Carine Chichereau : « La traduction est un travail de création »

Carine Chichereau © Christine Marcandier

A l’automne 2016, la revue TransLittérature proposait un numéro consacré à des portraits de traducteurs, une manière de mettre à l’honneur ces acteurs essentiels du monde du livre, cependant trop souvent ignorés dans la presse qui parle souvent des livres étrangers comme s’ils s’étaient miraculeusement traduits tout seuls. Sans les traducteurs, pourtant, qui pourrait avoir un accès aussi large aux littératures du monde ?
Chez Diacritik, pas de numéro spécial mais la mention systématique (et naturelle) de leurs noms et des articles réguliers sur le travail de plusieurs d’entre eux, Laurent Margantin, Danièle Robert, Julia Chardavoine pour ne citer que les derniers. Et aujourd’hui un long entretien avec Carine Chichereau, traductrice de l’anglais.

Carine Chichereau © Christine Marcandier

Carine Chichereau est de ces traductrices dont tout lecteur admire le talent à rendre la chair et le rythme de la prose originale. Elle fête cette année ses vingt ans de traduction ; en cette rentrée d’hiver 2017, les lecteurs peuvent découvrir L’Œuf de Lennon de Kevin Barry (Buchet-Chastel) et Les Furies de Lauren Groff (éd. de l’Olivier) à travers ses mots. Cette double actualité a été le prétexte de cet Joseph O'Connor Maintenant ou jamaisentretien, dans lequel Carine Chichereau revient sur son parcours, sur ses habitudes de travail, la visibilité nécessaire des traducteurs, jusque sur la couverture des livres publiés.

Elle évoque pour nous quelques-uns des nombreux auteurs qu’elle a traduits, Darragh McKeon, Jane Smiley, Joseph O’Connor, Julie Otsuka, etc. d’autres dont elle rêverait de nous offrir le texte français. Traduire de l’anglais, c’est s’ouvrir au monde, dans sa richesse et sa diversité, aux États-Unis et au Royaume-Uni bien sûr mais aussi l’Australie, l’Inde, l’Afrique, etc.

C’est, à travers ces textes avec lesquels elle vit pendant des mois, jouer d’échanges, d’échos, aller vers l’autre, qu’il s’agisse de celui qui écrit dans une autre langue ou du lecteur qui aura accès à ce texte grâce à elle. Tout doit dialoguer, affirme plusieurs fois Carine Chichereau au cours de l’entretien, ce qu’elle pratique jusque dans l’expression de son admiration pour la traduction des Maries rebelles de Laura Kasischke par Céline Leroy. La

Traduire, c’est enfin ce patient, passionné et minutieux travail (qui est aussi un art) consistant à adapter sans trahir, à trouver des ponts entre les cultures, entre des langues et des usages, soit la double dimension, poétique comme politique de la traduction. Carine Chichereau souligne cet enjeu dès le début de l’entretien, parlant de « diffuser » et « communiquer », d’une ouverture et une curiosité : « il n’y a rien de plus catastrophique que le repli identitaire ».