Vaudou Game : Tata fatiguée

Extrait d’Otodi, le nouvel album du groupe Vaudou Game, « Tata fatiguée » énonce des paroles directement politiques sur un rythme impeccablement funk.

Si Tata est fatiguée, c’est qu’elle travaille tous les jours « pour gagner la misère ». Le travail est ici non ce qui enrichit ou permet de vivre mais ce qui, paradoxalement, produit la pauvreté, condamnant celle qui travaille continuellement à ne parvenir pourtant qu’à garantir la satisfaction de ses seuls besoins primaires, sans pouvoir « s’offrir un petit chocolat ». La différence est très mince entre travail et esclavage, surtout pour celle qui dans la chanson est fatiguée, la femme qui cumule travail domestique, qui « fait à manger », et travail rémunéré pour « payer les factures ». Le travail aliène et épuise, déshumanise.

Au rythme répétitif et incisif du funk, évidemment très dansant et entêtant, correspond le caractère bref, simple et également répétitif des énoncés. Ce montage entre la musique et le texte transforme les paroles en slogans dénonçant les conditions d’un système qui asservit et ne propose comme horizon que la seule satisfaction difficile et précaire des besoins. Le personnage évoqué dans la chanson l’est selon des caractéristiques précises mais suffisamment générales pour que celles-ci deviennent ce qui caractérise collectivement celles et ceux qui travaillent pour mieux être asservi.e.s. « Tata fatiguée » n’est pas uniquement une chronique : la chanson est, à travers l’évocation d’un personnage singulier, une chanson politique, ses paroles étant celles d’un peuple qui dit son propre asservissement – le dire étant déjà une protestation, une contestation.

Peter Solo et son groupe ont enregistré « Tata fatiguée », comme l’ensemble de l’album, au Togo, à Lomé, dans le studio Otodi – lieu qui donne son nom à l’album mais qui convoque aussi une histoire. Le studio Otodi, ancien studio redécouvert pour l’occasion par Vaudou Game, a permis au groupe d’enregistrer dans les conditions du live, en analogique, retrouvant le son caractéristique de l’Afro-funk et de l’Afro-beat des années 70 – son qui n’a pas aujourd’hui qu’une dimension esthétique ou nostalgique mais qui résonne de toute la dimension politique qui accompagne ces courants musicaux indissociables de revendications sociales et d’un discours contestataire collectif.

Ce sont ces dimensions qui sont présentes dans Otodi qui, alliant le funk le plus parfait à des éléments de la musique vaudou, prenant parfois la direction du disco, véhicule une protestation sociale et politique actuelle.