L’oubli du politique

Caduto per la liberta, Rome, © Jean-Philippe Cazier

L’oubli du fascisme. Des millions de morts juifs. L’oubli des millions de morts communistes, tziganes, homosexuels, fous. L’oubli de la mort comme politique. L’oubli des corps battus, brûlés, gazés, fusillés. L’oubli des corps torturés. L’oubli que Jean-Marie Le Pen a commencé sa carrière en éditant des chants nazis. L’oubli que les fondateurs du FN sont des nazis, des collaborateurs, des pétainistes, des négationnistes. L’oubli que les piliers historiques du FN sont toute l’extrême-droite française, les néofascistes et néonazis français et européens. L’oubli du racisme et de l’antisémitisme. L’oubli du fascisme comme politique actuelle. L’oubli que la politique du FN est une politique de mort. L’oubli de notre haine profonde du Front National. L’oubli de notre haine profonde des Le Pen, de leur personne, de leur visage. L’oubli d’Ibrahim, 17 ans, tué en 1995 d’une balle dans le dos par des colleurs d’affiches du FN. L’oubli du fascisme. L’oubli de la complicité avec le fascisme. Des médias. Des politiques. Des électeurs. Des institutions. L’oubli que depuis 30 ans la politique française légitime le FN. L’oubli que depuis 30 ans la politique française légitime le fascisme. L’oubli qu’Auschwitz a montré que le capitalisme n’a par définition aucune limite morale. L’oubli qu’Auschwitz a montré que le capitalisme a trouvé dans la mort et l’assassinat des moyens de faire de l’argent. L’oubli qu’Auschwitz a montré les limites du marxisme et de la seule lutte des classes. L’oubli qu’Auschwitz a montré que la lutte est aussi des races, des genres, des sexualités, des normes intellectuelles, psychiques, subjectives. L’oubli qu’une politique de gauche contemporaine commence avec la mémoire fixe d’Auschwitz. L’oubli de la guerre d’Algérie. L’oubli que la France n’est pas encore sortie de la guerre d’Algérie. L’oubli des dizaines d’Algériens assassinés par la police française le 17 octobre 1961. L’oubli de la torture des Algériens comme politique française. L’oubli de l’assassinat comme politique française en Algérie. L’oubli de l’OAS. L’oubli de la droite française et de ce que c’est. L’oubli qu’une politique de droite pose l’inégalité comme principe. L’oubli que le mot « gauche » n’est pas la gauche. L’oubli que le mot « révolution » n’est pas la révolution. L’oubli qu’un militant de gauche peut être un fasciste. L’oubli qu’un militant d’extrême-gauche peut être pareil à un patron de droite. L’oubli que la gauche et l’extrême-gauche françaises ne voient pas leur propre racisme, leur propre sexisme, leur propre homophobie. L’oubli que les Arabes occupent en France aujourd’hui la place que le discours nazi avait attribué aux Juifs. L’oubli qu’existe un fascisme en costard-cravate, au visage souriant de jeune entrepreneur. L’oubli de la pensée réactionnaire inhérente à la gauche française. L’oubli que toute idée politique a été abandonnée depuis longtemps par la gauche et par la droite françaises. Que la seule idée politique que la gauche a eu depuis longtemps est celle du revenu universel défendu par Benoit Hamon. L’oubli du fascisme en col blanc, aux dents blanches, aux mains blanches. L’oubli des luttes ouvrières. L’oubli des luttes des femmes. L’oubli des luttes des minorités. L’oubli du Mouvement des travailleurs arabes. L’oubli de La Question d’Henri Alleg. L’oubli d’Élise ou la Vraie Vie de Claire Etcherelli. L’oubli de Jean Genet. L’oubli que le FN a toujours méprisé le peuple et les classes populaires. L’oubli que les Le Pen sont au service des intérêts de la bourgeoisie. L’oubli que les Le Pen sont de cette bourgeoisie qui réduit les classes populaires au rang de larbins, de chair à profit, de rien. L’oubli que les Le Pen n’ont jamais soutenu une quelconque mobilisation ouvrière. L’oubli que le FN n’a jamais eu aucune politique en faveur des classes populaires. L’oubli que le FN a toujours conduit une politique contre les classes populaires, contre les femmes, contre les homosexuels, contre les pauvres, contre les chômeurs. L’oubli que le discours du FN n’a qu’un but : masquer l’exploitation institutionnalisée des classes populaires par la bourgeoisie. L’oubli que le fascisme implique la mort comme condition de la jouissance. L’oubli que le FN est un ramassis de l’extrême-droite française et internationale. L’oubli du fascisme et de la mort fasciste. L’oubli que le fascisme c’est la mort. L’oubli que le néolibéralisme c’est la mort. L’oubli que le travail est un asservissement. L’oubli que la peur nous tue. L’oubli que le pouvoir ne nous intéresse pas. L’oubli que l’argent ne nous intéresse pas. L’oubli que travailler plus ne nous intéresse pas. L’oubli que la patrie ne nous intéresse pas. L’oubli que l’identité française ne nous intéresse pas. L’oubli que faire de la politique c’est en faire pour d’autres que soi. L’oubli que la politique c’est la coexistence avec l’autre. L’oubli que la politique c’est le refus du pouvoir. L’oubli que nous ne sommes pas au service de l’État mais l’inverse. L’oubli qu’en 2017 les migrants sont traqués et maltraités par la police française dans les rues de la capitale française. L’oubli qu’en 2017 en France on veut interdire de venir en aide aux migrants. L’oubli qu’en 2017 en France on criminalise l’aide aux migrants comme on criminalise la pauvreté et le désir. L’oubli des Syriens massacrés par Bachar el-Assad et Vladimir Poutine. L’oubli d’Alep massacrée. L’oubli de Gaza massacrée. L’oubli de Sabra et Chatila. L’oubli des camps de palestiniens au Liban. L’oubli que Poutine et El Assad sont des assassins. L’oubli de l’intelligence. L’oubli de l’intelligence politique. L’oubli de Brahim Bouarram, 29 ans, tué le 1er mai 1995 par des sympathisants du Front national. L’oubli qu’il s’agit là d’un meurtre raciste exécuté par des sympathisants du Front National. L’oubli qu’il s’agit là non pas d’un accident mais de la réalisation objective de la politique fasciste. L’oubli que l’État ne peut décider à notre place de nos pensées, de nos existences, de la puissance de nos désirs. L’oubli de Clément Méric. L’oubli que le Front National ne doit pas seulement être combattu mais qu’il doit être supprimé. L’oubli de la complicité de la droite française avec le FN. L’oubli de la complicité de la gauche française avec le FN. L’oubli de la complicité du Parti Socialiste français avec le FN. L’oubli que la majeure partie de la droite française reprend le discours du FN depuis des années. L’oubli que la politique selon le FN est une guerre paranoïaque pour la survie et la suprématie des Blancs. L’oubli que les fascistes ont comme idéal politique l’extermination de 80% de la population mondiale. L’oubli que l’idéal politique actuellement dominant est l’exploitation de 80% de la population mondiale. L’oubli que les fascistes sont des terroristes. L’oubli que les fascistes sont des assassins. L’oubli que la télévision française invite dans ses émissions des fascistes et des assassins. L’oubli que la télévision française rit avec des fascistes et des assassins. L’oubli que la télévision française fait la promotion de fascistes et d’assassins. L’oubli que les médias français font du profit grâce au fascisme. L’oubli que la vie et la mort des gens ne sont pas des opinions. L’oubli que la mise à mort et la souffrance de millions de gens ne peuvent être l’objet d’un « débat démocratique ». L’oubli que la gauche française aime faire de la dialectique sur le dos des prisonniers politiques cubains. L’oubli que la gauche française est toujours condescendante à l’égard des minorités, des pauvres, des égarés. L’oubli que la gauche et la droite françaises haïssent les minorités, les pauvres, les égarés. L’oubli que l’intérêt général ne peut se décider que collectivement. L’oubli que les roms sont persécutés à travers toute l’Europe. L’oubli que les roms sont persécutés par les gouvernements européens Blancs. L’oubli qu’une politique de gauche contemporaine commence avec la conscience de Gaza. L’oubli de l’asservissement et du pillage de l’Afrique, de l’obstacle qui est fait à tout effort d’autodétermination des peuples. L’oubli du sang que l’Église catholique a sur les mains. L’oubli des migrants. L’oubli des sans-papiers. L’oubli des réfugiés. L’oubli des camps. L’oubli des milliers de corps noyés en Méditerranée. L’oubli des milliers de corps assassinés par l’Europe en Méditerranée. L’oubli du fascisme. L’oubli des camps qui en Europe enferment des milliers de migrants. L’oubli que l’Europe a vendu les migrants au fasciste Erdoğan. L’oubli des camps tchétchènes où sont emprisonnés, torturés, tués des dizaines et des dizaines d’homosexuels. L’oubli des migrants qui errent à l’intérieur du quadrillage européen et que chacun pourchasse, frappe, exploite, enferme, tue. L’oubli de l’histoire et du temps. L’oubli du désir. L’oubli des désirs. L’oubli de la Terre. L’oubli des milliards de vivants et des milliards de morts. L’oubli du politique.