April 24, 2014 (Fifty-Three Days, journaux américains, 7)

© Franck Gérard

LOS ANGELES /Day seven.

Les sirènes me réveillent la nuit ; mais quelle beauté que ce son.

Ce matin, Dowtown. Au début, parachuté dans des quartiers pauvres. Au bord de l’avenue deux hommes me « hell » avec leurs pancartes Jésus. Je parle anglais et aime tellement être en contact, dans la rue, que je comprends qu’il est impossible d’être dans un endroit où je ne puisse communiquer, du moins parler la langue. Je sens que le désert m’appelle et je lis ce soir sur internet qu’il existe 9000 villes fantômes en Californie ; waouuuhh ! Vendredi, j’essaie ! J’essaie le désert pour la première fois de ma vie ! Mais pour le moment, je suis Dowtown L.A. et je ne m’y sens pas bien, pas bien du tout. C’est comme si j’étais sensible aux vibrations de ce monde et j’ignore pourquoi. Malgré tout je shoote et il y a de belles lumières. C’est différent, très, d’hier. Il y a ce homeless, car ici ils sont durement présents, qui me poursuit et je lui donne « one buck », finalement. Mais il le refuse, car nous avons un rapport violent ;
je lui dis « Take care », il me répond « You, take care » sous forme de menace. Il y aussi ce motard du LAPD à qui je parle des 20 ou 30 motards que j’ai vus et dont vous avez pu voir la photo ; il me dit que c’était pour les funérailles d’un policier assassiné ! Finalement, ces choses-là n’arrivent pas tous les jours ; en tout cas, je l’espère ! Mais ce goût du thriller est bien là, dans ma bouche, le parfum de l’enfer. Arturo Bandini ! Tu es là ?

Je mange ; rien d’étonnant ; je suis sur Beverly Boulevard ; cette jeune femme s’assied en face de moi ; je ne peux m’empêcher de la fixer car rien n’est vrai chez elle, de mon point de vue, et j’ai l’envie de voir une image (car il s’agit bien de l’image que l’on renvoie) de ce qu’elle était avant toutes ces interventions : Tout est refait ! « Fake face »! (The body too !).

Et puis je marche encore, et encore, sur les boulevards sans fin. Shooter encore et encore. Enfin le cimetière dont je vous parlais hier. En majorité arménien, russe et juif. Et ces paons magnifiques ; l’un d’eux me fait la cour ; cette délicate roue.

Pour la première fois de ma vie, je vois un colibri allant de fleur en fleur. Il est vert scintillant ; que c’est beau ! Mais surtout cette tombe en l’honneur de celui qui a créé le premier missile américain, et bien d’autres choses encore ! Enfin, c’est ce que je lis ; je ne sais plus que croire…

Je finis au treizième étage (PH pour Penthouse) d’un immeuble ; pas de numéro 13 dans l’ascenseur. J’aperçois cette ville plate, de haut, et la hauteur m’en donne, sur cette ville. Le vertige ! Au bord du vide, à cet instant, la beauté de cette cité me désintègre.

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