Le moi de mai

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Mai. Le « joli mois » de la chanson de Bourvil est un mois paradoxal. D’abord, il s’ouvre sur la fête du travail (le 1er) et ensuite il concentre à lui seul près du quart des jours fériés de l’année entière. C’est vous dire si ce mois ne sait pas ce qu’il veut.

Le mois de mai est appelé « mois de patron » quand ses jours fériés tombent un samedi ou un dimanche – le 1er, le 8 et le jeudi de l’Ascension. De même que le lundi de Pentecôte, ce qui est plus rare. A l’inverse, il est appelé « mois à la con » par les membres dirigeants du Medef ou les DRH des entreprises du CAC 40 qui sont obligés de faire eux-mêmes les photocopies du prochain plan de départs volontaires parce que la moitié de leur service est en RTT ou en train de se préparer à manifester de Bastille à République tandis que l’autre moitié est partie en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle dans l’espoir fou de faire abroger la loi sur mariage pour tous. Mais en faisant un détour par Biarritz histoire de se reposer de la route avant les vêpres.

Un peu d’histoire :

Le mois de mai est aussi appelé « mois de Marie » et fut longtemps réservé aux communions et baptêmes. Il faut dire que le mois de mai – et c’est encore plus vrai avec le dérèglement climatique – connaît des températures élevées que l’on n’avait plus connu depuis mai 1431 (autour du 30) et la fournaise rouennaise qui a vu l’égérie à son corps défendant du Front National brûler de sa passion pour le Christ et à petit feu.

Notons au passage pour rester dans le domaine religieux, que mai a souvent été un mois propice au surnaturel puisque c’est en mai à Fatima que trois jeunes bergers ont été témoins d’une apparition mariale et que c’est au cours de ce même mois qu’Emmanuel Macron a été élu président de la république française en 2017… Il faut toutefois noter, avant que les mauvaises langues ne voient des symboles là où il n’y en a pas, que ce n’est que pure coïncidence si les organisateurs des traditionnels défilés revendicatifs ont choisi la fête du travail pour manifester et égrainer leurs desiderata en cortège, au début d’un mois célébrant ceux qui ont vu la Vierge. Là encore, les avis sont très divisés, selon qu’on est manifestant ou de la préfecture de police. Dans tous les cas, y en a païen pour rattraper l’autre.

Le saviez-vous ?

Le 3 mai célèbre la Journée Internationale de la Liberté de la Presse depuis 1994. Le 3 mai, les politiques de tous bords qui le reste de l’année déversent leur haine du quatrième pouvoir qui les dérange avec de bêtes questions sur le financement de leur campagne viennent ripoliner leur image de démocrates bienveillants en disant tout le bien qu’ils pensent de la nécessité d’avoir une presse libre (à condition qu’elle ne reparle pas du financement de leur campagne ou du statut d’auto-entrepreneurs de leurs porte-paroles). En mai 2018, la liberté de la presse est d’ailleurs devenue un thème majeur dans les discours des élus qui se divisent en deux camps : celui des dénonciateurs de fake news et celui des colporteurs de post-vérités. Souvent les mêmes.

Vous apprends-je que le 3 mai est étonnamment le jour du chamerops qui désigne le quatorzième jour du mois de floréal dans le calendrier républicain ? Chamerops, du nom de l’espèce de palmier nain ridicule en appartement et grotesque en extérieurs, est tombé dans l’oubli avec raison, valant au pire 18 points au Scrabble, mais peu facile à placer dans une conversation qui ne traiterait ni de la révolution française ni d’horticulture. Pour information, le chamerops peut être exploité pour la production de crin végétal qui servira à rembourrer les coussins Ikéa, les fauteuils Chesterfield et les matelas Mérinos de la moitié supérieure du globe terrestre ou à la fabrication d’objets tressés tels que nattes, paniers ou cordes à sangler les bœufs faméliques de la moitié inférieure. Afin d’être complet, en tant que plante alimentaire, sachez que le bourgeon apical des jeunes plantes, blanchâtre, est comestible cru ou cuit mais sans intérêt gustatif. Comme les lignes qui précèdent.

Enfin, la rumeur selon laquelle Charles Aznavour aurait écrit fin avril une chanson intitulée « Mes amis, mes amours, mais en mai… » avant d’opter pour une version moins polie ne serait que pure invention de la part de l’auteur de cette chronique.

Vivement le moi de juin !