Poésie contemporaine et cinéma : des interférences et des connexions

Jean-Luc Godard

Si les connexions entre poésie contemporaine et cinéma apparaissent d’emblée dans la réappropriation du cinéma en tant que sujet, thématique, figures, par le texte poétique, et en particulier dans les références filmiques très présentes qui entrent dans la composition des textes poétiques, le réinvestissement des pratiques cinématographiques dans le poème reste un axe des plus intéressants de convergences, d’influences, de porosité entre les deux domaines. La confrontation du texte poétique avec les outils techniques de l’écriture cinématographique sera ainsi l’axe privilégié dans cette première approche de la question « poésie contemporaine et cinéma », sous l’angle de leurs interférences et de leurs connexions.

Un ensemble de pratiques communes, transversales ou encore importées dans des processus de contamination circule entre le domaine cinématographique et le champ poétique contemporain.

Le collage, défini par Olivier Quintyn dans son essai Dispositifs/Dislocations en tant que « figure plastique » commune au cinéma expérimental et à la poésie concrète et visuelle, est une pratique plastique qui prend appui sur les avant-gardes du début du XXe siècle et qui plus généralement traverse les pratiques artistiques. Mais aussi la notion de cadrage, ou la technique du montage, et celle encore de « photomontage textuel ». Cette dernière question fait intervenir elle-même l’articulation de deux notions : « l’iconique et le langagier », que développe Denis Roche dans les Dépôts de savoirs & de technique.

Olivier Quintyn explique ainsi le photomontage textuel rochien : « le « dépôt » est un photomontage textuel à déroulement ou dynamique temporelle pseudo-cinématographique ». Quatre niveaux sont ainsi mis en évidence par Olivier Quintyn dans le photomontage textuel de Denis Roche. Un premier niveau qu’il situe en tant que « ligne-photogramme découpée », « photogramme verbal » à mettre en lien avec la prise photographique dans « l’espace-cadre ». Un second niveau qui est celui du montage de ces « lignes-photogrammes » (équivalent d’une « planche contact sémiotique »), à l’échelle de la page cette fois. Les deux derniers niveaux ont trait à deux autres formes de montage, le dernier niveau s’apparentant à celui « du déroulement des pages-planches entre elles – l’équivalent d’un niveau « cinématographique », qui met en mouvement les pages-planches comme des combinaisons de photogrammes ».

Dans le montage – technique privilégiée dans la réappropriation du cinéma par le champ poétique contemporain –, le travail a Jean-Luc Godard comme pôle de référence. Ainsi les textes poétiques de Vannina Maestri qui s’ancrent dans le champ de la poésie expérimentale et se structurent autour de cette pratique du montage dans une radicalité formelle. Le travail s’opère dans le prélèvement d’éléments textuels issus de romans, de magazines, de journaux, de documents divers produisant dans des opérations d’agencements « non pas une juxtaposition », « mais de nouveaux liens et fractures ». Il faut qu’il y ait « une déflagration, une tension, un basculement, un surgissement » entre deux éléments, entre deux fragments, explique Vannina Maestri. Les combinaisons effectuées sur les prélèvements textuels produisent ainsi dans le travail de montage « une dynamique ».

La performance exacerbe encore le montage textuel effectué sur le support écrit. Dans le refus d’une lecture linéaire des fragments montés, Vannina Maestri lit de façon aléatoire. Dans leur nouvelle mise en circulation sonore, les énoncés, dans leurs possibilités multiples d’agencements, trouvent des réorganisations plurielles. Cette souplesse dans le montage poétique rendu dans le travail performatif s’inscrit dans une pratique du montage transdisciplinaire en connexion avec le domaine cinématographique et musical. Ainsi Vannina Maestri souligne conjointement cette double référence, dans ses travaux, à Godard et à Pierre Boulez dont le travail, lors de l’exécution musicale, se poursuit également hors de la partition, dans un travail de recomposition.

Une écriture cinématique ou « film direct » :
les cinépoèmes de Pierre Alferi

Si, dans le travail d’écriture de Pierre Alferi, le lien avec le cinéma apparaît explicitement dans le titre de l’un de ses romans (Le cinéma des familles), le domaine poétique, en particulier dans l’élaboration des cinépoèmes, reste également un des espaces privilégiés dans lequel le rapport au cinéma s’établit étroitement. Dans le cinépoème qui fait appel à la technique du montage davantage qu’à la caméra, l’écriture menée s’inscrit dans le rythme que Pierre Alféri rapporte ainsi à la recherche d’une « écriture cinématique » :

« Le terme désignait pour moi une forme bien particulière, susceptible de répondre à une question esthétique et technique : existe-t-il une écriture cinématique, c’est-à-dire une façon d’inscrire les mots et d’en rythmer la lecture qui appartienne au cinéma et à nul autre médium ? (…) un véritable cinépoème se rapproche donc davantage, à mes yeux, de l’animation et de la partition verbale que du cinéma filmé. C’est d’ailleurs aux techniques du montage image par image et de la musique enregistrée que j’ai fait le plus appel, et je n’ai presque jamais eu recours à la caméra ».

S’associant à la musique de Rodolphe Burger (d’autres collaborations aussi, avec notamment Sakamoto Koïchi, Susumu Yokota), des propositions, des titres sont mis en circulation, portés par des procédés d’animation, d’apparition et d’effacement de lettres, de mots. Faisant intervenir la temporalité dans un texte mis en pulsation en prise avec l’élément musical, l’espace se trouve également investi dans l’ensemble de ses paramètres et de ses composantes. Les déplacements des titres s’effectuent en profondeur, dans différents sens, et interviennent dans un rythme d’apparition/effacement qui s’articule étroitement avec le tempo musical. Dans le remarquable cinépoème Nuit nuitée, la constitution progressive de la lettre et du mot se fait dans le scintillement et le clignotement ainsi que dans le déplacement des unités constitutives de la phrase, du mot, selon des procédés d’élargissement typographique puis de condensation, de rétractation, jusqu’à une lisibilité normée après désintégration, glissements, floutage des lettres dans des effets de brouillage, des manipulations fines à la fois optiques et langagières.

Les vidéopoèmes de Jérôme Game

Parallèlement à un travail théorique sur l’esthétique contemporaine et notamment cinématographique, Jérôme Game produit dans son travail poétique des objets plastiques mettant en connexion image filmique et poésie dans la réalisation de vidéopoèmes – propositions plastiques qui sont autant de propositions d’images filmiques traversées par le texte poétique écrit ou par les voix syncopées d’un texte en voix off. Différentes modalités affectent ainsi les images dans des interférences avec le texte poétique : texte qui vient s’inscrire porté par un processus de défilement de ses titres sur l’image filmée ou qui se présente exclusivement dans sa dimension sonore, entendu sur la bande-son.

Dans le vidéopoème, les agencements sont ainsi mis en œuvre : plans portés par la voix off bégayée de Jérôme Game, syncopée du poème, comme la voix off du texte sonore posant la question dans le vidéopoème Un pur objet volant : « Texte. synchrone ou pas synchrone ? », et qui ne conserve ici, sur les plans filmiques, que les traces écrites des chiffres entendus dans la bande-son. Images coupées des vidéopoèmes – recadrages internes – dans lesquelles viennent s’insérer des plans noirs de coupure. Dans la bande-son et le texte sonore, les mots sont coupés nets ou comme avalés dans la vitesse de leur énonciation et tentent de s’articuler sous le mode d’une simultanéité, produisant, dans leurs différentes formes de débit, l’effet singulier de bégaiement. L’image filmique s’articule avec le texte fragmentaire qui peut également s’inscrire dans l’espace cadré ou selon les propositions, le texte dans le vidéopoème ne prenant donc forme que dans sa dimension sonore.

Dans le cas d’une image filmique sur laquelle vient s’inscrire le texte, se produisent en simultané l’image en mouvement, la voix off du texte poétique et le défilement à grande vitesse du texte écrit sous forme de sous-titres. D’autres propositions  encore avec des techniques mixtes : plans filmiques, un mot écrit sur un plan précède la voix off qui reprend ce mot en l’oralisant avant de poursuivre l’énoncé, délaissant l’écrit au profit du sonore, d’un espace textuel exclusivement sonore. Ou : coordination des sous-titres défilant sur l’image filmique avec la voix off. Les modalités sont multiples et épuisent les possibilités de correspondances, de combinaisons, d’interférences, de connexions entre poésie et cinéma.

Les audio-poèmes de Sandra Moussempès
comme dispositifs sonores ou bande-son

Dans une approche sonore du cinéma, se réappropriant certains de ses outils techniques, les audio-poèmes de Sandra Moussempès rejoignent les préoccupations d’une bande-son cinématographique dans le montage de dispositifs construits à partir du texte poétique, traversés par celui-ci ou encore portés en annexe du texte écrit.

Sous le titre Beauty Sitcom, la démarche se trouve dans la production simultanée d’un texte poétique et d’un CD accompagnant le livre. Dans l’enregistrement, s’associent par le travail de traitement, de montage et d’agencements sonores : strates de voix – voix parlées et récitantes parfois narratives, dans des écarts de volumes sonores –, bruitages vocaux, chants, sons électro-acoustiques.

« Central, le poème n’est jamais chanté. Mon chant crée une atmosphère filmique en bande-son annexe », explique Sandra Moussempès. Dans l’enregistrement d’audio-poèmes intitulé Vidéographia réalisé à partir de textes issus de Sunny girls, eux-mêmes en référence à Zabriskie point d’Antonioni et à Sans soleil de Chris Marker, des éléments verbaux, des vocalisations et des arrangements, des échos ou boucles avec effets de différés et décalages sont ainsi articulés et montés dans ce qui s’apparente à une bande-son portée par le texte poétique.

Des photogrammes dans le texte poétique,
du plan-séquence à la phrase

Que fait le photogramme au texte poétique ? Le titre du dernier livre de Liliane Giraudon, L’amour est plus froid que le lac, rappelle celui du premier long métrage de R.W. Fassbinder. Neuf photogrammes du film dans la troisième section du livre s’insèrent dans le texte, régulièrement en amont des neuf blocs textuels. Un déplacement onirique établit d’un support à l’autre la connexion entre cinéma et poésie. Les photogrammes du film de Fassbinder s’immiscent dans le texte, y instaurant, plutôt que des liens, davantage encore, des écarts : « Pour la section 3, « Une mauvaise fois pour toutes », le choix des photogrammes prélevés dans le film de Fassbinder déroute les proses qui les suivent et articule une idée de fausse légende ». Quels statuts occupent donc les textes au regard des images qui les introduisent dans l’espace physique de la page ?

Le photogramme questionne ici ses rapports avec le texte, déplaçant la fonction qui lui est traditionnellement attribuée. S’il introduit, ainsi placé en exergue, les différents textes, il permet de multiplier les sens de circulation de lecture et les significations, renversant la linéarité du texte qui se heurte au document iconographique et le redéfinit. Des disjonctions s’opèrent dans l’agencement des photogrammes avec les blocs textuels : ce que dit le texte n’est pas ce que dit le photogramme, il s’en éloigne ou, y revenant, y introduit des bifurcations, s’écartant résolument d’une fonction qui serait purement explicative. Le texte en renforce le caractère énigmatique, y introduisant des données qui parasitent la lisibilité, en particulier dans les premiers blocs textuels de la section. Alors que le premier photogramme montre Fassbinder acteur, le texte évoque un livre ainsi qu’un titre qui se rapporte à un livre. Le deuxième texte se réfère à un lac mais cette fois associé au « théâtre contemporain » dans une transdisciplinarité (cinéma/poésie/théâtre ; ainsi : « Écran piège du lac tchékhovien ») mais où le texte n’opère pas encore de lien direct avec le cinéma, ne l’explicitant pas, sinon par glissement imperceptible et prolongement possible d’un photogramme montrant deux personnages masculins et d’un texte évoquant l’homosexualité d’un personnage de Tchekhov. Le photogramme est donc porté en amont /à côté du texte, dans une coexistence ne faisant véritablement lien que dans l’agencement du troisième texte/photogramme lors de l’évocation explicite d’un film. Plus loin encore, dans l’avancement du texte : « elle retrouve le poème comme le film après une longue absence ». Le texte détourne les attributions et les fonctions assignées à chacun des deux domaines – cinématographique et poétique – en même temps qu’il produit des échanges et des connexions et permet d’ouvrir en fin de section sur les traces intimes d’un récit avant de se refermer. Ainsi, « Le poème place sa caméra et il filme ».

Si des photogrammes s’introduisent dans le livre de Liliane Giraudon et si le film reste présent en amont du texte, le plan-séquence cinématographique peut s’apparenter également à un outil permettant de mieux appréhender la construction de la phrase elle-même. Pour le poète Jérôme Game, « le cinéma de plan-séquence a quelque chose à m’apprendre quant à la phrase ». Il situe alors dans cette perspective le cinéma entre deux pôles littéraires et deux pratiques distinctes qui permettent d’explorer différemment la syntaxe : la poésie à la phrase heurtée ou bégayée, syncopée, et le roman. La place du cinéma, et précisément celle du plan-séquence, reste ainsi un élément permettant le passage de l’un à l’autre, intervenant donc directement dans le champ littéraire et dans ses pratiques, induisant de nouvelles formes syntaxiques.

Les ciné-poésies ou films-poésies de Frank Smith 

Le travail de Frank Smith se réalise dans la production conjointe de livres et de films, et repose pour certains de ses travaux sur l’équation « un livre = un film ». La recherche de correspondances entre deux champs – cinématographique et poétique –, d’un domaine à l’autre, dans des opérations d’emprunts et de frottements, sous-tend ses recherches artistiques : « c’est cette frontière entre film et livre qui fait l’objet d’une exploration désormais ». Ou encore : « Dans ce projet de collision, la frontière livre/film sort de ses gonds ou est contournée ». Un premier film, Le vent, le vent, se construit en référence au cinéaste James Benning, en particulier à son film Los. Dans cette tentative radicale d’une approche filmée du vent rejoignant la question de l’infilmable, le film est une succession de plans fixes dans le paysage ouest-américain porté par un texte en voix off d’Emmanuel Hocquard et lu par Emmanuelle Riva.

Un second film Eureka se construit, explique Frank Smith, dans une recherche autour de la ville d’Eureka, située au Nord de San Francisco, poursuivant l’idée de « capter des scènes à l’extérieur, dans le dehors du monde ». Le texte évolue en sous-titres sur des images-captures d’écran dans une absence quasi totale de son et de voix off. « Ce qui n’est pas résolu avec des mots », dit Frank Smith, est porté vers « un essai avec des images ».
« Privilégier la notion de film à celle de cinéma », dit-il, se situant ainsi à l’encontre de l’industrie du cinéma et de ce qu’il comporte (acteurs, décors etc.), dans un positionnement également contre la fiction, dans une « tentative d’objectivisme que l’on essaie de prolonger et de renouveler : post-objectivisme d’image et de mots qui font communs ensemble ».

Le Film des questions, qui porte explicitement dans son titre la référence au champ cinématographique et associe d’emblée texte/film, est un livre avant d’être un film, un livre paru en 2014 et un film qui est une commande du Festival Hors Pistes du Centre Pompidou, en 2015. Le questionnement se porte sur le lien texte/ événement – fait divers –, celui d’un assassinat de 10 personnes en Alabama en mars 2009. Prenant appui sur des articles de presse pour une reconstitution, le film se construit paradoxalement dans l’absence de visage et d’image et repose sur le mouvement seul, porté par un travelling sur la route d’un parcours meurtrier construit à partir d’images issues de Google.

Le film d’actualités, le document filmé d’une manifestation, est le matériau de base de la réalisation du Film des visages. « Si le langage est le sujet dans la poésie. Où est le sujet dans le film ? Le montage est-il le sujet du film ? », interroge Frank Smith. Le Film des visages reste également une proposition à double entrée – cinématographique et textuelle – et se rapporte à un livre et à un moyen-métrage réalisé pour une commande du Centre Pompidou / Hors Pistes en 2016. En référence à un fait d’actualité qui marque le commencement de la révolte contre le gouvernement égyptien et les premières manifestations de ce que l’on nommera le Printemps arabe, le document d’actualité, sous la forme de photographies de manifestations ou de plans fixes d’un film d’actualités sur les manifestants, s’insère dans le texte Le Film des visages. Dans une réflexion sur l’image et son rapport au corps et précisément au visage, le texte interroge les rapports visage et révolte, visage et politique, visage et foule, visage et gros plan ou paysage et visage, ou encore image et « conscience-caméra » (« qu’est-ce qu’un visage sinon / une intensité de peuples en mouvement »). Les liens poésie/politique/cinéma sont ainsi explicités dans ce qui pourrait être une question-manifeste du livre et du film : « qu’est-ce qu’un cinéma de poésie / qui / – par-delà l’alternative de la représentation ou de la / transparence – / permet de rendre à nouveau sensible à certaines réalités / qui / échappent habituellement au regard ? »

Le dispositif mis en place par Frank Smith pour Le Film des visages se réfère à Michael Snow, en particulier à ses films Sur la longueur d’onde et La Région centrale. Dans une approche cette fois formelle du texte, on note l’emprunt d’intertitres, de « cartons », en référence au support utilisé dans les films muets pour y inscrire du texte, ainsi agencés, intercalés dans les énoncés du livre. Dans des textes en filiation étroite avec les démarches et pratiques des poètes objectivistes américains, les images s’ancrent-elles également dans une approche objective, de constat ? Qu’il s’agisse de documents d’archive, de rapports (rapports d’interrogatoires menés auprès de prisonniers pour le livre Guantanamo, ou rapports de l’ONU sur la situation à Gaza pour le livre Gaza, d’ici-là), il s’agit d’un « traitement poétique du matériau » s’ancrant dans un champ de références à double entrée cinématographique et littéraire : Duras, Straub et Huillet, Akerman, Marker, Pasolini, Godard, les Objectivistes américains. Ces travaux de Frank Smith sont à visée réflexive et transdisciplinaire : « qu’est-ce qu’un cinéma de poésie, une poésie de cinéma ? ».

Le Film de l’impossible, réalisation en projet de Frank Smith, intègre cette question qu’il précise « sur le devenir de l’image et de la pensée du cinéma », l’image perçue « en tant que processus à explorer et refus de toute forme de représentation », cela dans l’exploration d’un nouveau dispositif où le texte devient « conversation à partir de ce texte que l’on va filmer ».

Vers une approche du cinéma en tant que sujet
dans le texte poétique

Le lexique ou encore le sujet, les figures du cinéma dans le texte poétique, sont d’autres marques d’emprunts et de contaminations d’un domaine artistique à l’autre. Dans la culture Pop que se réapproprie le champ poétique contemporain, et plus précisément la « Nouvelle Poésie Française » telle que la définit le poète Sylvain Courtoux, le cinéma occupe une place centrale.

Dans la réappropriation du lexique cinématographique, les textes poétiques annoncent leurs références. Montage est ainsi le titre du premier livre de Véronique Pittolo. Dans l’hétérogénéité du texte et en particulier des dialogues, Montage se réfère explicitement au domaine cinématographique : emprunt de didascalies propres au scénario, de métaphores issues du registre cinématographique, approche critique sous la forme d’un dialogue des différents types de productions (« J’ai d’abord fait du cinéma en amateur. / – Des Fictions ? / – Des documentaires, le domaine expérimental, / puis le désir d’être professionnel, le genre commercial) ».

L’examen de façon plus globale des titres (Film à venir de Jean-Marie Gleize, Des prises de vue de Rémi Froger, etc.) ainsi que les nombreuses références filmiques explicites insérées dans les textes et le cinéma abordé en tant que sujet et thématique centrale (milieu du cinéma dans Sunny girls de Sandra Moussempès, films de monstres japonais et personnages de fiction tels Batman, King Kong notamment, dans les livres de Christophe Fiat, Héros de Véronique Pittolo, etc.), mettent en évidence la circulation des éléments cinématographiques dans le champ poétique et leur participation active à la structure même du texte. La circulation de ces éléments thématiques pourrait faire l’objet d’une autre analyse développant sous un angle différent la porosité existant entre les deux domaines, cinématographique et poétique. Le réinvestissement des procédés et techniques du cinéma dans le champ poétique semble néanmoins ouvrir la voie aux expérimentations les plus innovantes.

• Pierre Alféri, « Qu’est-ce qu’un cinépoème ? », Revue critique de fixxion française contemporaine.
• Pierre Alféri, cinépoèmes & films parlants, DVD, Les laboratoires d’Aubervilliers, 20004.
• Jérôme Game, Ceci n’est pas une légende ipe pe ce, (DVD) Incidence, 2007.
• Liliane Giraudon, « Une creative method accidentée », Diacritik, 2016.
• Frank Smith, Sébastien Zaegel, Jean-Philippe Cazier, « Filmer/Écrire – Vient enfin le moment d’errer », La vie manifeste, 2015
• Sylvain Courtoux, « Les Poètes – Vestiaires / Sur la Nouvelle Poésie Française ».