En finir avec la politique du pompier pyromane (Syrie)

Dans le nord-ouest de la Syrie, une dernière grande bataille fait rage entre la rébellion et les forces loyalistes de Bachar Al Assad soutenues par l’aviation russe. Mais le véritable nom de cette dernière bataille est massacre, il s’agit bien d’une épuration ethnico-religieuse de grande ampleur.

Là, sous nos yeux, en ce moment, près d’un million de civils ont déjà fui les bombardements, 3 millions restent piégés sous un déluge de bombes, et c’est l’hiver, ils meurent littéralement de froid, familles, enfants, vieillards. L’aviation russe vise et tire sur les hôpitaux, les écoles, les marchés pour terroriser la population et forcer les rebelles à se rendre. A titre de comparaison, d’indication plutôt, car ces chiffres ont tendance à devenir abstraits tant ils sont difficiles à intégrer, la Retirada ce fut 500 000 Espagnols qui traversèrent la frontière pour fuir les forces du général Franco, idem 500 000 Juifs de Hongrie furent déportés par les nazis. En nombre de victimes, la Syrie c’est donc la Retirada et les Juifs de Hongrie, je ne classe aucun malheur mais peut-être que cette façon de dire humanisera ce million si vague et lointain bien que terrible. Staline avait-il raison quand il disait : « La mort d’un homme est une tragédie. La mort d’un million d’hommes est une statistique » ?

Je suis proche du CNRI (Conseil National de la Résistance Iranienne), et je viens de signer cette lettre d’un de ses partenaires, le Collectif pour une Syrie libre et démocratique (CSLD). Pour ceux qui ne savent pas ce qu’est le CNRI, j’avais fait un documentaire pour France Culture, sous l’angle de la question des femmes iraniennes résistantes.

Tout est lié, et ce qui est dit dans ce documentaire de la « position » de la France (formulée très clairement par Rama Yade, notamment) me semble hélas toujours d’actualité. Tout est lié : des milices financées par l’Iran participent aux massacres en violant et tuant les civils. Plusieurs millions de Syriens ont trouvé refuge dans les pays voisins, notamment la Turquie et le Liban. Ces pays ont depuis fermé leur frontière à cause de troubles politiques internes et d’un manque de moyens financiers pour accueillir les nouvelles victimes du régime de Damas. Raphaël Pitti, médecin humanitaire engagé en Syrie depuis des années, répondait récemment aux questions d’Ali Baddou, et ce faisant il rappelait une réponse donnée par le Président Macron : la France préfère une politique transactionnelle avec la Russie.

Voici l’appel du Collectif pour une Syrie libre et démocratique :

Sauver la population d’Idleb

Appel au Président de la République française avant la rencontre du 5 mars 2020

Monsieur le Président de la République,

Le 27 octobre 2018 à Istanbul, avec la Chancelière Angela Merkel, les Présidents Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdoğan, vous avez cautionné la consolidation du compromis négocié le 17 septembre à Sotchi entre les présidents russe et turc, qui affirmait instaurer une trêve pour éviter un assaut des forces du régime syrien sur la poche d’Idleb et sécuriser quelques 3 millions de civils.

Mais en fait, Monsieur le Président, Vladimir Poutine, avec son protégé Bachar Al Assad, a continué de bombarder systématiquement les populations civiles en ciblant et en détruisant leurs hôpitaux, leurs écoles et leurs marchés, tuant des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants, et provoquant un exode en plein hiver de près d’un million de personnes aujourd’hui sans abri. Vladimir Poutine est responsable de crimes de guerre et de crimes contre l’Humanité, comme il l’a été en son temps à Grozny, afin de terroriser les populations.

Le 5 mars 2020, avec les mêmes protagonistes, un nouveau sommet devrait, selon les dires du Président Recep Tayyip Erdogan, tenter d’arrêter les combats.

Monsieur le Président, la naïveté n’est pas de mise : après Grozny et après les crimes de guerre et contre l’humanité commis en Syrie par l’armée russe depuis 2015, il est impensable de remettre le sort des 3 millions de syriens d’Idleb à Vladimir Poutine.

Monsieur le Président, il y a urgence, il appartient à la Communauté internationale dans le cadre de l’ONU, à l’Union Européenne, d’imposer l’arrêt du massacre et de la déportation de la population civile, d’exiger le libre accès de l’aide humanitaire et l’application du droit international afférent à la Syrie.

Monsieur le Président, la lâcheté n’est pas de mise de la part des démocraties. Elles ne doivent pas craindre de mettre en demeure les pays qui violent le droit international, d’opposer des contre-mesures aux frappes visant Idleb, et de mettre en œuvre de lourdes sanctions diplomatiques et économiques à l’encontre des pays et de leurs dirigeants qui bafouent chaque jour à la face du monde, en toute impunité, le droit humanitaire international et des Résolutions de l’ONU sur la Syrie.

La catastrophe humanitaire, annoncée depuis plus d’un an, est aujourd’hui la triste réalité. Mais il est encore un peu temps d’éviter qu’elle ne soit décuplée.

À Idleb, pour préserver des relations économiques avec la Russie, nous sommes en train de perdre notre propre humanité et de nous rendre complices de crimes de guerre.

Jeudi 5 mars 2020, Monsieur le Président, soyez porteur de ce cri d’alarme et de cette pressante requête.

un mail pour soutenir cet appel : collectif.psld@gmail.com
Liens :
Entretien télévisé avec Raphaël Pitti.
Appel et liste des premiers signataires.