Faits divers, l’Histoire à la Une (3) : Violette Nozière, l’empoisonneuse parricide (Arte)

Violette Nozière, l'empoisonneuse parricide © ARTE

Le troisième épisode de la série documentaire d’Emmanuel Blanchard et Dominique Kalifa, diffusé samedi sur Arte, est centré sur la fameuse Violette Nozière, « le monstre en jupon », un fait divers qui met en perspective un acte au sommet de la hiérarchie criminelle, le parricide. Tuer le père, pilier de la société, c’est renverser l’ordre social. Mais derrière l’acte, ce sont toutes les contradictions et tensions des années 30 qui sont déployées et interrogées dans cet épisode passionnant.

Violette Nozière, l’empoisonneuse parricide © ARTE

Rappelons les faits : en août 1933, rue de Madagascar à Paris, deux corps inanimés sont retrouvés, un homme et une femme ont été empoisonnés. Leur fille de 18 ans a disparu. Lorsque les journaux s’emparent de l’affaire, il peut encore s’agir d’un suicide. Mais lorsque la mère finit par se rétablir, la fille, toujours en fuite, devient l’objet de toutes les interrogations médiatiques comme des recherches policières. Qui est cette Violette Nozière, en apparence jeune fille de bonne famille, élève au lycée Fénelon dont les journalistes découvrent bientôt qu’elle mène une vie dissolue dans les cafés du quartier latin, a des amants, vole, pose nue ? Que cache ce crime sordide ?

Violette Nozière, l’empoisonneuse parricide © ARTE

A la fin du mois, la jeune fille est arrêtée et c’est aussi son image ténébreuse qui va fixer l’attention de la presse et du public, nourrir un véritable feuilleton médiatique éclipsant le contexte politique, la montée d’Hitler. Elle est l’empoisonneuse, la parricide, l’archétype de la criminelle venant incarner un imaginaire social de la transgression. La fascination est d’autant plus forte que Violette parle et explique son geste en racontant les pratiques incestueuses de son père, raison de son acte. Deux tabous sont le socle de l’affaire, le parricide puis l’inceste et dans la presse, jouant de mots écrans et périphrases, la condamnation de la vie dissolue de la fille est une manière d’éviter la sexualité déviante du père. Le fait divers est, plus que jamais, un révélateur de tensions, d’interdits, d’une parole qui se libère ou devrait se libérer, raison de l’engagement des surréalistes qui publient un livre, en Belgique, en défense de cette femme libre, en butte à une société sclérosée et bourgeoise.

L’affaire est à multiples rebondissements : condamnée à mort aux assises de la Seine, par un jury masculin, en octobre 1934, Violette Nozière verra sa peine commuée en travaux forcées, elle sera successivement graciée par trois chefs d’État avant d’être réhabilitée en 1963. De criminelle, la parricide opaque et paradoxalement images (le documentaire expose les photographies et films d’actualité d’époque) est devenue un symbole ou un symptôme, soit une figure et une légende. C’est la fiction qui se charge de sa postérité, en littérature comme au cinéma (Chabrol en 1978), Violette Nozière est une fleur du mal, « mythologique jusqu’au bout des ongles », comme l’écrivit André Breton.

« Violette Nozière, l’empoisonneuse parricide », Faits divers, l’Histoire à la une, Collection documentaire d’Emmanuel Blanchard et Dominique Kalifa (France, 2017, 10x26mn) – Réalisation : Simon Thisse – Coproduction : ARTE France, Program3, samedi 16 septembre 2017 à 16h30, rediffusion le 20 septembre à 10h55 — voir ici la bande annonce

Lire ici Ultra Violette, fiction librement inspirée de faits réels (Crimes écrits 6)