Colette, l’insoumise (documentaire Arte)

Colette l'insoumise © Arte

Quelle femme était Colette, au-delà de l’auteur des Claudine et du Blé en herbe ? Une icône de la Belle Époque, une danseuse, une journaliste et surtout une rebelle, terme qui pourrait définir une femme, sa vie, son œuvre, au centre du documentaire Colette, l’insoumise de Cécile Denjean qu’Arte diffuse lundi prochain, 22 avril, portrait d’une femme aux « mille et une vie, mille et une éclosions ».

L’œuvre de Colette est d’une modernité ébouriffante, étouffée par les anthologies scolaires. Odes au plaisir écrits par une « reine de la terre » en connexion « magnétique » avec les animaux, explorations du mentir-vrai de l’autofiction — avec sa mère Sido comme « personnage principal » de toute sa vie, selon ses propres termes —, ses textes sont anticonformistes, une puissante contestation du genre, dans le sens sexuel comme narratologique du terme. Née en janvier 1873, Gabrielle Colette n’eut de cesse d’échapper aux chemins linéaires : contrainte de quitter sa Bourgogne natale par la faillite familiale, elle s’installe à Paris pour y gagner, farouchement, son indépendance. Mariée au sulfureux Willy, journaliste parisien publiant des écrits libertins produits par une armée de petites plumes, elle s’adonne à la série des Claudine et s’auréole d’une réputation de scandale.

Colette, d’abord malade des tromperies du volage Willy, fait de la coqueluche du tout-Paris de la Belle Époque son « partenaire mondain » et devient l’amante de ses maîtresses. Elle publie Claudine à l’école (1900), coupe sa longue natte pour mieux ressembler à son héroïne incarnée par Polaire au théâtre (Willy, Polaire et elle s’afficheront comme un sulfureux ménage à trois). Colette partage ses nuits entre hommes et femmes.

Colette l’insoumise © Arte

Elle écrit des suites à Claudine, toujours sous le nom de Willy que, lasse d’être une marionnette, elle finit par quitter, se lance dans le music-hall — « métier de ceux qui n’en ont appris aucun » — et met sa vie en scène, faisant de son patronyme son nom de plume.
Le film suit alors le fil d’une vie toujours plus libre, celle d’une « amoureuse invétérée », multipliant les passions, les scandales et pas de côté, les métamorphoses — elle ouvrira même un institut de beauté, quand, après la crise de 29, les romans se vendent mal —, façonnant jusqu’au bout sa légende.

Appuyé sur des archives d’une richesse infinie (photographies et films), le documentaire déploie la vie d’une femme libre, digne fille d’un père idéaliste, se rêvant écrivain (et laissant à sa mort les milliers de pages blanches d’une œuvre demeurée imaginaire) et d’une mère libre-penseuse qui allait à la messe en cachant le Théâtre de Corneille dans son missel, accompagnée dans l’église par son chien, Domino (dressé à aboyer à tout coup de clochette et s’en donnant à cœur joie pendant l’Élévation).

Colette aura à sa mort en 1954 des funérailles nationales, première femme à accéder à cet honneur, tandis que L’église lui refuse des obsèques religieuses pour « conduite inconvenante ». Tout est dit.

Colette L’Insoumise © Arte

Colette, l’insoumise, documentaire de Cécile Denjean (France, 2018, 53 mn), coproduction Arte France et Roche Productions — Diffusion : 22 avril 2019 à 22 h20 / 27 avril 2019 à 5 h 20 / 9 mai 2019 à 3 h 00.
Documentaire précédé de Chéri, film de Stephen Frears à 20 h 55, le 22 avril 2019.