« N’ai-je pas toute la mort devant moi pour me retrouver ! » : Franck Venaille (1936-2018)

Apprendre que Franck Venaille est mort ce jeudi 23 août. Relire Hourra les morts ! qui commence et se termine par sa naissance : « on crie comme une tombe…  quand, au monde, écumant, je vins ». La naissance et son pourquoi ?, mais, n’est-ce-pas, « J’ai toute la mort devant moi pour me comprendre. » (Et en disant je, Franck Venaille dit nous : « On + On = Mon unique personne. On ! »).

Hourra les morts ! : une enfance et une jeunesse revécues quarante-cinq ans plus tard.
« Onzième cercle », Paris : « Ce mystère que je traque, laissez-lui donc sa voie parmi les rues de mon arrondissement, onzième dans l’ordre numérique. », et qu’il s’exprime « en faubourien, en onziènois, en paulbertillan » (« Et je dis : longue vie à la camarade rue Paul Bert ainsi qu’au camarade quartier »).

« Puisque la douleur, ah, comment faut-il donc le dire ?
La douleur fut notre bien, notre droit, notre infirmité de naissance.
Ce qui nous aliéna, nous empêcha, mais aussi nous propulsa. »

Et c’est le langage de la rue Paul Bert (ainsi qu’une version non expurgée des Fleurs du Mal, volée à 14 ans « chez Madame Aubijoux, librairie-papeterie-confiserie-épicerie fine ») qui lui ouvrit « la porte du monde. Afin d’en avoir moins peur je compris qu’il fallait que toute chose soit : nommée. »

(Et c’est, plus tard, en se rendant chaque fin de semaine au stade Bauer, à Saint-Ouen, voir jouer le Red Star, qu’il pensa à la « SIMILITUDE ENTRE LA NERVOSITÉ DU POÈME ET L’ACCÉLÉRATION SOUDAINE DE L’AVANT-CENTRE FACE AU BUT »).

Et c’est ainsi que Franck Venaille écrivit « sur Paris, de Paris, en songeant à la plaque qui sera posée sur la façade de l’immeuble du 14 rue Paul Bert à Paris. »

Et c’est ainsi que dans une dernière page il s’adresse à sa mère :

« Que s’est-il passé dans la tête de la très vieille dame de notre rue Paul Bert ?
Des oiseaux – des oiseaux – des oiseaux, peut-être, y ont pénétré.
Voici l’instant précaire où son esprit chantonne la mélodie ancienne mais,
bientôt, adieu musique ! »

Franck Venaille, Hourra les morts !, Obsidiane, 2003.

Son dernier livre, L’enfant rouge, paraîtra au Mercure de France le 4 octobre.