COVID-20

Ciceron's Aratea (Bibliothèque britannique, Harley)

Non,ce ne sera pas un texte sur le Covid-19, un de plus. Encore moins un texte sur le monde d’avant et le monde d’après, un de plus.

Pour le titre, comme nombre, on a choisi 20 (on est en 2020, deux fois 20, alors 20 s’imposait). On a gardé le tiret et Covid (sans le 19, ce n’est qu’un Co suivi d’un vid).
Donc, Co collé à vid tiret 20.
Une première partie Co.
Une seconde vid.
Une troisième tiret.
Une dernière 20.

Commençons. Co. Co comme quoi ? Aucune idée. Regarder dans le dictionnaire, regarder les mots commençant par Co ?
Pour commencer, on peut aller voir à Commencer, qui commence par Co. Mais cela ne nous avance pas, on y lit que commencer c’est « faire la première partie d’une chose ou d’une série de choses », ce que l’on savait. Quant à la citation de Racine : « Ciel ! Que vais-je lui dire, et par où commencer ? », elle nous ramène, sans réponse, à notre questionnement.
Revenons en arrière. Un premier mot retient notre attention, Coccinelle, on aime bien les coccinelles, on les attrape et on les observe avancer sur le dos de notre main, ou au creux de notre  paume, elles sont mignonnes – il est précisé qu’on les appelle communément « bêtes à bon Dieu », on peut également les écraser entre deux doigts, ça donne un petit bruit craquant agréable.
Puisqu’on parle de son : Coda, le coda conclut un morceau de musique, « le coda d’une fugue » (mais on ne va pas déjà conclure, et ces pages seront-elles musicales?, on peut en douter).
Le Cœur. Viscère pulmonaire (d’où l’expression « Joli comme un cœur ») qui bat, puis un jour cesse de battre. Rien d’autre à en dire (l’amour, etc., on laisse).
Un Coffin, l’étui rempli d’eau où le faucheur place sa pierre à aiguiser, on ne connaissait pas ce mot, le mot et la chose nous plaisent. Faucheur, on aiguise coffin, jusqu’à son Co.
Coi et Coite, voilà, c’est écrit, silence.
Coït, vous l’attendiez, on pourrait vous contenter, des pages et des pages de baise, mais plus on regarde ce mot de près, plus il semble nous regarder de loin, plus on le regarde, plus il devient étranger, perd tout son sens, se réduit à une suite de lettres : c-o-ï-t
La plante de Colchide, le pays de Médée, l’empoisonneuse. La plante d’automne des prés humides. Le Colchique mérite son Co.
Et on persiste, on Collige, on réunit en un recueil des Commensaux Composites (peut-être, cependant, quelques points de jonction entre eux, quelques Commissures ?).
On chantera notre (C)office jusqu’aux Complies. On essaiera d’être Concis, quitte à Commettre des Concetti vaseux. Si jamais des Congères nous barrent la route, on  n’hésitera pas à les exploser.
D’ailleurs ça y est, on est arrivé au bout du chemin : 19 Co. On va finir avec Coquillette. On adore les coquillettes, au beurre et avec du fromage râpé, un plat simple et délicieux, un plat de l’enfance.

Vid maintenant. Les mots débutant par Vid. Ce sera plus difficile que pour Co. Il en faut 20 (c’est le principe, 20 mots à chaque fois, comme Covid-20), et il n’en existe qu’une trentaine, dont quasiment la moitié a un rapport avec vide : vidage, vidange, vidanger, vidangeur, vidé-ée, videlle, videment, vider, videur, vidoir, viduité, vidure. On va tenter le coup, on va commencer (tiens, un ancien Co) par Vide.
On l’a promis, ce texte sera vide de tout monde d’avant et d’après, vide est donc justifié, il mérite sa place, et puis on a trouvé ces mots de Bossuet : « Des siècles vides, où aussi bien on n’a rien à raconter », un peu notre cas, non ?
On ne va pas tricher, on ne va pas garder la totalité de la liste des vide & co (oui, vous avez bien lu, Covid à l’envers), on va en sélectionner deux, trois, on verra pour la suite.
Vidangeur. Gamin, on aimait particulièrement les vidangeurs, on aimait leurs camions cylindriques, leurs gros tuyaux qui serpentaient sur les trottoirs, se glissaient dans les entrées des maisons, on aimait l’odeur exquise répandue.
Viduité (aucun commentaire, viduité).
Vidure, ce qu’on enlève en vidant quelque chose, est le dernier mot de la liste des vide & co, il précède vie, viduité et vidure précèdent vie, qui est suivi par vieil.
Le reste des Vid ne nous intéresse pas. Sept mots composés à partir de vide (Vide-bouteille pourrait éventuellement être sauvé, dans son ancienne signification de « petite maison avec un jardin près de la ville ») et neuf mots tournant autour de vidéo – les images sont assez nombreuses sur nos écrans, inutile d’en rajouter.
Le vide des Vid se confirme (14, si on inclut la liste des vide & co, finalement on triche, bien obligé). Pour les six manquants à vous de consulter un dictionnaire et de décider. On fatigue.

On passe à Tiret. Trois mots démarrent par Tiret.
Tiret lui-même (qui se termine aussi par Tiret) et qui en dehors d’un trait est « un petit morceau de parchemin long et tortillé, servant à enfiler et à attacher des papiers ». Tiret a droit à une citation d’un écrivain de seconde zone de la première moitié du XXe siècle (on anticipe sur le 20 qui doit suivre), dont l’œuvre se résume par conséquent à cette citation : « Il y aurait, gravées sur sa tombe, deux dates côte à côte, 1876-1925, séparées par un tiret. Ce tiret était sa vie. »
Tiretaine (une étoffe grossière).
Tirette. Plusieurs acceptions et nous retenons « long sarment de vigne contourné », que nous dédions à Stendhal, qui les appréciait : « Un joli feu de sarments, feu vif qui servait à préparer mon souper ».

Trois mots, comment continuer ?

Une solution : ajouter neuf mots en Ti et huit en Ret, ou le contraire (huit en Ti et neuf en Ret).
La première syllabe de Tiret, Tiretaine et Tirette étant Ti, donnons l’avantage à Ret. Allons-y. Huit mots en Ti, neuf en Ret.
Tic, on en a un , un TOC, se titiller les oreilles avec une allumette (Titiller, deux fois Ti, tic-tac, tic-tac).
Tigron, ou Tiglon, qu’est-ce ?
Tilleul, bel arbre. Tisane dégueulasse.
Tinette renvoie à vidangeur.
Tirade, ne craignez rien, on  ne vous en infligera pas.
Retâter (du Ret).
Retenir (un Ret).
Retentir (le son du Ret, le soir, au fond des bois).
Retoucher (le Ret).
Retourner (au Ret).
Retrancher (surtout pas un Ret !).
Retremper ( dans le Ret ).
Retrouver ( le Ret aimé ).
Rets ( pris dans les rets du Ret ).

             – Aucune tirade, vous pouvez le constater, aussi sec qu’un tiret –

Les mots en Vingt, comme pour Tiret, sont rares. Quatre : Vingt, Vingtaine, Vingtième, Vingtièmement.
L’homophone Vin fera l’affaire (votre Vindicte monte, vous pensez qu’on joue la facilité, vous avez raison, mais comment procéder autrement, les mots nous font défaut, vous le voyez bien, allez, on vous propose un pot-de-vin, en espérant que vous soyez compréhensif, et moins Vindicatif).
Qui dit Vin dit Vin, dont la composition chimique nous apprend qu’à 70-80 % il s’agit d’eau, enrichie de substances minérales (souffre, phosphore, fer, cuivre) et organiques (sucres, protides, acides, alcools, diastases, tanins, vitamines).
Vin est à l’origine d’une flopée de mots, Vinage, Vinasse, Vineux, Vinicole, Vinifère, Vinification, Vinosité, etc.
On y ajoutera Vinaigrette, car vinaigrette rime avec coquillette, tirette et tinette, et on vous passera un peu de musique pour vous calmer (un Vinyle Vintage).
Enfin, pour ne pas avoir écrit en Vain, pour ne pas être Vaincu, mais au contraire Vainqueur, on conclura avec ces trois mots en Vain, et vu le résultat plutôt affligeant, on citera une dernière fois Bossuet : « Tout est vain en l’homme, si nous regardons ce qu’il donne au monde. »

Co vid tiret 20 → 80 mots (dont six à votre choix).

Ces pages ne sont pas un Vindas – en gymnastique, un « pas- de -géant » – dans l’histoire de la littérature (vindas, un vingt-et-unième Vingt, histoire de transgresser la règle), mais remerciez-nous quand même, on vous a épargné le monde d’avant et celui d’après. A la place, on vous a offert des mots.

Piscis Magnus from BL Harley 647, f. 11