Fuir, Laurent Deglicourt (Le voyage minuscule 9/22)

© Laurent Deglicourt

Fuir l’appartement déserté était une de nos priorités. Le samedi ou le dimanche, nous roulions. Toujours un peu vers les mêmes destinations : soif d’espace, de petit dépaysement, d’air. Dans la nature, libre de ses gestes, le corps content, Gabriel semblait épanoui et heureux (il l’est d’ailleurs toujours, maintenant, dans de telles circonstances). Je retrouvais avec lui les paysages que j’avais arpentés, enfant, avec mes parents : la Côte d’Opale, la promenade de Mers Les Bains, la forêt d’Eu. La madeleine était amère ; mon père était mort, ma mère dans les limbes. J’étais écartelé entre un territoire qui ressemblait de plus en plus à un cimetière et un autre – le sud –, où je m’étais installé sans conviction et où je n’arrivais pas à me projeter. Mon fils, avec sa joie, son énergie semblait être l’unique survivant de cette triste histoire ; petit poucet vaillant, intrépide, audacieux. Cette flamme en lui, j’ai essayé de toutes mes forces de la préserver, de l’entretenir.

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