Entretien avec Delphine De Vigan: « D’après d’une histoire vraie »

Emmanuelle Seigner et Eva Green dans D’après une histoire vraie

Manipulé, trompé et déboussolé : le lecteur est malmené pour son plus grand bonheur tout au long D’après d’une histoire vraie… de Delphine de Vigan. Ce roman noir offre ainsi un huis-clos entre une écrivain célèbre, Delphine et une amie rencontrée par hasard, appelée L., belle femme très sophistiquée. Les deux amies sont fascinées l’une par l’autre, mais cette relation va vite devenir à la fois stimulante et toxique. Au cœur du roman la question de la part de réel, de vrai dans le roman, contre la part de fiction pure. Une mécanique romanesque aussi implacable ne pouvait échapper à Roman Polanski qui porte le roman à l’écran dans un film en salles demain. L’occasion de revenir, dans un entretien avec Delphine de Vigan, sur ce roman, couronné du prix Renaudot en 2015, qui met à nu aussi bien l’art du thriller qu’une part vive de la création littéraire.

Il s’agit d’un livre dont le genre est difficile de définir en peu de mots. Essayons tout de même : on a, croit-on, au premier plan l’autopsie d’une histoire d’amitié toxique, intrusive entre deux femmes, toutes deux écrivaines et en butte chacune à leurs névroses, obsessions, voire psychoses ; ceci est doublé d’un thriller psychologique assez haletant puis triplé d’un duel en toile de fond, parce que c’est sans doute le véritable personnage principal du livre : un duel entre la place du réel, du vrai dans la littérature, et de la fiction.

Delphine de Vigan : Vous l’avez bien résumé. C’est un livre qui comporte plusieurs niveaux de lecture en réalité. Le thriller psychologique c’est vraiment le premier niveau de lecture et c’est ce qui ressort très souvent de la lecture que les gens en font. Mais il y a une mise en abyme avec un deuxième niveau de lecture qui concerne cette relation étroite et cette frontière ténue entre le réel et la fiction et la place qu’occupe aujourd’hui le réel dans la littérature mais aussi au cinéma. Et puis un troisième niveau de lecture qui donne j’espère à voir au lecteur les coulisses de la création. Comme un écrivain est aux prises avec ses angoisses, ses démons et ce qui m’amusait c’était de le faire de manière romanesque pas de manière théorique.

La notion de féminité, de fascination pour la féminité dans ses aspects apparents comme dans ses ressorts psychologiques est très présente : sans se demander si la littérature peut-être féminine, ou sil y a une littérature pour les femmes, pensez-vous que ce livre aurait pu être écrit par un homme ?

Ah oui je pense que oui. Il n’y a aucun livre dont je me suis dit qu’il n’aurait pas pu être écrit par un homme, ou l’inverse. Des hommes ont su magnifiquement se mettre dans la peau des femmes, parfois au point de pouvoir faire croire qu’ils étaient des femmes et vice-versa. Oui ce livre aurait pu être écrit par un homme, j’ai envie de vous dire un peu sensible, bien renseigné et un peu documenté probablement.

La conquête de la féminité parfaite est importante pour lhéroïne, Delphine, qui se sent gauche et maladroite. Le modèle absolu de sophistication incarné par L. est également capable de rébellion face à la domination masculine. Peut-être avez-vous lu Virginie Despentes ? Dans King Kong Théorie, elle avance que plus les femmes se sont émancipées et ont cheminé vers l’égalité avec les hommes, plus elles ont inconsciemment présenté des excuses, voulu marquer leur soumission au désir masculin, en shabillant de plus en plus sexy, en accentuant les codes habituels de lhyper féminité. Et vous, où en êtes-vous avec cette injonction à lhyper-féminité de notre époque ?

Oui c’était choquant à l’époque qu’une femme, Virginie Despentes, ait pu écrire son livre Baise Moi et probablement que le livre aurait été accueilli différemment si elle l’avait signé sous un pseudonyme d’homme. Je ne pense pas que ces questions soient résolues. Mais elles évoluent dans leur forme. Pour une femme aujourd’hui ça peut être une nécessité d’exprimer de manière voyante et explicite une féminité quand par ailleurs elle devient l’égale des hommes sur certains terrains. Je ne sais pas si cela suffit à expliquer cet accroissement assez phénoménal des signes extérieurs de féminité, ça c’est vrai. Chez les toutes jeunes filles par exemple, c’est assez spectaculaire. La théorie de Virginie Despentes est assez intéressante. Et cela fait partie des choses qui fascinent ma narratrice, cette sophistication féminine de L. à laquelle elle a le sentiment de n’avoir jamais eu accès ou de manière maladroite et un peu ratée. Et cette femme qui est toujours tirée à quatre épingles, parfaite dans ses tenues et dans ses signes de féminité. L. incarne une forme de féminité dont la Delphine a rêvé. Et à l’inverse L. est fascinée par l’écrivain qu’est Delphine. C’est dans cette double fascination que s’installe la relation et l’emprise.

Votre héroïne, l’écrivaine à succès, est victime dune sorte daboulie qui lempêche totalement d’écrire quoi que ce soit, même les choses les plus simples, pendant des mois. Cependant, elle peut toujours lire. Dans son enfance, elle est terrifiée à lidée d’être le centre de lattention de ses camarades, d’être vue au point que pour ne pas quon lui fête son anniversaire à l’école, elle ment sur sa date de naissance en la plaçant pendant les vacances. Elle sefface au sens propre. À cette époque, elle « sarme de mots », dites-vous. Lorsquon lui dit quelle est une enfant émotive, elle comprend de façon lacanienne: é-mot-ive. Plus tard, quand Delphine parviendra à se remettre à l’écriture, elle devra en passer par loralité: enregistrer sa voix, ses phrases sur un dictaphone. Pour vous, quelle place a cette oralité, cette musique des mots, cette prosodie dans l’écriture ? Entendez-vous les phrases dans votre tête avant de les écrire ?

Oui, c’est très important pour moi. J’écris à voix haute depuis très longtemps, depuis mon premier roman. Je travaille sur ordinateur quand je rentre dans la phase de rédaction et je me relis à voix haute, chaque phrase, puis chaque paragraphe. C’est comme une épreuve à laquelle sont soumises les phrases, parce que j’accorde beaucoup d’importance à la musique, au rythme et ça m’est arrivé de dire que j’écrivais parce que je n’étais pas musicienne. Et je regrette beaucoup de ne pas avoir appris à jouer d’un instrument de musique…

Vous pouvez faire du rap ?

Oui (rires) j’ai mon fils qui est fan de rap. Et peut-être que je compense ça dans l’écriture.

Sur le rap, vous entendez ce que votre fils écoute ? Est-ce quil y a quelque chose qui vous touche dans cette forme de création ?

Alors, je n’écoute pas beaucoup, et c’est quelque chose que je regrette beaucoup, je l’ai souvent fait remarquer à mes enfants: on vit à l’ère des écouteurs, donc en fait là où moi j’emmerdais mes parents en écoutant des trucs que je trouvais révolutionnaires à pleins tubes. Aujourd’hui les jeunes écoutent chacun leur musique avec leur Iphone et on les partage assez peu. Mais mon fils parfois me fait écouter des choses, ou lorsqu’il fait écouter à sa soeur par exemple. Il y a quand même une chose qui me fait un peu tiquer, c’est l’image de la femme justement dans certaines chansons, où là je dis « dis-donc Arthur j’espère que tu ne prends pas ça au premier degré… »

Quest-ce quil vous dit ? Il a une distance ?

Non, il ne prend pas au premier degré.

Pour en revenir sur loralité de l’écriture, est-ce que lorsque vous lisez, vous entendez aussi les phrases dans votre tête ?

Et bien je vais vous dire ça dépend énormément des textes, et je me rends compte que probablement les livres auxquels je suis le plus sensible, qui m’ont le plus touché ou les auteurs qui me touchent le plus sont ceux que j’éprouve le plus le besoin que ça s’incarne de cette manière là au moment de la lecture. Mais ce n’est pas toujours le cas, et c’est souvent un signe que c’est un auteur que je vais avoir envie de relire. Il y a des livres que je lis sans qu’ils passent par cette dimension.

Vous connaissez vous-même dans la vraie vie un succès littéraire important. Or votre héroïne Delphine tout comme L. se méfient du succès littéraire: elles ny voient pour lune quun accident et en aucun cas ne souhaite faire « plaisir à un public », et pour lautre comme un poison, un danger, une menace. Est-ce que lacte littéraire, peut saffranchir de sa finalité ontologique qui est d’être publié et lu par dautres ? Écrire sans la conscience quon va et quon doit être lu par un public de lecteurs, est-ce toujours produire cette forme artistique quon appelle littérature ?

Non, je ne pense pas. Ce sont deux choses différentes. Au moment où j’écris, bien sûr que j’ai l’idée depuis quelques temps, puisque j’ai publié sept romans, après avoir passé des années à écrire des cahiers entiers d’une écriture qui n’est pas destinée à être lue. Et pour rien au monde, enfin j’espère, j’ai mille fois prévenu mon entourage que s’il m’arrivait un accident d’avion, il ne fallait surtout pas publier ces textes, parce que pour le coup ils n’ont aucune dimension littéraire, aucune intention, parce que c’est vraiment un travail de connaissance, de construction personnelle, à une certaine époque de ma vie il a été question de ma survie, c’était un peu un point d’ancrage l’écriture, et ensuite à partir du moment où j’ai écris un texte avec l’idée que j’allais l’envoyer par la poste à un éditeur, sans savoir s’il serait publié, mais l’intention était là, on entre dans une autre écriture. Cette intention est toujours présente quand j’écris et elle suppose quand même de se représenter le lecteur comme une entité abstraite. Je vais par exemple chercher le mot juste pour traduire une émotion, une sensation, dans l’espoir que ce mot là va trouver un écho particulier auprès du lecteur. Quand je pense le lecteur, c’est presque une essence, je ne me le représente pas sous une forme masculine ou féminine, ou d’âge, etc. Malgré tout dans ce travail d’écriture, j’ai envie d’être intelligible, compréhensible. C’est l’idée d’une circulation entre le texte et la personne qui va le recevoir. C’est très important. En revanche, pour autant, c’est là que je distingue les deux, il ne s’agit pas de faire plaisir au lecteur, ni de formater un produit qui serait destiné a un certain type de lectorat, là c’est autre chose, c’est du marketing, pas de la littérature.

Emmanuelle Seigner et Eva Green dans D’après une histoire vraie

On parlait de lintention d’être lue, rajoutons un niveau : être lu par le plus grand nombre. Vous êtes une écrivaine à succès, cest addictif, est-ce que vous raisonnez aussi en terme de nombre ?

Non, non si on commence à raisonner comme cela, il faut s’inquiéter sérieusement. Je pense que ça peut arriver et la tentation serait sans doute – après un succès comme j’en ai connu avec le roman précédent – ce serait d’essayer de reproduire la même recette. Dés qu’on commence à imaginer ça, on est foutu. Pour moi D’après une histoire vraie, c’est vraiment un acte de liberté par rapport au lecteur. C’est prendre le contrepied total de ce que le lecteur attendait de moi. Il y avait une part de risque, je ne pensais pas du tout que le livre rencontrerait un tel succès auprès d’un public différent d’avec le précédent. C’est évident qu’il faut beaucoup se méfier de ça.

Vous parviendrez vraiment lorsque vous écrirez par la suite à vous abstraire du prix Renaudot ?

J’espère. D’ailleurs, quatre ans on séparé mes deux derniers romans. C’est le temps qu’il m’a fallu pour remettre tout ça à distance, à la bonne place et ne pas chercher à être là où j’imaginais qu’on m’attendais.

Vous avez vécu le succès comme une contrainte, à linstar de votre lhéroïne ?

Oui je l’ai vécu comme une peur, encore aujourd’hui. C’est toujours vertigineux. Comme un tourbillon qui est malgré tout joyeux. C’est ce que je souhaite à n’importe quel auteur, j’ai conscience que c’est une chance incroyable de vivre ça et de le vivre plusieurs fois en plus. En même temps il y a quelque chose de dangereux. Je suis convaincue que si j’avais connu un succès pareil plutôt, probablement que je n’aurais pas pu réécrire derrière. Si vous interviewez mes proches, vous verrez à quel point je suis obsédée par le doute, il me traverse sans cesse. C’est un moteur formidable, pas toujours confortable (j’y laisse un certain nombre de mes nuits). C’est aussi ça qui produit une forme d’exigence qui est fondamentale. Et au moment où je vous parle je ne suis pas sûre que j’écrirai un autre livre. Précisément parce que je n’ai aucune envie d’aller vers une solution de facilité. Le succès c’est aussi la liberté formidable de prendre son temps, j’ai la chance de me dire que peut-être je ne publierai pas avant 4 ans, 10 ans, et que je peux vivre. C’est le cas de très peu d’auteurs.

Le personnage principal du livre est peut-être donc, ce duel entre la part de vrai, de réel et la part de fiction en littérature. Toute la diabolique ingéniosité de votre travail est que vous aller balader le lecteur entre lun et lautre. Lorsquil croit quon est dans le réel, un indice, un incident le contredit et le fait douter. Vous faites mine de lui ouvrir une porte : ceci est faux, il sy engouffre mais plus loin ; en fait non, c’était vrai. Jusquau dernier mot, et même au dernier signe du livre qui provoque encore un retournement dans lesprit du lecteur. Quel est votre point de vue, à vous Delphine de Vigan ?

Je n’ai aucune théorie sur la question, ça m’ennuie assez toutes ces étiquettes, « est-ce que j’écris de l’autobiographie, de l’autofiction, de la fiction », j’ai fait tout ça. Pour moi cette frontière est bien plus poreuse, du coup l’étiquette m’intéresse assez peu et j’ai tellement le sentiment que tout ça est imbriqué dans mon travail que j’invente une histoire qui soit totalement nourrie de choses vécues, ressenties, observées, ou que j’essaie de raconter une histoire vraie mais qu’au fond je ne peux pas éviter la fiction, pour moi ça revient au même.

Même dans les ouvrages dits de fiction, on sait que les auteurs sinspirent de leurs entourages, de faits-divers comme points de départs, dobservations du quotidien, etc. Comme si l’écrivain narrivait jamais vraiment à se détacher du monde réel. Le théâtre ny échappe pas. Ni la chanson. Finalement est-ce que la seule façon se s’émanciper du vrai et du réel, ne se trouve pas uniquement dans la poésie ?

Peut-être, oui parce que par exemple la science-fiction, l’anticipation, pour moi ne sont pas du tout débarrassés du réel. Peut-être que dans la poésie il y a quelque chose de plus libre. Oui, peut-être. Malheureusement je ne sais pas écrire de poésie. J’ai essayé quand j’étais adolescente, mais quand je suis retombée sur les textes, quelques années après …

L. parle du piège du réel qui se referme sur Delphine. Delphine, lhéroine, tout comme vous Delphine de Vigan, a écrit un livre précédent en sinspirant de sa famille, et depuis elle reçoit des lettres anonymes, le public sest attaché aux figures familiales du livre, il en redemande. Delphine est devenue aboulique, elle veut à toute force sarracher à cette contrainte d’écrire le vrai mais ny parvient pas. Édouard Louis (En Finir Avec Eddy Bellegueule) a vécu ce genre dexpérience en racontant son enfance pénible de jeune homosexuel en Picardie. Par la suite, il a dû essuyer ce quon trouve dans votre roman. Comment sen sortir ? Comment l’écrivant peut-il vivre avec limpérieuse nécessité d’écrire, de s’écrire, de sinspirer du réel et en assumer les conséquences désastreuses dans sa vie ?

Ce qui m’a frappée avec Édouard Louis, et qui est un signe de notre époque, c’est que l’histoire vraie devient un argument commercial. Ce qui intéresse les lecteurs c’est que ce soit vrai. Lui, c’est un roman qu’il a écrit.

 

Est-ce que ça suffit de stipuler « roman » pour se dédouaner ?

Mais oui, moi je ne prétends pas raconter le réel. Il y a une espèce d’appétit féroce, les gens veulent absolument que ce soit vrai et lui a raconté son enfance telle qu’il l’a ressentie, qui va aller vérifier ça ? Qui peut vérifier ça ? C’est complètement absurde. C’est le cas dans toutes les familles, si vous partagez une réunion de famille avec vos frères et sœurs, vos oncles et tantes, et si le lendemain, le lendemain vous entreprenez de recueillir les impressions, vous vous rendrez compte que vous n’avez pas vécu le même après-midi, le même déjeuner. C’est fascinant. Il faut juste assumer que la vérité qu’on raconte n’est pas la vérité absolue. Édouard Louis a raconté son histoire à hauteur du jeune homme qu’il était, je trouve ça complètement dingue que des journalistes aillent vérifier. Ça n’a pas de sens. Quand on pétrit le matériau familial, il faut s’attendre et je pense qu’il s’y attendait, à ce que ça provoque quelques remous. En tout cas pour moi, j’assume et je revendique que mon livre est une forme de fiction.

La force du roman réside dans ce quil y a la trame narrative, la progression de lhistoire, la succession d’événements et dincidents. Et puis il y a un autre plan (un plan fantôme ?) sous-terrain, qui lui a pour fonction de manipuler le lecteur, le tromper, dans un mouvement de balancier. Cest la partie thriller, celle qui traite de lemprise psychologique, de la domination mentale. Ce plan là est invisible à l’œil nu. On ne peut que le sentir dans sa chair. Vous malmenez, perdez, rattrapez le lecteur en permanence. Il y a une mise en abyme de la mise en abyme. Cest complexe à disséquer mais très fluide à lire et à ressentir. Comment avez vous conçu, techniquement cette trame à double voire triple dimension ? Comment travaillez-vous ?

Comme vous l’avez imaginé, c’est un livre qui est très construit, c’est le cas de tous mes romans. J’ai des amis écrivains qui commencent un livre et qui ne savent même pas ce qu’ils vont raconter. Ça me fascine totalement. Moi j’incube des mois et des mois avant. Pour tous mes romans il y a une phase de recherche assez importante, qui parfois ne me sert à rien. Et je construis toujours un plan. Comme une fondation, une architecture. Mes livres sont assez construits. J’aime bien cette partie de construction, dans ce livre plus que jamais. J’avais donc construit le livre et après je me suis lancée dans la rédaction et là, c’est la traversée du désert parce que je ne sais pas si je vais y arriver, parce que j’ai effectivement la structure, toutes ces cases, mais il faut les remplir, il faut semer des petites graines, planter des petits fils qu’il va falloir rassembler à un moment ou à un autre. C’est vrai que dans ce roman j’ai beaucoup douté, allais-je arriver au bout de la mécanique que je mettais en place. Ça a été l’horreur. C’est vraiment le livre le plus difficile. J’avais le sentiment d’être dans l’obscurité et peut-être le dernier mois je me suis rendue compte que mes petits fils étaient bien au bon endroit et que ça marchait pas si mal, là j’ai été un peu plus dans le plaisir.

Combien de temps de travail ?

Deux ans.

Page 453 vous vous auto-congratulez, cest à dire que vous utilisez la Delphine du roman, que son éditrice dans le roman félicite très chaleureusement : « un texte périlleux et formidable ». Vous êtes gonflée quand mêmeEst-ce quon sent dans sa chair quon a produit quelque chose dimportant et quon va recevoir le Renaudot ?

(rires) Ça m’amusait beaucoup. Je me suis vraiment marrée en imaginant ça. Ce que j’ai senti c’est que je travaillais sur quelque chose de plus ambitieux que mes romans précédents. Romans précédents que j’ai écrits quand je travaillais encore en entreprise et que je rentrais chez moi le soir, c’était une écriture qui était très contrainte par la vie quotidienne. à partir du moment où j’ai eu la chance de vivre de l’écriture et où j’ai eu de longues plages d’écriture devant moi et de pouvoir me lancer dans des projets plus amples, j’ai eu le sentiment qu’ils étaient plus ambitieux. Et ce texte là, je voulais être sur plusieurs niveaux de lecture et c’était assez casse-gueule. Si j’arrivais au bout ça pouvait être vraiment intéressant. Pour moi c’était un acte de liberté et parfois j’avais l’impression que je franchissais la ligne et je me demandais « mais comment les gens vont lire ce texte, comment les critiques vont lire ce texte ? »

Eva Green dans D’après d’une histoire vraie

Quest-ce que vous appelez franchir la ligne ?

Il y a une part de manipulation du lecteur dans le roman. Est-ce que le lecteur va accepter, comprendre ça ? Est-ce qu’il ne va pas remettre en question la lecture des romans précédents. Mais globalement ils le prennent plutôt bien.

D’après une histoire vraie réalisé par Roman Polanski
Avec Emmanuelle Seigner, Eva Green
France – Drame, thriller
Sur un scénario d’Olivier Assayas adapté de Delphine de Vigan
Sortie : 1er novembre 2017
Durée : 100 min