais-je honte ? »

Rien n’est de sa faute, tout est celle des femmes : il aurait voulu aimer Kitty mais il a été obligée de la punir car elle se mettait à ressembler à sa mère : « Les nuits où elle pleurait après être sortie d’entre mes mains sont restées gravées dans ma chair. Mais elle ne l’a jamais compris ni su le mériter. Elle est devenue cette femme idiote, sans cervelle et sans souvenir ». Sa petite fille l’affronte et lui dit tout ce qu’elle pense : elle le traite de « monstre ». Il jubile et revendique en un long monologue cette qualification : « Celui que l’on dit monstre est l’expression la plus belle et la plus achevée de l’espèce (…) il est l’idéal de la sombre masculinité dont les mythologies investissent les dieux et les démons. Les mythologies n’ont pas de moralité, elles célèbrent l’absolue hégémonie de la force ».

Pour tester son pouvoir, il appelle encore une fois sa fille : « Viens, Kitty, Kitty, ma chatte. Souviens-toi, tu hésitais et puis tu venais ». Lorsqu’il la serrait de plus en plus fort dans ses bras, le soir dans son lit : « elle ne disait rien, ne protestait pas, ses yeux me regardaient le soir en me suppliant de rester jusqu’à ce que les larmes coulent, larmes de Kitty, infinies, inépuisables, matin, midi et soir, corps de Kitty qui change à treize ans, à seize ans, faire attention, ne pas se laisser découvrir, je suis médecin après tout, mais un jour je finis par me faire piéger de nouveau par la diablesse et c’est ce qu’elle voulait, non, c’est ce qu’elle voulait ». Kitty vient mais comme dans la scène précédente de la nudité du père, elle lui dit tout ce qu’elle ne lui a jamais dit et, en particulier, elle lui reparle de ce fameux anniversaire de ses quinze ans : « emportée par ma valse, je me suis retournée vers le miroir et dans le reflet j’ai vu ton visage par la porte de l’armoire entrouverte, et le monstre était toujours là. La peur est débilitante au point où rien d’autre ne compte, ni envies, ni espoirs, ni possibilité de rébellion. La peur est l’esclavage ultime, d’où on ne sort que par la mort ».

Malgré sa morgue, le vieillard est déstabilisé quand il comprend que son ultime manœuvre : faire croire à Kitty que c’est elle qui a brûlé sa mère, a échoué. Car, bien que très jeune, Kitty n’a pas oublié l’allumette que son père a jeté sur le sari. Il s’adonne à son dernier délire : celui de l’amour qu’il a donné à sa fille, « de l’amour d’un homme » dont il veut se persuader qu’il inondait sa fille de bonheur. Mais Malika et Kitty ont quitté la maison et le laissent mourir seul.

Un épilogue, en italiques, réunit trois femmes au-dessus du cadavre de l’homme. Elles ont « un sourire joyeux ». Est-ce un humain, ce corps immobile ? La plus jeune part vivre sa vie, la plus vieille peut enfin vivre sa mort. Ne reste que celle du milieu qui a surmonté la violence mais reste une femme détruite. Le sari est certainement le symbole plus fort, tel que le met en scène Ananda Devi qui s’est expliquée sur la double symbolique de ce vêtement : « Le voile en général est un symbole féminin mais qui peut aussi devenir une interdiction d’exister du corps. Le sari est un vêtement sensuel que je considère le plus beau vêtement du monde ; mais la burqa est un vêtement qui est un carcan, un déni de ce que la femme a de beau. Donc tout voile a deux sens». Comme le montre Cécile Vallée dans son étude de cette écrivaine, pour la romancière, il s’agit de se réapproprier ce qui sert à lui confisquer sa féminité dans la société patriarcale. On retrouve l’objet « sari » et la symbolique qui lui est attaché dans presque tous ses romans. La couleur même du sari enferme les femmes dans des rôles. Avec ce titre, elle voulait ainsi tendre une « sorte de piège » au lecteur qui pourrait s’attendre à voir s’enrouler voluptueusement ce sari vert autour d’une femme aimée et qui se trouve confronté à la violence d’un narrateur obsédé par la destruction de ce sari, par la destruction des femmes, une fois qu’on les a consommées ; car ce monstre est aussi un ogre qui dévore. Porter un sari n’est donc pas anodin. Cela révèle la façon dont la femme se positionne dans la société patriarcale, quel rôle elle accepte, quelle transgression elle se permet.

Le prédateur est tour à tour démon, monstre, diable, « La » Bête… Emporté par sa lubricité et son besoin de domination, il viole avec volupté et duplicité, persuadé du consentement de la petite fille. On voit, à travers ces trois fictions que chaque écrivaine représente les stratégies et les dégâts de l’inceste selon les codes culturels et sociétaux de son pays mais la destruction de la fille incestée est semblable d’une société à l’autre. La différence d’avec les témoignages, c’est que, d’une certaine façon, chacune de ces fictions évoque une résilience possible par l’intervention des aînées ou par une revanche sur la violence grâce au dépassement de la peur et la possibilité de revivre. Dans le réel, c’est rarement le cas. Mort ou emprisonnement au bout des parcours montrent que la justice doit faire son travail pour une reconstruction.

Ananda Devi, Le Sari vert, Gallimard, 2009, réédité en Folio.
Gisèle Pineau, L’Espérance-macadam, 1995, réédité au Livre de poche.
Audrey Pulvar, L’Enfant-bois, Mercure de France, 2004, réédité en Folio.