Ma mère, Laurent Deglicourt (Le voyage minuscule 7/22)

© Laurent Deglicourt

Ma mère venait de rentrer en maison de retraite médicalisée. Vivre seule, à la merci de sa mémoire défaillante, devenait dangereux. Une place s’était libérée subitement et elle avait quitté Amiens du jour au lendemain, emportant juste quelques meubles et ses affaires. Tant que l’appartement n’était pas vendu, nous en profitions encore, mon fils et moi, quand je venais le voir. Ce lieu, désormais inhabité mais encore plein de la présence de ma mère, était devenu étrange. Je l’avais connu occupé par mon père et ma mère. Après le décès de mon père, contre toute attente, ma mère avait continué à y vivre seule, vaillamment d’abord puis de plus en plus difficilement. Maintenant, c’était devenu une coquille vide, un simple pied-à-terre encombré de breloques. Bientôt, cet abandon allait encore s’accentuer : en prévision de la vente, les meubles furent donnés ou cédés. Ne demeuraient, dans ce qui ressemblait de plus en plus à un squat, qu’une table de camping, quelques chaises et deux matelas. Nous y avons bivouaqué quelques temps. Gabriel, le dimanche matin, révisait ses leçons au milieu de l’appartement vide.

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